Monsieur Hulot,

Dans le rapport du 9 février dernier, publié par votre fondation, vous dénoncez l’échec des mesures visant à réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Vous évoquez notamment le manque d’accompagnement du monde agricole dans la réduction de l’utilisation de pesticides. Nous les agriculteurs de la Coordination Rurale, deuxième syndicat agricole, nous constatons une réelle carence de la recherche concernant les méthodes alternatives aux produits phytopharmaceutiques et ce, malgré l’argent prélevé sur notre chiffre d’affaires servant à financer le développement agricole via la taxe Casdar, taxe plafonnée et dont le surplus est régulièrement volé à la recherche agricole au profit du régime général. Nous agriculteurs, sommes bel et bien victimes de cette absence d’alternatives qui nous laisse bien souvent démunis, face notamment aux nouveaux ravageurs.

Concernant votre annonce, elle se devait d’être accompagnée de chiffres, et vous annoncez une hausse des usages de 25 % entre 2009 et 2018. Nous trouvons surprenant de fonder un raisonnement sur le nombre moyen de traitements à l’hectare sans s’interroger sur les quantités de substances actives vendues en France. Les chiffres publiés par Agreste, sur lesquels vous fondez votre réquisitoire, sont pourtant limpides et, ayant été ministre en charge de l’environnement, vous ne pouvez pas les ignorer. Entre 2008 et 2019 la quantité de substances actives agricoles (QSA) vendues a diminué de 36 %. Par contre, le nombre moyen de traitements a bien augmenté (NODU) de 25 %. Autrement dit, les tracteurs sont sortis plus souvent mais pour épandre moins de substances.

Comme d’autres maraîchers en agriculture bio, nous utilisons comme une des solutions des huiles essentielles d’agrumes pour protéger les plantes contre la punaise diabolique, voire d’autres ravageurs. Mais face à  la pression et la résistance de ces parasites nous devons pulvériser plus souvent, environ tous les dix jours. Malgré ces applications, nous enregistrons des pertes en production, parfois assez conséquentes. Je pourrais vous parler de l’augmentation des surfaces en agriculture biologique, de dilution, de produits de contact, de biocontrôle, évoquer le moindre dosage des substances autorisées en agriculture bio qui nécessitent plusieurs passages. Malheureusement la vérité n’est pas simple. La dévoiler mérite un minimum d’explications qui ne permettent pas d’enflammer les médias et les réseaux sociaux.

Péremptoire et chiffrée, votre annonce a été largement reprise sans réelle vérification de son contenu. Par chance, une poignée de journalistes a eu l’audace de creuser la question. Une poignée seulement. D’évidence, l’aversion pour le monde agricole que vous distillez depuis tant d’années engendre le ressentiment et la cécité.

C’est votre malveillance désormais à peine voilée qui me révolte. Votre introduction à ce rapport, outre une compassion mielleuse et totalement insultante, rend le monde paysan coupable de la fin du monde que vous ne cessez de prophétiser. Cette nouvelle escalade dans l’intolérance de vos discours prouve que les digues cèdent les unes après les autres.

Les agricultrices et agriculteurs de ce pays œuvrent pourtant à la diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires, comme le prouvent les données d’Agreste, parfois au prix de l’abandon de certaines variétés, de la perte de leurs revenus, voire pire de la fermeture des exploitations. Malgré tous les efforts, consentis ou subis, ils récoltent une haine toujours plus sourde. Vous nous détestez, dont acte, votre fonds de commerce l’exige.

Monsieur Hulot, vous vous rendez en partie coupable du mal-être agricole et vous en serez comptable pour les générations futures. Aussi, je vous demande au nom de la Coordination Rurale de vous excuser publiquement auprès des agriculteurs français qui vous nourrissent et à qui vous avez manqué de respect !

Max Bauer Horticulteur et maraîcher Secrétaire général adjoint de la Coordination Rurale

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