Compte rendu de la journée annuelle de l’Institut de l’élevage (Idele) consacrée à l’élevage allaitant, qui s’est tenue le 13 novembre 2018.

Dynamique du cheptel allaitant

L’Institut de l’élevage a mené une étude pour comprendre la décapitalisation brutale du cheptel allaitant amorcée au printemps 2017, après quatre années de capitalisation. Le manque de trésorerie, les aléas climatiques et les problèmes sanitaires l’expliquent.

Mais l’Idele a bien insisté sur le fait que cette baisse n’aurait jamais été aussi brutale si le cheptel n’avait pas artificiellement augmenté à partir de 2013 à cause de la mise en place de l’Aide bovins allaitants, qui a poussé les éleveurs à retenir des vaches pour maximiser les montants d’aides couplées. L’institut donne ainsi raison à la CR qui avait dès 2013 anticipé ce phénomène et critiqué cette course à la production.

L’ampleur de la décapitalisation est telle qu’entre 2017 et 2018, la filière a perdu 1 500 exploitations allaitantes, contre 800 par an en moyenne sur les 10 dernières années.

En parallèle, les éleveurs font face à de lourds problèmes de fertilité depuis l’an dernier, principalement à cause des mauvaises récoltes fourragères de 2016 et des problèmes sanitaires liés à la FCO. Le printemps humide et la sécheresse estivale vont certainement amplifier ce phénomène, augmentant ainsi le recul des naissances et les difficultés pour renouveler le cheptel.

Marché de la viande bovine et des broutards

Broutards

La baisse des naissances a beaucoup impacté le marché du broutard. La baisse des disponibilités d’animaux âgés de 6 à 14 mois a certes permis aux cours de se maintenir à des niveaux intéressants, mais elle a aussi entraîné une baisse des exportations : - 4,5 % sur les 9 premiers mois de 2018 par rapport à 2017. Le risque à moyen terme est de perdre des parts de marché sur nos débouchés historiques

Jeunes Bovins

Le marché italien a repris des couleurs grâce à la reprise de la consommation. Mais les animaux disponibles sont en hausse sur le marché européenne, notamment ceux en provenance de Pologne. De plus, après un net recul en 2017 suite aux scandales de viande avariée, les importations italiennes de viande brésilienne sont en hausse. Les italiens utilisent notamment cette viande pour fabriquer la brésaola, une charcuterie IGP mais dont le cahier des charges permet l’utilisation de viandes importées...

En France, les prix du JB sont extrêmement bas. Le marché n’a pas entamé sa hausse saisonnière qui aurait dû commencer en septembre. Ce marasme s’explique par des files d’attente en ferme qui s’allongent, entraînant un alourdissement des JB et augmentant ainsi les quantités de viande disponibles. Ces files d’attente se sont rallongées car les exports en vif ont perdu beaucoup de débouchés sur le pourtour méditerranéen, augmentant ainsi le nombre d’animaux engraissés et abattus en France.

Les cours devraient cependant reprendre dans les mois qui viennent, dans la mesure où les stocks allemands et italiens ont considérablement baissé du fait de la sécheresse.

Femelles

La sécheresse a surtout entraîné une très forte hausse des abattages de femelles en Europe. Sur les 7 premiers mois de l’année, le nombre de vaches abattues dans les 27 pays européens a augmenté de 120 000 têtes par rapport à 2017. Si on considère les trois principaux fournisseurs de la France (Allemagne, Pays-Bas, Irlande), cette hausse atteint 50 000 têtes.

En France, cette hausse concerne seulement le cheptel laitier (+ 4,7 % d’abattages sur les 9 premiers mois de l’année). Le cours de la vache O a ainsi plongé très rapidement depuis mi-septembre, mais reste toujours supérieur au triste record de 2016.

En revanche, les cours des femelles allaitantes, s’ils n’ont pas plongé, restent structurellement bas en raison de la décapitalisation du cheptel (voir partie I).

Consommation

Si on observe la consommation par bilan (production + importations – exportations), celle-ci est en hausse sur les 7 premiers mois de l’année, en raison du développement de la RHD et des plats transformés.

En revanche, les achats des ménages sont en baisse : - 2,6 % d’achat de viande sur les 9 premiers mois de l’année, dont - 6,6 % en boucherie traditionnelle.

Prévision

La production de viande bovine française devrait diminuer de 4 % en 2019, principalement à cause de la décapitalisation du cheptel qui devrait se poursuivre. Les facteurs connus en 2017 se sont en effets maintenus, voir aggravés pour certains : problèmes de stocks fourragers, de fertilité, de trésorerie, de rentabilité des ateliers.

Et si consommer de la viande n’était pas du gaspillage ?

Face aux attaques toujours plus nombreuses contre l’élevage, l’Idele a mené des recherches pour mesurer l’efficience alimentaire de la viande. Cette efficience correspond au rapport entre les protéines produits par l’élevage et celles consommées par l’élevage.

Or, en élevage bovin, la très grande majorité des protéines utilisées pour nourrir les animaux ne sont pas consommables par l’homme : herbe, coproduits végétaux, certains protéagineux. C’est en comptabilisant uniquement les protéines utilisées en élevage consommables par l’homme (céréales principalement) que l’on obtient l’efficience alimentaire nette. Si cet indicateur est supérieur à 1, alors l’élevage produit plus de protéines qu’il n’en consomme pour l’être humain.

Les résultats montrent une très grande variabilité de cette efficience alimentaire nette, allant de 0,3 à 1,5 (les meilleures performances sont atteintes par les naisseurs-engraisseurs du Grand Est). Au-delà de cette variabilité, les participants ont souhaité utiliser ces résultats comme outil de communication en mettant en avant qu’il est possible pour l’élevage allaitant d’être producteur net de protéines.

Les promesses du digital pour les élevages et la filière

La présentation a fait un état des lieux sur les nouvelles technologies digitales et numériques pouvant être utilisées en élevage : bouclage électronique, bolus pour détecter les chaleurs, caméras thermiques pour détecter les situations d’hyperthermie...

Le débat a pointé le fait que le retour sur investissement de ces équipements est souvent médiocre en élevage allaitant. La course à l’investissement est loin d’être la solution aux problèmes d’élevage.

De plus, le débat a porté sur la propriété des données récoltées par ces instruments : les coopératives et opérateurs privés qui mettent en place ces outils et les logiciels associés sont susceptibles de vendre ces données. La question est de savoir comment associer l’éleveur au partage de la valeur de données qu’il a lui-même fournies ?

Life Beef Carbon

On estime généralement que l’élevage « bovins viande » compte pour environ 5 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

L’Europe finance le projet « Life Beef Carbon » qui vise à dresser un état des lieux précis de la contribution de l’élevage aux émissions de GES. Pour cela, 2000 fermes sont suivies dans 4 pays (Espagne, Irlande, France, Italie) pour identifier les sources d’émissions et dégager des leviers d’amélioration.

En moyenne, la production d’1 kg de viande vive émet 16,2 kg d’équivalent CO2, mais en stocke 5,6 kg. 56 % des émissions brutes sont liées à la fermentation entérique, 23 % à la gestion des effluents.

Le président de la FNB est intervenu pour dire qu’il faut transformer ces diagnostics en mesures politiques : alors que Bruxelles prépare un plan de réduction des émissions de GES en pointant la responsabilité de l’élevage, il faut d’après lui être force de propositions pour mettre en avant les systèmes herbagers.

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