Alexandre Armel, 35 ans, est éleveur à Paray-le-Fresil (03). Il travaille seul sur 140 hectares sur lesquels il élève 80 vaches allaitantes et 150 brebis pour l'agneau d'herbe vendu au cadran de Moulin-en-Gilbert. Représentant de la CR au comité Ovins d'Interbev et administrateur de la CR de l'Allier, il a beaucoup étudié les questions sanitaires par le passé mais pour lui, la situation actuelle est tout autre.

Pourquoi, dès ton implication dans un syndicat, as-tu voulu travailler sur les questions sanitaires ?

Sûrement du fait de mon histoire personnelle. Les premières années d'installation, je m'en suis ramassé de belles... Par exemple, j'avais quelques petits problèmes de reproduction. Rien d'inquiétant au premier abord. En réalité, il s'agissait de BVD (diarrhée virale bovine) et la moitié de mes génisses étaient vides. Du coup, l'année suivante a été très dure en gestion de trésorerie. J'aimerais autant que d'autres n'aient pas à affronter ce à quoi j'ai dû faire face.

Selon toi, cette problématique sanitaire est-elle suffisamment traitée ?

Non, elle est trop souvent négligée. Et le problème est qu'elle peut avoir d'importantes conséquences économiques sur une installation. On ne prend par exemple pas assez en compte le parasitisme de la faune sauvage. Dans le département de l'Allier, il y a beaucoup de forêts, et donc de la faune. Il y a donc une coexistence, et même une cohabitation, entre animaux sauvages et troupeaux. Du coup, il faut passer l'année entière à déparasiter les animaux ! Par exemple, du fait d'une contamination par les chevreuils, nous sommes envahis de douves sur les moutons.

Qu'est-ce qui pourrait être fait selon toi ?

Il faudrait que les organismes (GDS et vétérinaires) se penchent plus grandement sur la question. Les normes européennes demandent que nous diminuions de plus en plus l'utilisation de produits antibiotiques et antiparasitaires. C'est parfois à l'inverse de ce que l'éleveur est obligé de faire sur le terrain ! Le nombre de produits diminuant, il est difficile de ne pas aboutir à des problèmes de résistance. Il faut donc des mesures de lutte et une meilleure information des agriculteurs. Je suis adhérent d'un GDS et aucun conseil ne nous est particulièrement donné sur les plans de lutte. La gestion du gibier doit aussi être revue. Est attribuée une bague pour un chevreuil sur 140 hectares ! Il suffit de se balader le matin pour en voir une trentaine...

L'un des principaux soucis rencontrés par les jeunes agriculteurs est l'accès au foncier. Est-ce que cela a été le cas pour toi ?

Pas vraiment pour l'accès mais plutôt pour la gestion du fait des contraintes liées à l'utilisation de terrains classés prairies sensibles et Natura 2000. J'ai 140 hectares dont 43 en prairie sensible et 50 en Natura 2000. Pour autant, il faut savoir que les prix du terrain ne suivent pas les contraintes qui lui sont imposées. Ils sont dans la moyenne supérieure du département mais rien de mirobolant. Je faisais de la finition de génisses sur les 43 hectares de prairies sensibles, mais je suis passé en ovins pour pouvoir pallier économiquement l'écart de prix entre génisses et jeunes bêtes d'un an. De ce fait, j'ai moins de rendement sur ces terres, notamment en conséquence de la nouvelle PAC, et puis notre secteur a beaucoup souffert de l'extension des zones Natura 2000, surtout en céréales.

Tu t'impliques aussi pour réformer l'enseignement agricole. Qu'est-ce qui t'y motive ?

Encore une fois mon histoire personnelle. A la sortie de mon Bac pro, je trouvais par exemple que les notions de comptabilité étaient très limites. Au début, on a parfois la sensation que le comptable prend les décisions alors qu'avec un minimum de base, le jeune installé pourrait les prendre lui-même, en fonction de sa situation réelle. De ce que j'observe autour de moi, les jeunes ne font pas assez de comptabilité : on attend que le comptable rende le bilan annuel, et c'est le seul jour où l'on se penche sur les comptes alors qu'on pourrait faire un petit bilan tous les mois (entrées sorties, choix opportuns ou non...). Je ne blâme personne : sans mon BTS ACSE, je crois bien que j'aurais eu du mal. J'aurais fait comme les autres en prenant exemple sur mon père ou sur les voisins plutôt que de me poser et décider. Mon père n'avait pas les mêmes contraintes, notamment environnementales ; dès lors, j'écoute ses conseils, mais je ne travaille pas totalement comme lui. Mes réflexions et décisions ne sont donc pas toujours les mêmes.

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