L’incendie s'est déclaré dans une usine chimique rouennaise le 26 septembre dernier. Il a laissé échappé dans l’atmosphère de nombreuses molécules dont la dangerosité n’a encore été totalement établie. L’usine Lubrizol classée « Seveso seuil haut » élaborait des additifs multi-usages qui peuvent être retrouvés dans des solvants ou des détergents, dont 5 253 tonnes sont partis en fumée. Lors de cet incendie, les vents ont transporté les fumées et des particules de suie à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde, particules dont les pluies du lendemain étaient chargées causant des dépôts sur de nombreuses communes des régions Normandie et Hauts de France, et bien sûr sur les terres agricoles. Les préfectures des différents départements incriminés ont, dans les jours suivants, publiés des arrêtés fixant les restrictions de mise sur le marché du lait, des œufs, du miel et des productions végétales ou des aliments pour animaux sur l’ensemble des communes concernées. Principe de précaution. Le ministre a affirmé que les agriculteurs seraient indemnisés du préjudice induit par les pollutions induites par l'incendie de l'usine Lubrizol.

La Coordination Rurale, qui a pu directement échanger avec les préfets, met en garde les autorités sur le fait qu’elle restera vigilante à ce que tous les agriculteurs soient indemnisés à la hauteur de leur préjudice. Le syndicat insiste également sur la provenance de l’indemnisation : il est totalement inenvisageable qu’un fonds de mutualisation agricole serve pour des dégâts causés par un industriel privé !

Les industriels se désolidarisent des éleveurs

À titre conservatoire et en raison de suspicion de contamination liée aux retombées de suie, les productions précédemment citées et élaborées après le 26 septembre sont consignées sous la responsabilité de l’exploitant. Aucune mention n’est faite concernant la viande bovine : quelles seront les conséquences pour les éleveurs si des traces de dioxines sont retrouvées dans le tissu adipeux des bovins ? Quant au lait, il ne peut rester en consigne dans les fermes faute de place dans les tanks. Il doit donc être jeté ou épandu par les éleveurs.

Problème : Comment évaluer de manière précise les volumes jetés ?

La Coordination Rurale s’était positionnée auprès des préfets pour une collecte impérative par les circuits traditionnels, à savoir par les industriels laitiers, afin de pouvoir évaluer le préjudice avec des compteurs certifiés. La destruction du lait par les éleveurs pouvant être considérée comme immorale et soulever des polémiques en cas d'épandages dans les champs. De plus, le moment venu des indemnisations, les volumes ne pourront pas être contestés, ce qui limiterait le litige. Les industriels laitiers se sont cependant catégoriquement opposé à cette option. Ils ont stoppé toute collecte dans les communes citées dans les arrêtés. « Je suis scandalisé par cette situation : les collecteurs ont la logistique, l’expérience et le stockage suffisant pour la mise en consigne du lait produit », s’indigne Denis Patrelle, président de la CR 60.

Des pertes qui ne doivent pas être payées par les agriculteurs

Le ministre de l’Agriculture a annoncé ce lundi 30 septembre que les agriculteurs seraient indemnisés en totalité du préjudice subi des suites de l’incendie de l’usine Lubrizol et que des avances de trésorerie seraient versées. Une part de l’indemnisation interviendrait dans le cadre du Fonds de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE). La Coordination Rurale s’oppose fermement à ce que ce fond soit utilisé dans ces circonstances, car comme l’a rappelé le ministre, les agriculteurs sont « des victimes ». Ils n’ont par conséquent pas à utiliser le fonds qu’ils ont abondé pour s’indemniser des conséquences d’événements sanitaires et climatiques auxquels ils sont trop régulièrement exposés.

« Dans une logique de pollueur-payeur, trop souvent répétée aux agriculteurs, c’est à l’entreprise Lubrizol et à son assurance de régler le préjudice. D’autant plus que derrière cette entreprise se trouve Warren Buffet, richissime homme d’affaire américain, qui a sûrement les moyens de payer ou de faire jouer ses assurances ! » indique Sophie Lenaerts, éleveuse laitière dans l’Oise .

  Si vous êtes agriculteur dans les environs de Rouen, accédez à notre article – Indendie Lubrizol : que faire en cas de présence de suie ou autre trace visible de pollution ?

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