Après une première rencontre constructive qui s’est tenue en sous-préfecture de Vienne au mois de septembre 2022, les représentants de la CR 38 avaient prévu d’accueillir Denis Mauvais, sous-préfet de l’Isère, sur l’exploitation d’un adhérent. Ce mardi 7 mars 2023, c’est donc sur l’exploitation Ogier Fruits et en présence de Frédéric Belmonte, maire de la commune de Seyssuel, et de plusieurs journalistes, que se sont déroulés la visite et les échanges. Ceux-ci ont essentiellement portés sur les difficultés rencontrées par la profession pour faire face à la hausse des charges et à la flambée du coût de l’énergie.

Lutter contre la désagriculturation :

« Les agriculteurs sont une des premières forces vives du pays, nourrissent les Français et, plus que jamais, constituent un rempart contre les crises alimentaires qui s’annoncent. Or, la profession rencontre depuis plusieurs années de grandes difficultés, qui s’accumulent avec le temps : conditions de travail difficiles, catastrophes climatiques, dénigrement, pressions administratives, contraintes environnementales, hausse du coût de l’énergie, inflation des matières premières et des carburants, marges réduites, etc. Ces nombreuses problématiques conduisent beaucoup d’entre eux, faute de soutien suffisant, à l’arrêt de leur activité » regrette Thierry Boiron, Président de la CR38.

Afin de protéger les agriculteurs et de lutter contre la désagriculturation de la France et de l’Europe, la CR de l’Isère rappelle à monsieur Mauvais qu’il est urgent de changer la cap rapidement !

Inflation : les agriculteurs en première ligne !

La guerre qui fait rage en Ukraine a déjà affecté les prix des productions agricoles et de l’énergie. En perturbant les « équilibres » de la production et du commerce mondiaux des denrées alimentaires, ce conflit a mis en exergue la fragilité de notre système agricole et alimentaire.

Alors que les coûts de production augmentent bien plus fortement que les prix de vente, les agriculteurs sont en première ligne face à l’inflation. Face à la hausse du coût de l’électricité, ils sont désemparés : en un an, les factures sont multipliés par 4, voir par 5. Impossible pour eux d’y faire face. Dans le cas de l’exploitation Ogier Fruits qui a développé une unité de transformation de fruits sur la commune voisine de Communay (69), la situation est extrêmement préoccupante : « Pour maintenir et développer notre activité, nous sommes dépendants du gaz et de l’électricité. Les dispositifs de soutien déployés par l’État sont inadaptés et nettement insuffisants pour nous permettre de faire face à cette situation catastrophique » condamne Jérôme Ogier. D’autant que pour l’arboriculteur, s’ajoute à cela des difficultés d’approvisionnement et l’augmentation du prix de certains contenants (+40 % pour les emballages par exemple).

Bien que toutes les professions soient concernées par l’inflation, la CR38 précise qu’en agriculture, les hausses de charges sont très significativement liées à l’énergie : de l’électricité pour l’irrigation et le stockage des productions en frigos au gaz pour la fabrication des engrais, pour le chauffage des bâtiments d’élevage et la fabrication de l’aliment, et pour le séchage des cultures afin d’en garantir le stockage, etc. Pour être très concrets et en se basant sur les données de l’IPAMPA (Indice des prix d’achat des moyens de production agricole), les représentants de la CR 38 relèvent qu’entre 2020 et 2022, le prix du GNR était multiplié par 2,40 tandis que celui des engrais azotés l’était par 2,93.

Les éleveurs sont également impactés, avec une hausse constante des indices IPAMPA sur 2022 (+11 % en viande bovine et lait de vache entre janvier et décembre), principalement sur l’alimentation animale et les engrais et semences (+18 % environ pour ces produits dans les deux productions). Les prix, eux, commencent à stagner, voire à baisser en lait comme en viande, malgré les hausses observées en 2022. En effet, la plupart des laiteries annoncent une baisse du prix payé au producteur pour février 2022 ; cette baisse va de 1 à 3 % selon les laiteries et les régions. En viande, les prix de la vache R et des JB U et R n’ont plus évolué depuis octobre-novembre 2022, et celui de la vache O descend depuis le milieu de l’année 2022 (-4,5% en janvier 2023/juin 2022).

