Depuis quelques jours, la filière volaille (chair et œuf) bénéficie d’une visibilité médiatique inhabituelle. À en croire certains discours, le secteur serait en pleine dynamique. Mais derrière cette façade se cache une réalité brutale, que vivent au quotidien les éleveurs : celle d’une crise profonde, silencieuse, mais destructrice.
Les appels à construire de nouveaux poulaillers se multiplient. Les coopératives cherchent des exploitants prêts à investir plusieurs millions d’euros dans des projets d’envergure. Ce discours, porté notamment par le président d’Anvol, Jean-Michel Schaeffer, occulte une vérité dérangeante : aujourd’hui, celui qui se fait plumer, ce n’est pas la volaille, c’est l’éleveur !
Ce sont les éleveurs qui prennent les risques. Ce sont eux qui assurent la continuité de notre alimentation. Ce sont eux qui se lèvent tous les jours pour produire localement une volaille de qualité. Et pourtant, ils sont les premiers sacrifiés. Pression administrative, normes toujours plus nombreuses, blocages systématiques des projets, charges en hausse, contexte sanitaire fragile : la filière est sous pression permanente. À cela s’ajoutent des contrats déséquilibrés, imposés par l’aval de la filière, qui empêchent toute rentabilité et laissent les producteurs sans marge de manœuvre.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2022, la production nationale de volaille a chuté de 7 %. Aujourd’hui, plus de 50 % de la volaille consommée en France est importée. En 2017, le revenu moyen des non-salariés agricoles ne dépassait pas 1 210 euros par mois. Et un agriculteur sur cinq vivait avec un revenu nul ou négatif. En 2024, après deux années de timide reprise, les installations agricoles repartent à la baisse. C’est une tendance lourde, et elle est alarmante.
Nous dénonçons l’hypocrisie d’un système qui demande toujours plus aux éleveurs tout en les rémunérant toujours moins. Les investissements dans un élevage s’étalent sur 12 à 15 ans. Pourtant, rien n’est prévu pour garantir leur viabilité dans la durée. Nous demandons l’intégration obligatoire de clauses de revoyure dans les contrats, pour ajuster les conditions économiques aux réalités du terrain. Car sans visibilité, sans sécurité, il n’y aura plus de volontaires pour produire demain.
Il est temps d’en finir avec le mythe de l’aide ponctuelle comme solution miracle. Ce qu’il faut, ce sont des prix justes, construits sur la base des coûts de production réels. Il faut rééquilibrer la chaîne de valeur, mettre fin à la captation des marges par les coopératives géantes, les industriels de la transformation et la grande distribution. Il faut un partage équitable des richesses créées par notre travail.
La souveraineté alimentaire ne peut pas être un simple slogan politique. Elle doit se traduire par des décisions fortes et immédiates. Simplifier les normes, faciliter l’installation, garantir une rémunération décente, défendre les produits français : voilà les piliers d’une relance durable de la filière.
Nous appelons aussi les consommateurs à faire un choix engagé. En achetant de la volaille et des œufs français, vous soutenez nos exploitations, notre économie locale, notre savoir-faire. Vous agissez concrètement pour la sécurité alimentaire de notre pays. Car dans un contexte géopolitique aussi instable que celui que nous connaissons, relocaliser notre alimentation est un impératif stratégique.
Sans action immédiate, c’est tout un modèle qui s’effondre. Et demain, les produits français que vous appréciez seront remplacés par des importations, produites à bas coût, souvent hors d’Europe, dans des conditions que nous refusons ici. Est-ce cela que nous voulons pour notre agriculture, pour notre alimentation, pour les générations futures ?
Nous, Coordination Rurale du Morbihan, exigeons des actes. La filière volaille ne peut plus attendre. Il en va de la survie de nos exploitations, de notre autonomie alimentaire, et de la souveraineté de la France.
Pour la Coordination Rurale du Morbihan,
Nathalie Possémé, Présidente.