Fin février et mi-mai, les représentants de la Coordination Rurale de l’Ain ont respectivement rencontré les députés Jérôme Buisson (quatrième circonscription) et Xavier Breton (première circonscription) pour leur faire part de leurs vives inquiétudes vis à vis de la conjoncture actuelle. Alors que les agriculteurs se trouvent en première ligne face à l’inflation, ils subissent également une multiplication de contraintes réglementaires qui les pénalisent considérablement dans l’exercice de leur métier.

Le ras-le-bol de la profession :

Laurent Juffet, président de la CR01, a d’abord pris le temps de présenter l’histoire, les valeurs, l’organisation et les principales revendications portées par la Coordination Rurale. Il a ensuite insisté sur la nécessité de remettre le mot « Liberté » au centre de la vie des agriculteurs : Liberté d’entreprendre, d’aller et venir, de protéger ses cultures et ses animaux. Il s’agit pour lui d’une composante essentielle pour assurer la pérennité de la profession, favoriser l’installation, la transmission et sécuriser le revenu des agriculteurs : « À cause des lourdeurs administratives, des contraintes réglementaires et des évolutions techniques que nous subissons, j’observe avec tristesse que beaucoup d’entre nous avons de moins en moins de plaisir à exercer notre métier. Si l’on ajoute à cela le dénigrement, les catastrophes climatiques, la hausse des charges et des couts de production, le cocktail devient explosif. À l’heure où les questions de souveraineté et de sécurité alimentaire occupent une place fondamentale dans la vie des français, il est plus que jamais temps de remettre de la cohérence et du bon sens dans les décisions prises à l’égard de celles et ceux qui constituent le premier maillon de la chaine de production.« 

De gauche à droite : Jérôme Buisson (député), Jean-Claude Monin (administrateur CR01 et FGC), Laurent Juffet (Président CR01) et Valentin (animateur CR)

Hausse des charges et explosion du coût de l’énergie : comment faire face ?

Afin de protéger les agriculteurs et de lutter contre la désagriculturation de la France et de l’Europe, la CR de l’Ain rappelle à messieurs Buisson et Breton qu’il est urgent de changer de cap rapidement !

En effet, alors que les coûts de production augmentent bien plus fortement que les prix de vente, les agriculteurs sont aujourd’hui en première ligne face à l’inflation. Avec la hausse du coût de l’électricité, ils sont désemparés : en un an, le montant au bas des factures a été multiplié par 4, voire par 5. Impossible pour eux d’y faire face.
Bien que toutes les professions soient concernées par l’inflation, la CR01 précise qu’en agriculture, les hausses de charges sont très significativement liées à l’énergie : de l’électricité pour l’irrigation et le stockage des productions en frigos, au gaz pour la fabrication des engrais, pour le chauffage des bâtiments d’élevage et la fabrication de l’aliment ainsi que pour le séchage des cultures afin d’en garantir le stockage, etc. Pour être très concrets et en se basant sur les données de l’IPAMPA (Indice des prix d’achat des moyens de production agricole), les représentants de la CR 01 relèvent qu’entre 2020 et 2022, le prix du GNR a été multiplié par 2,40 tandis que celui des engrais azotés l’a été par 2,93.

Jean-Claude Monin, administrateur du syndicat,a  profité de ces rencontres pour faire un focus sur le prix de l’électricité :

« En recevant leurs factures d’électricité, ou lors d’un renouvellement de contrat de fourniture, les agriculteurs ont été stupéfaits par l’augmentation du prix du Kwh depuis deux ans.
Pourquoi se retrouve-t-on avec des prix multipliés par cinq, six, voire dix ? Pourquoi des 250, 400 ou 600 euros /Mwh quand on sait que le coût de revient est de 50 € pour un Mwh d’origine nucléaire, 20 € pour un Mwh hydraulique, 60€ pour un Mwh éolien, et 140€ pour un Mwh photovoltaïque. Depuis la libération du marché de l’énergie, le prix du Mwh est fixé par L’Union européenne en étant indexé sur le prix du gaz et le prix de la tonne de CO2 émise lors de la production (lutte contre les gazs à effet de serre).
Une partie de notre parc nucléaire en maintenance, l’envolée des prix du gaz, la reprise économique post COVID ont conduit à une forte augmentation. Cependant la remise en service de nombreux sites nucléaires et un hiver 2022-2023 plutôt doux n’ont pas eu pour effet la baisse de prix que l’on aurait pu attendre suite à un réajustement de l’offre à la demande d’ électricité. Seuls nos voisins espagnols et portugais, en sortant du « système de fixation européen” des prix de l’électricité ont maintenu des prix cohérents avec leurs activités agricoles et industrielles.
En revanche, nos entreprises (agricoles, industrielles et artisanales), engluées dans ce système européen, servent de « sponsors ”aux entreprises allemandes qui bénéficient d’un prix de 130€ /Mwh. En France, l’État à mis en place un « amortisseur” du prix de l’électricité qui se déclenche à partir de 280€/Mwh. Cette aide de l’État (en réalité du contribuable) finance les fournisseurs d’ électricité qui, eux, achètent pour EDF 42€/Mwh (AREHN). Voilà comment engranger des bénéfices considérables sur le dos de l’ensemble des utilisateurs ! » déplore-t-il.

Des revendications multiples :

Parmi les nombreux autres sujets abordés, il a également été question :

  • de la suppression de matières actives qui pénalisent fortement les producteurs, laissés sans alternatives. À ce sujet, la CR de l’Ain demande  de stopper les décisions d’interdiction des produits phytosanitaires sans études spécifiques préalables, incluant une étude économique fiable et une étude sur la dangerosité des solutions de substitution (technique, chimique…) ;
  • du bien-être animal, en vertu duquel les éleveurs, même aguerris et expérimentés, se trouvent dans l’obligation de suivre des formations spécifiques : « C’est frustrant, ça fait bondir » réagissent les représentants de la CR01 qui regrettent vivement cette « infantilisation » des éleveurs ;
  • des importations massives qui ne respectent pas les normes de production françaises. Sur ce point, la CR01 demande la mise en application de l’article 44 de la loi Egalim, l’instauration d’une TVA sociale, l’application des clauses de sauvegarde et des clauses miroirs ainsi que la réhabilitation de la préférence communautaire ;
  • de la gestion de l’eau, et notamment de la nécessité de soutenir l’irrigation et de favoriser la création de retenues collinaires. La CR de l’Ain en profite pour remercier Jérôme Buisson de sa participation à la conférence « l’eau, un bien commun à entretenir » que le syndicat a organisé en partenariat avec la CR du Rhône le mardi 14 mars à Saint-André-de-Corcy (01).

Les représentants du syndicat remercient messieurs Buisson et Breton pour ces échanges sincères et espèrent pouvoir renouveler ce types de rencontres aussi souvent que l’actualité agricole l’exigera. À ce propos, monsieur Breton indique qu’il sollicitera rapidement le syndicat au sujet de la loi d’orientation et d’avenir agricoles qui sera débattue prochainement à l’Assemblée Nationale et pour laquelle la CR Auvergne Rhône-Alpes a déjà fait part de ses propositions lors de la concertation régionale. Mais au final qu’en restera-t-il ?

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