L’AGRICULTURE A LA CROISÉE DES CHEMINS
La section jeunes de la Coordination Rurale de Bourgogne Franche-Comté a vu le jour officiellement le 19 octobre dernier, avec l’élection de son bureau, présidé par Loïc CONTINI, de la CR du Doubs. Elle permettra aux jeunes agriculteurs et futurs installés de se retrouver dans un autre cadre que celui des JA, qui attirent les jeunes pour les conduire ensuite à la FNSEA et au modèle agricole qu’elle défend.
Elle renforcera également la voix de la CR vis à vis de la Région, désormais gestionnaire des aides à l’installation, et qui, malgré nos demandes, n’a jusque-là pris les avis que des JA, devenus de fait co-gestionnaires avec la Région de sa politique d’aide à l’installation, comme la FNSEA co-gère la politique agricole avec le gouvernement.
Or, la politique d’aide à l’installation mise en place par la Région et les JA se caractérise par une augmentation substantielle des montants des DJA, ce qui est bien évidemment positif, lié à un resserrement de l’accès aux aides : âge minimum passé de 18 à 20 ans, sortie du dispositif des activités équestres (hors élevage majoritaire), suppression de l’accès aux aides pour un agriculteur pré-installé( en général double-actif exploitant une toute petite structure, ou associé n’ayant qu’un nombre symbolique de parts dans une société), plus de dérogation possible en matière de diplômes agricoles. Ces deux derniers points, en particulier, nous semblent aller résolument à contre-courant des besoins liés à l’arrivée massive de candidats à l’installation en reconversion .
Cette politique vient renforcer la tendance à la disparition des petites et moyennes exploitations, déjà provoquée par la pression administrative, réglementaire et judiciaire, menée entre autres par l’OFB, qui permet de moins en moins de mener de front son travail d’agriculteur et la gestion administrative de son exploitation. La condamnation d’un agriculteur pour avoir coupé des roseaux en ayant sollicité l’autorisation d’une seule administration au lieu de trois illustre parfaitement ce phénomène.
La Loi d’Orientation Agricole en projet renforcera d’ailleurs cette tendance, permettant à de grandes entreprises, comme celle du président de la FNSEA, de reprendre les petites structures, qui seraient pourtant les plus rentables sans cet acharnement administratif, amenées à disparaître. La FNSEA est d’ailleurs prête à accélérer le mouvement en proposant la mise en place d’un système d’aide à la reconversion pour ceux qui sont poussés dehors.
Les conséquences du passage programmé du modèle d’exploitation familiale que défend la CR à un modèle « industriel », comme celui qui domine en Ukraine par exemple, dépasseraient d’ailleurs largement le monde agricole, et déstabiliserait l’ensemble du monde rural.
C’est donc bien entre deux modèles opposés d’agriculture que nous aurons à choisir lors des prochaines élections de chambres. Soit, comme le propose la FNSEA, accompagner, voire accélérer, la réduction du nombre d’exploitations, qui pourrait être à terme encore divisé par deux, soit, et c’est la ferme volonté de la CR, enrayer ce déclin et défendre nos 400 000 fermes, en permettant à ceux qui en ont besoin de s’agrandir, et aux structures trop grandes pour être rentables et trop chères pour être reprenables d’éclater, ce qui faciliterait l’installation de porteurs de projets alternatifs sur de petites structures qu’ils ont du mal à trouver.
Mais ce modèle agricole, nous n’aurons pas à le défendre que dans les urnes, il nous faudra aussi convaincre le nouveau gouvernement de changer radicalement de politique agricole par rapport à celle de son prédécesseur. C’est pourquoi la C R de Bourgogne-Franche-Comté a invité notre nouvelle ministre, Madame Annie Génevard, à venir nous rencontrer dans une exploitation du Doubs, département dont elle était encore députée il y a peu. Ces premières décisions face aux multiples crises qui frappent le monde agricole sont plutôt bon signe, mais ne nous permettent pas de voir si elle a pris conscience de la nécessité du changement radical que nous attendons d’elle. C’est pourquoi certains de nos départements ont lancé des premières actions pour alerter sur le fait qu’aucun des principaux problèmes à l’origine des mouvements de l’hiver dernier n’a été résolu. Ce mouvement va sans doute se généraliser et s’amplifier dans les semaines qui viennent, et nous comptons sur nos adhérents et nos sympathisants pour se mobiliser, en veillant cependant à n’occasionner aucune dégradation. En effet, alors que la France a été laissée au bord de la faillite par le gouvernement précédent, il est de notre responsabilité de ne rien faire qui puisse aggraver encore la situation. Les Français, qui nous soutiennent dans leur immense majorité, ne nous le pardonneraient pas.
Thierry-James Facquer, Président CR BFC