La semaine dernière, Bruno Le Maire se fendait d’un tweet comparant les émissions de gaz à effet de serre (GES) des protéines végétales aux protéines animales :
Le saviez-vous ? 100g de protéines végétales génèrent de 60 à 90 % de gaz à effet de serre en moins que 100g de protéines animales.
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) May 17, 2023
M. Le Maire, en sa qualité de ministre de l’Économie et des finances, devrait bien connaître le concept de bilan, quoique de son propre aveu, les mathématiques ne soient pas son fort. On se souvient en effet de son édifiant passage à la télévision alors qu’il était ministre de l’Agriculture depuis près de deux ans : https://www.youtube.com/watch?v=E3jF9tpmZ9Y.
Or, quand on sait faire un bilan, on compte aussi les entrées et l’élevage n’est pas en reste en termes de stockage du carbone. En effet, les prairies (45 % de la SAU en France) sur lesquelles reposent l’alimentation des herbivores et les haies bocagères, caractéristiques des terres d’élevage, comme le montre la carte ci-après, fixent entre 80 et 90 tonnes de carbone par hectare. C’est bien plus que dans les régions où l’élevage a disparu !
Plus encore, selon le ministère de la Transition écologique, les sols de montagne, que seul l’élevage peut valoriser, stockeraient plus de 130 t/ha (cf carte ci-dessous).
M. Lemaire, vous vous faites le VRP (représentant de commerce) de produits ultra-transformés augmentant le risque de cancer, de maladies cardio-vasculaires, de déclin cognitif anticipé. La qualité nutritionnelle des produits de contrefaçon que vous promouvez n’égalera jamais celle de la viande, la vraie, qui apporte protéines, vitamines et minéraux de qualité. Pour rappel, la vitamine B12 ainsi que le fer héminique, bien plus absorbable par l’Homme que le fer trouvé dans les végétaux, ne se trouvent que dans les protéines animales (d’où la nécessité dans les régimes végans de consommer des compléments alimentaires contenant ces éléments). De plus, les substituts de viande à base de protéines végétales reposent sur des processus de transformation importants, et qui sont par conséquent coûteux en énergie et émettent une pollution non négligeable.
Contrairement au carbone fossile libéré par les processus industriels nécessaires à la transformation de protéines végétales, le carbone libéré par l’élevage résulte de la consommation de végétaux et participe à la transformation des débris végétaux en matières organiques et en éléments nutritifs (azote, phosphore, potassium et autres macro et oligo-éléments). Composées de 58 % de carbone organique en moyenne, les matières organiques se lient à la matière minérale du sol dans leurs formes les plus évoluées. Cette propriété leur permet alors de remplir un rôle tampon vis-à-vis de l’eau, de l’air, du sous-sol, de la flore et de la faune : piégeage des contaminants, régulation des gaz à effet de serre et amélioration de la fertilité, de la stabilité structurale, de la réserve en eau et de la biodiversité du sol (source : http://www.donnees.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lesessentiels/essentiels/sol-biodiversite-carbone.htm).
Monsieur le Ministre, puisque la responsabilité de l’économie française et ses milliards de déficit commercial vous laisse visiblement beaucoup de temps disponible, je vous suggère la lecture d’un livre d’agronomie ; le Soltner est parfait pour les débutants. Vous y verrez que le melon pousse beaucoup mieux avec du fumier.
Cessez de comparer l’incomparable et d’opposer les protéines végétales et les protéines animales ; elles sont complémentaires, et pas seulement dans nos assiettes.
Pour la Coordination Rurale, comme pour la communauté scientifique, l’élevage est essentiel dans nos systèmes agricoles en fournissant non seulement une alimentation saine et durable, mais aussi de nombreux services environnementaux, comme l’entretien des paysages qui permet d’éviter la propagation des incendies, le maintien de la biodiversité liée aux prairies et milieux humides… Ou encore l’approvisionnement d’engrais naturel destiné à … la culture des végétaux !
Loïc Crespin,
Membre de la section Viande et président de la Coordination Rurale des Pays de la Loire.