Pour permettre aux agriculteurs de faire face à cette situation, la Coordination Rurale a fait part de certaines propositions :

  • Organiser la répercussion de la hausse des coûts de production et garantir de la visibilité et de la sécurité sur les prix à venir en :
    – rehaussant les prix minimums d’intervention européens (par exemple : aujourd’hui une centaine d’euros par tonne pour le blé tendre) afin de limiter l’ampleur de la prise de risque et de relever les « filets de sécurité » pour tous les agriculteurs européens ;
    – mettant rapidement en œuvre une politique de prix sécurisants sur les sources de protéines végétales, afin de réduire notre dépendance aux importations et de permettre la rentabilité de ces cultures peu demandeuses en engrais azotés ;
    – permettant la répercussion des évolutions des coûts de production sur les prix de vente. La matière agricole pesant relativement faiblement dans le panier final des ménages (par exemple : 4 à 6 centimes de blé dans une baguette).
    Il s’agit d’une condition nécessaire pour permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier.
  • Mettre en place un dispositif d’allégement des charges et de soutien à la trésorerie ouvert à tous les agriculteurs susceptibles d’en faire la demande, incluant le report des annuités de cette année en fin d’échéancier pour les crédits et les leasing. À cela, peuvent s’ajouter la prise en charge partielle ou totale des cotisations MSA et des impôts ainsi que la récupération des différentes taxes payées par les agriculteurs. Cela doit, partout où c’est nécessaire, s’ajouter à un plan de désendettement des agriculteurs.
  • Pérenniser le dispositif d’exonération de charges patronales pour les saisonniers, dit TODE (travailleurs occasionnels, demandeurs d’emplois). En effet, les producteurs de cultures spécialisées (principalement le maraîchage), les viticulteurs, les arboriculteurs et horticulteurs emploient essentiellement de la main-d’œuvre saisonnière. Il est donc nécessaire de maintenir en place un système permanent, faute de quoi les agriculteurs français se retrouveront sans défense face à une concurrence étrangère pratiquant un important dumping social. Sans dispositif durable, des exploitations françaises disparaîtront.
  • Protéger les consommateurs en :
    – mettant en place une aide alimentaire via des chèques alimentaires ciblés sur les produits français ;
    – renforçant les contrôles sur les prix et les marges et en sanctionnant les effets d’aubaine dans l’aval de la chaîne de valeur alimentaire.

Lors de ces échanges, ont été également abordées les marges de négociation avec la grande distribution, la crise de la cerise, les difficultés de recrutement, les conséquences pour la filière betterave de l’interdiction des NNI, et la taxation trop élevée des transmissions d’exploitations. Autant de problématiques que le sous-préfet, qui dresse un bilan positif de cette visite, s’est engagé à faire remonter en haut lieu afin d’alimenter la réflexion nationale sur les questions de sécurité et de souveraineté alimentaire : « Il n’y a pas que des technocrates dans les services de l’Etat. L’agriculture est une plus-value pour la France et l’intention de l’Etat est de soutenir sa filière agricole. Pour s’adapter à la réalité du marché mondial, nous avons besoin d’être en contact avec les exploitants » souligne monsieur Mauvais.

Les représentants de la CR de l’Isère remercient messieurs Mauvais et Belmonte pour leur écoute active et espèrent pouvoir renouveller ces rencontres aussi souvent que l’actualité agricole l’exige.

Suite à cette visite, retrouvez les articles parus dans le Dauphiné Libéré et L’Essor.

Dans la même catégorie

CR 26
CR 63
CR 15
CR 03