Monsieur le Ministre,

Par courrier en date du 30 novembre, la Coordination Rurale vous a interpellé sur les difficultés liées à la dégradation des cotations, que rencontrent les éleveurs bovins français depuis plusieurs mois. Les conséquences de la pandémie ont engendré une crise conjoncturelle, en raison notamment de la constitution d’un surstock de jeunes bovins, estimé à plus de 11 000 animaux dans les élevages début novembre.

Dans ce courrier, afin d’endiguer cette crise, nous vous avons proposé d’adopter une mesure prise en 2016 par votre prédécesseur, Monsieur Stéphane Le Foll, qui avait alors débloqué une aide forfaitaire de 150 euros pour la commercialisation de jeunes bovins mâles. Nous vous avons ainsi demandé que les éleveurs de broutards puissent également en bénéficier, au regard des cotations pratiquées ces derniers mois, ceci étant dû au fait que ces deux productions sont intimement liées.

En réponse à notre courrier, vous nous avez notifié un refus catégorique de mettre en œuvre cette mesure. Cette dernière avait pourtant permis un rééquilibrage du marché et un redressement rapide des cotations dès 2017. À quelques centimes d’euros près, nous atteignons en filière broutards les prix pratiqués lors des crises de l’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine). L’État était alors venu en soutien, cela s’appelait l’intervention.

Vous vous appuyez, dans votre réponse, sur la rencontre que vous avez eue avec les acteurs de la filière dans le Massif Central mi-octobre, réunion à laquelle la Coordination Rurale n’était pas conviée. Permettez-nous en passant de vous rappeler que les représentants de la filière ne se cantonnent pas à quelques acteurs dits majoritaires, et que la Coordination Rurale, qui représente 25 % des éleveurs, aurait souhaité vous soumettre ses propositions. Où est donc le respect du pluralisme syndical, dont vous devez être le garant en tant que membre du gouvernement ?

De cette réunion a émané une feuille de route dite « de Lezoux », dans laquelle sont listées les propositions des différents acteurs présents. Pour la Coordination Rurale, cette feuille ne répond en aucun cas à l’urgence de la situation vécue par les éleveurs bovins français. En effet, les mesures proposées s’intéressent à des problèmes structurels existant depuis des années. D’ailleurs, les acteurs à l’initiative de ces propositions sont les mêmes qui tiennent les manettes de la filière depuis 70 ans. Pensez-vous que la situation évoluera suite à cette réunion ? Nous ne le pensons pas, mais si vous voulez qu’il reste encore des éleveurs qui puissent se tourner vers l’avenir, produire différemment et ainsi relever le défi de l’autonomie alimentaire de notre pays, c’est maintenant que vous devez agir.

La folie de la politique agricole française, tournée depuis des dizaines d’années vers une soi-disant vocation exportatrice, déstabilise notre filière. Nous vous le confirmons, Monsieur le Ministre, aujourd’hui cela devient un problème européen. Un problème européen car nous ne produirons jamais aux coûts de production de certains pays. Alors que fait-on ? Allons-nous regarder la lente agonie de la filière bovine française sans réagir ?

La Coordination Rurale est le seul syndicat qui porte une proposition prenant toute la mesure de l’urgence de la situation. L’observatoire de l’endettement et des trésoreries des élevages indique en effet que la situation financière des élevages allaitants s’est très fortement dégradée durant l’hiver 2019. Leur revenu disponible connaît une baisse très importante et atteint à peine les 11 000 euros annuels. La solution d’une aide financière ciblée permettrait donc de sortir nos éleveurs de cette crise conjoncturelle.

Nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse que vous nous avez faite, et de l’absence de contre-proposition de votre part. Votre refus d’adopter cette mesure illustrerait alors votre indifférence à l’égard de la filière bovine et de ses éleveurs. Éleveurs qui, pendant les différents confinements, ont continué à échanger et à livrer leurs animaux pour permettre à la population française de se nourrir. Notre proposition ne vous convient pas, la feuille de route dite de « Lezoux » ne nous convient pas, or, il est urgent de trouver une solution dans l’intérêt des producteurs.

Certains de l’attention que vous porterez à notre interpellation, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération.

 

Bernard Lannes

Président

 

Alexandre Armel

Secrétaire général

Responsable de la section Viande

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