Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les Ministres,

Le projet de loi relatif à la transition énergétique et à l'économie verte, adopté le 14 octobre à l'Assemblée va prochainement, du fait de la procédure accélérée, être examiné par les sénateurs. La Coordination Rurale tient à vous alerter sur un article de ce projet, qui est susceptible de ruiner les éleveurs en les mettant au même rang que de gros industriels en matière de stratégie bas-carbone.



En effet, l'article 48 « instaure la stratégie bas-carbone et les budgets carbone qui constitueront le cadre de long terme susceptible d’encourager les réductions de gaz à effet de serre, en cohérence avec les objectifs récemment définis par la Commission européenne ».

L’élevage de ruminants, qui est émetteur de méthane entérique - un gaz produit naturellement par la digestion de l’herbe et des fourrages par les ruminants - pourrait être directement concerné par la mise en œuvre de cette stratégie bas-carbone (incluant tous les gaz à effet de serre), définie par décret. Or, comme vous le savez, il est absolument impossible pour les éleveurs d'empêcher ces émissions digestives de leur troupeau, comme il leur est impossible d'empêcher leurs animaux de respirer.

L'élevage de ruminants serait-il passé du rôle de bienfaiteur pour l'environnement et de structurant pour nos campagnes, à celui de pollueur planétaire ? L'erreur d'accabler ces éleveurs en plus de la mauvaise presse faite aux producteurs hors-sol ne laissera plus de place aux productions animales.
Si l'élevage de ruminants, même extensif et de plein air, est devenu indésirable en plus de n'être plus rentable, les éleveurs à qui on interdit maintenant de retourner leurs prairies n'auront plus comme perspectives que la ruine et le désespoir. Vous ne pouvez pas ignorer leurs difficultés et leur souffrance, depuis déjà plusieurs années, face à l'adversité économique et réglementaire et vous savez les drames familiaux et personnels qu'ils vivent, hélas parfois jusqu'au suicide.

La nouvelle PAC devait bénéficier aux éleveurs. Aujourd'hui les comptes sont faits et les éleveurs savent qu'ils ont eu tort de compter sur un gros soutien par les aides. L'inclusion du méthane agricole comme celui du protoxyde d'azote dans la stratégie bas-carbone serait un coup supplémentaire à notre agriculture déjà à genoux qui achèverait de briser irrémédiablement la confiance des agriculteurs dans le gouvernement. L'autre conséquence serait l'écroulement des pans économiques et sociaux de régions entières qui ne vivent plus que de l'élevage et des métiers qu'il induit.

Dans l’hypothèse d'une taxation directe ou indirecte des gaz à effet de serre liés à l'activité agricole, celle qui cultive la vie, nous, agriculteurs et forestiers, serions alors fondés à exiger une rétribution pour le gaz carbonique et le carbone que notre activité capte ou séquestre. Nous vous suggérons d'ailleurs de demander à vos services de bien vouloir faire procéder à l'évaluation de ces quantités pour que vous ayez ensuite une vision plus claire et précise de notre rôle complémentaire de celui de nourrir nos concitoyens, à savoir l'épuration de l'atmosphère et sa climatisation sans oublier la dépollution de l'eau filtrée par nos sols agricoles.   
Toujours dans cette hypothèse nous ne pourrions que recommander aux agriculteurs de désormais monnayer à hauteur du service rendu à la société le droit pour les producteurs de boues domestiques ou industrielles de les épandre sur leurs propres terres ou, à défaut, d'en interdire l'accès aux épandeurs.

Plusieurs amendements avaient été déposés pour exclure l'élevage de l'application de l'article 48 du projet de loi, ce qui aurait eu pour effet de rassurer les agriculteurs sur les véritables intentions des législateurs à l'égard des agriculteurs et plus particulièrement des éleveurs. Hélas, les modalités des débats n'ont pas permis leur soutien effectif et le gouvernement a, sans argumenter, repoussé cette idée après l'avis défavorable et également non argumenté de la Commission spéciale. Nous nous étonnons d'ailleurs de ce manque de transparence qui n'est pas digne d'une démocratie comme la nôtre, vu l'importance des enjeux.

Aussi, la Coordination Rurale vous demande de bien vouloir réexaminer votre position avant les débats au Sénat et d'y peser de tout votre poids afin que soit adopté un amendement essentiel excluant du champ de la stratégie et des budgets bas-carbone les gaz à effet de serre liés à l'activité et à la production agricole.

Certains de votre attention et nous tenant à votre disposition pour vous exposer plus avant la nécessité de notre requête, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les ministres, l'expression de notre haute considération.


Bernard Lannes,
Président de la Coordination Rurale

Copie courrier à M Stéphane Le Foll, Ministre de l'Agriculture, Mme Ségolène Royal, Ministre de l'Ecologie et aux Sénateurs

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