Entamées en 1999, les négociations pour un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Marché Commun du Sud regroupant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et le Vénézuela) risquent bien d’aboutir d’ici quelques mois. C’est en tout cas la volonté affichée par les camps brésilien et argentin dans une déclaration commune ce 6 juin à Buenos Aires qui qualifient la signature « d’imminente ». La Coordination Rurale qui se bat depuis toujours pour que soit mise en place une exception agriculturelle ne permettant pas l’adoption de tels accords craint le pire pour les éleveurs français et européens. Pour rappel, l’offre officielle dans le cadre de cet accord est de 70 000 tonnes de viande de bœuf, qui pourra être revue à la hausse dans l’accord final.

Un contingent de viande de bœuf contre des berlines

L’Allemagne fait partie des fervents supporters de la signature d’un accord avec l’Amérique du Sud, contrairement à la France qui a récemment rappelé sa position avec la déclaration de Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, de non ratification d’accords qui nuiraient aux intérêts des agriculteurs et consommateurs français, ainsi qu’aux exigences sanitaires et alimentaires des standards européens. Cette position reste difficile à entendre quand on sait que cet accord sera extrêmement profitable à l’Europe et en particulier à trois pays à savoir l’Allemagne, la France et à l’Italie, qui bénéficieraient d’un gain de 4 milliards d’euros pour les exportateurs européens. Le sacrifice de l’agriculture européenne via les importations massives de bœuf se ferait en échange d’automobiles et notamment de berlines Peugeot et Volkswagen qui seraient produites au sein de l’UE et exportées par bateaux. Asphyxions notre élevage au profit d’intérêts financiers à courte vue !

L’article 44 du texte de loi EGA doit être appliqué !

Le texte de loi adopté en automne dernier par les parlementaires vise les importations déloyales au regard des modes de production français via son article 44 : « Il est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation. » Le Brésil est le deuxième producteur mondial de viande bovine et l’un des premiers exportateurs. Cependant, cette production ne se rapproche pas des étendues vertes comme celles présentes sur notre territoire, mais fait plutôt place à de vastes exploitations intensives, où le bien-être animal (BEA) n’est pas un enjeux central (les normes y sont beaucoup plus souples notamment pour le BEA, la traçabilité sanitaire ou l’alimentation), et où il est encore coutumier de recourir à des hormones et antibiotiques, et même à des fourrages génétiquement modifiés. Rien de comparable à la viande produite au sein de nos élevages ! Ces pratiques permettent aux éleveurs brésiliens et à leurs voisins frontaliers d’être ultra compétitifs face au bœuf européen dont les coûts de production estimés sont 1,5 fois plus importants qu’en Amérique du Sud. Comme stipulé dans l’article sus-nommé, les parlementaires et le gouvernement se sont engagés à ne pas importer une agriculture diamétralement opposée à nos pratiques et nos attentes, utilisant des moyens proscrits dans nos fermes et qui représente une réelle concurrence déloyale pour nous éleveurs. Ils doivent désormais imposer que les volumes importés respectent les normes européennes existantes et répondent aux contrôles vétérinaires, ce qui paraît difficilement tenable !

Une multiplication des accords commerciaux en vue

En conférence sur les marchés mondiaux de la viande ce jeudi 6 juin à Paris, Pierre Chabrol, chef du bureau de la politique commerciale à la direction générale du Trésor (ministère de l’Économie et des finances) a indiqué que « l’Union européenne va continuer de multiplier les accords bilatéraux et commerciaux. Ils permettent de nouer des relations stables, réglementées, et prévisibles pour les entreprises exportatrices, malgré la fragilisation de l’organisation mondiale du commerce (OMC). » Un accord a d’ores et déjà été trouvé avec les États-Unis dans le cadre du Panel Hormones avec un octroi de 35 000 T à droits nuls. Le CETA, accord bilatéral entre l’UE et le Canada, entré en application de manière provisoire à l’automne 2017 et comprenant un contingent de 65 000 T de viande bovine risque quant à lui d’être entériné en fin d’année. La filière bovine canadienne s’adapte en effet progressivement à la législation européenne. Elle a récemment modifié son règlement pour l’obtention d’antibiotiques par les éleveurs, qui doivent se prémunir d’une ordonnance prescrite par un vétérinaire.

Pérennisons notre agriculture en mettant en place l’exception agriculturelle

La multiplication des accords commerciaux internationaux a transformé les agriculteurs du monde entier en gladiateurs. Ils s’affrontent malgré eux dans une arène mondiale avec des règles inégales et disparaissent toujours plus nombreux, car faisant face à une concurrence déloyale qu’ils ne peuvent supporter. La Coordination Rurale s’indigne du fait que l’agriculture soit la variable d’ajustement sacrifiée au profit d’autres secteurs. Pour cela, le syndicat revendique que l’exception agriculturelle soit reconnue tant au niveau européen qu’international, placée sous l’égide de l’ONU, et qu’elle permette de sortir les produits agricoles de ces négociations.

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