La France n’assure plus sa souveraineté alimentaire ni en œufs, ni en volaille. En 2023, elle n’est auto-suffisante qu’à hauteur de 99 % en œufs, contre 102,7 % en 2021. Les chiffres sont encore plus alarmants en poulet de chair avec 77 % d’autosuffisance (ce chiffre ne tient compte ni des importations, ni des exportations). Cela s’avère inquiétant au regard de l’augmentation de consommation d’œufs de 4,4 % sur les 8 premiers mois de 2024 par rapport à la même période 2023 et des + 11,4 % de demande globale française de volaille sur les sept premiers mois de 2024 par rapport à la même période 2023. En 20 ans, la proportion importée de poulets consommés est passé de 25 à 50 %.

Malgré ces constats affligeants et inquiétants, la politique aveugle et irresponsable de l’inflation normative coûteuse se poursuit inexorablement. La filière œufs doit par exemple anticiper la réduction drastique du code 3 (élevage en cage) alors même que la demande ne cesse d’augmenter. N’est-ce pas naïf de croire que le consommateur, plébiscitant les prix bas, se tournera sur les modes de production code 1 (plein air) et code 2 (élevage au sol), plus coûteux, pour compenser le volume perdu en code 3 ? Autre exemple de manque d’anticipation : quid de la prise en charge du coût de l’ovosexage estimé à 36 millions d’euros par an ou encore de celui du parcours des poulettes et de leur alimentation 100 % bio en 2027 ?

La Coordination Rurale estime qu’au regard de l’insécurité alimentaire de la filière avicole, aucune nouvelle norme, non prouvée par un gain de productivité, ne devrait être validée sans garantie de couverture de son coût à long terme chez l’éleveur ! Tout contrat devrait inclure une indexation annuelle corrélée à l’inflation, le coût des contraintes réglementaires imposées et les risques sanitaires, qui ne relèvent pas de la responsabilité de l’éleveur (grippe aviaire…).

Un prix juste présente trois conditions :

 
  •  permettre de couvrir les charges en régime de croisière,
  • assurer une rémunération de l’éleveur à hauteur de ses responsabilités, de son temps de travail, des risques pris et de sa polyvalence,
  • permettre de constituer une réserve pour les aléas sanitaires, climatiques…

Pour reprendre 20 % de part de marché, Jean-Michel Schaeffer, président de l’interprofession de la volaille de chair et membre de la FNSEA estime qu’il faudrait construire 80 poulaillers par an sur cinq ans. Est-ce raisonnable et responsable d’inciter les éleveurs à investir des sommes astronomiques sans au préalable une garantie de prix, avec indexation telle que présentée précédemment, et des débouchés à long terme ? Au regard du nouveau quota d’importation du Mercosur de 180 000 t de volaille sans droit de douane et affichant des coûts de production du poulet brésilien 30 % moins élevés qu’en France, la question n’est-elle pas légitime ? Certes notre rôle est de nourrir la population, mais pas à n’importe quelles conditions ! Les producteurs ont déjà assumé les conséquences de promesses de résilience non tenues concernant la montée en gamme ou encore la conversion bio. Une fois les investissements effectués, le retour en arrière est impossible ! L’agriculteur se retrouve seul face à ses crédits !

Jean-Michel Schaeffer déplore aussi l’absence de soutien des pouvoirs publics. Malgré cela, l’interprofession compte encore sur le nouveau gouvernement pour la soutenir dans la construction de 400 nouveaux poulaillers d’ici 5 ans, pour un budget évalué à 750 millions d’euros (1,9 M€ par poulailler) ! Avec la dette abyssale de la France, il faut être réaliste, le temps du « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron soutenu par la Fnsea est révolu ! Au regard des 304,4 millions d’euros de bénéfice net du groupe LDC sur son dernier exercice, force est de constater que c’est toujours le partage de la valeur ajoutée qui fait défaut. SBV, l’un des ses outils morbihannais, affichent un résultat net de 21 millions d’euros ! Si le privé est capable de générer de tels bénéfices, les coopératives doivent aussi en être capables !

Pour la Coordination Rurale, la résilience de nos outils productifs doit passer par « des prix, pas des primes ». Au regard des chiffres précédents et des mesures prônées par notre syndicat depuis la création de la PAC et notre intégration dans l’OMC, c’est possible ! C’est possible grâce à une régulation des productions, orientée par une demande certaine, et une exception agriculturelle, retirant les produits agroalimentaires des accords de libre-échange et plus largement de l’OMC. La défense du maillon producteur, représenté aujourd’hui par le syndicat majoritaire, doit aussi retrouver son véritable rôle de contre-pouvoir face aux autres maillons de la filière.

Le producteur ne doit plus servir de variable d’ajustement !

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