J’apprends que dans la Vienne deux agriculteurs viennent de céder au désespoir en se donnant la mort. Ces décès s’ajoutent à une trop longue liste partout en France.

Personne ne peut, aujourd’hui, ignorer la situation dramatique de nombreux agriculteurs, et personne ne peut dire qu’il en ignore les causes.

En ce qui concerne la Coordination Rurale, nous n’avons cessé de dire et de répéter que notre politique française du laver « plus blanc que blanc », consistant à rajouter des contraintes à celles déjà fixées par l'Union européenne, flingue notre agriculture. Nous dénonçons aussi depuis trop longtemps cette politique agricole française et européenne qui consiste à interdire dans notre pays des produits de défense des plantes, ainsi que certaines méthodes de production végétales et animales, alors même qu’elle les autorise sans vergogne pour les produits importés.

Je dénonce en outre une orchestration de concurrence déloyale à plusieurs niveaux :

  • La concurrence déloyale internationale que nous connaissons tous. Je passe sur les importations massives de maïs et soja OGM qui inondent l’Europe. Je passe aussi sur le détestable (et très malhonnête) comportement des associations écologistes, qui se complaisent dans un amalgame leur permettant de salir l’agriculture française en passant sous silence une différence essentielle entre deux méthodes de production : celle qui consiste à apporter du glyphosate sur les cultures alimentaires, et celle, française, qui n’en apporte pas ;
  • La concurrence intra-européenne qui ne date pas d’aujourd’hui. Par le passé, nous avions les montants compensatoires monétaires (MCM) positifs et négatifs qui engendraient un différentiel de prix payé aux producteurs allant jusqu’à 20 % entre la France et l’Allemagne. Trop long à expliquer ici dans ce modeste « billet », je résume : les MCM étaient là pour compenser la différence entre le Mark fort et le Franc faible, et ainsi maintenir l'unicité des prix. Tout cela parce que la France, en 1969, a refusé avec la FNSEA/CNJA de relever les prix agricoles du montant de la dévaluation du Franc, quand l’Allemagne au contraire refusait de baisser ses prix agricoles à chaque réévaluation. Mécanisme pourtant prévu dans le traité de Rome ;
  • Parlons aussi des éleveurs français, poursuivis parce qu’ils allaient chercher en Espagne, après son adhésion à l’Europe, des produits vétérinaires beaucoup moins chers qu’en France. J’ai entendu des journalistes les traiter de délinquants. Les politiques nous ont vendu l’Europe comme un espace bénéficiant de la libre circulation des biens et des personnes. Cherchez l’erreur…
  • Ajoutons la concurrence honteuse. Les pouvoirs publics nous abreuvent avec condescendance d’une hypocrite bienveillance en nous invitant à produire toujours mieux, en nous ajoutant des charges, mais sans payer plus. Pire, les prix de nos produits "propres" doivent s’aligner sur les produits "sales" importés. Interrogeons-nous sur l’amalgame cité plus haut : celui-ci ne permettrait-il pas d’écraser les bons produits français, réduisant ainsi l’agriculteur pour son malheur à fournir aux délateurs des produits à bon compte ?

Les pouvoirs publics, en pleine crise de Covid-19, ont invité à la consommation locale. "En même temps" ces mêmes pouvoirs publics, après avoir déjà signé des traités de libre-échanges avec des pays dont les produits ignorent nos normes, viennent de réitérer ce fait en signant avec le Mexique des contingents de viande dont nous n’avons pas besoin, sauf à écraser nos cours.

Chaque année, notre gouvernement trouve intelligent de surtaxer toujours plus les produits de défense des cultures, sans se préoccuper du contexte de concurrence des produits importés qui sont à cent lieues de ces préoccupations. Que les choses soient claires, lorsqu'une plante ou un animal est malade, il n’y a que deux solutions : nous les soignons, ou nous les laissons crever. Le coronavirus a montré que l’humain déteste la chimie quand il est bien portant, mais qu’il la réclame lorsqu'il est en danger de mort…

Tout cela, nous le savons. Les pouvoirs publics français le savent, les décideurs européens le savent, et pourtant rien ne change.

Nous sommes face à des décideurs qui laissent faire une politique agricole irresponsable et meurtrière !

Jean-René Gouron

Agriculteur

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