Ayant participé aux négociations concernant la production laitière dans le cadre du projet de loi EGA, je me suis très vite rendu compte que les discussions tournaient en rond, et que l’objectif était de faire apparaître de vraies-fausses solutions !

L’augmentation du seuil de revente à perte (SRP) de 10 % sur les produits de grande consommation (PGC), dont on parle beaucoup aujourd’hui comme la mesure phare au lendemain des EGA, concerne essentiellement les grandes marques et met de côté les marques de distributeurs (MDD). Ces MDD pèsent pourtant lourd chez certains produits de grande consommation (65 % de la viande hachée, 56,5 % de l’Emmental, 48,5 % des yaourts natures,...)1 ! Certains industriels ont annoncé en ce début d’année une hausse des prix du lait suite aux négociations commerciales avec la grande distribution : bien sûr, on prend toute hausse de prix proposée, mais la réalité est plus complexe...

Si certains industriels ont effectivement une part importante en produits de grande consommation (PGC) de grandes marques, pour certains c’est plutôt une part importante de PGC en MDD… Vous comprendrez que les industriels privés vont en bénéficier plus que les coopératives.

Les industriels privés ayant soigneusement pris la précaution de bloquer leurs coûts de production à une valeur moyenne plutôt haute, bénéficiant d’un calcul moyen sans pondération de volume, cela leur permet de cacher des marges substantielles tout en acceptant des hausses de prix du lait : c’est ce que l’on appelle une transparence des marges toute relative.

Pour ce qui est de l’autre partie du lait hors PGC, le prix est fixé en fonction des autres marchés et notamment de la valorisation beurre-poudre. Pour faire simple, n’ayant plus de régulation sur les volumes où les producteurs peuvent peser dans la balance, la régulation se fait par les prix : quand les prix sont en hausse, la production monte, quand les prix sont en baisse, la production diminue jusqu’à ce que l’équilibre s’établisse.

À noter que les stocks de poudre d’intervention publique ont quasiment disparu : 82 000 tonnes ont été vendu récemment, il en reste trois fois rien. Ceci dit, ils n’ont pas été écoulé du jour au lendemain, et sont maintenant la propriété d’acteurs privés. Tout cela pour dire que les industriels gèrent les volumes et les stocks ! Quid de la transparence sur les stocks ?

Imaginons que l’équilibre offre-demande se fasse, voire en léger manque, le prix du lait sera conforté du fait que la pression exercée sera moins forte sur les MDD et les autres marchés. En revanche, si l’offre de lait est trop importante, la pression sur les MDD sera plus forte par la grande distribution et l’équilibre de marché se répercutera sur la valorisation beurre-poudre, à la baisse.

Pour conclure, bien que les EGA aboutissent à une hausse des prix des PGC de marque via le SRP, tant qu’il n’y a pas de régulation des volumes, le prix du lait n’est pas assuré d’être à un niveau suffisant pour couvrir les coûts de production !

Joseph Martin

EGA : États Généraux de l’Alimentation

MDD : Marque De Distributeur

PGC : Produits de Grande Consommation

SRP : Seuil de Revente à Perte

1Chiffres OFPM

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