Suite aux différents courriers envoyés aux députés à propos de la ratification du CETA, l'un d'entre eux, et pas des moindres, a accepté de rencontrer des représentants CR afin d'échanger à ce sujet. Monsieur Jacques MAIRE, député des Hauts-de-Seine et rapporteur du texte, a reçu 4 agriculteurs franciliens CR afin de répondre à leurs questions : Madame Agnès HENRY, Présidente de la CR77, Monsieur Patrick CLOGENSON, Vice-Président de la CR77, Monsieur Alain SAMBOURG de la CR77 et Monsieur Pascal LEPERE, Président de la CRCP.

La discussion a commencé par une explication des agriculteurs CR quant à l'utilisation du glyphosate qui diffère entre les pays d'Amérique et ceux d'Europe, et particulièrement entre le Canada et la France. En effet, le glyphosate est utilisé en France comme désherbant entre deux cultures, contrairement au Canada où il est utilisé directement sur la culture pour accélérer le processus de séchage naturel. Au Canada, le glyphosate est donc utilisé sur des plantes avant récolte, pratique interdite en France, d'autant que les plantes OGM résistantes au glyphosate sont interdites dans l'hexagone donc ce serait une aberration de l'utiliser de cette façon, cela détruirait nos cultures. Ainsi, les agriculteurs CR ont tenu à expliquer qu'il ne servait à rien de dénoncer l'agriculture française concernant les résidus de glyphosate trouvés sur certains produits comme les lentilles par exemple puisque cela ne peut provenir que de produits importés, canadiens et brésiliens entre autres. M. Maire nous a alors fait part qu'il partageait notre étonnement à propos de l'emballement médiatique autour du glyphosate qui profiterait selon lui à certaines entreprises de produits phytosanitaires.

Dans le cadre de l'accord économique et commercial global entre l'UE et le Canada (CETA), la CR a tenu à aborder l'exception agriculturelle qu'elle prône, s'inspirant de l'exception culturelle ayant été mise en place pour sortir la culture des accords de l'OMC. En effet, dans le rapport n°2124 de l'Assemblée nationale faisant état du projet de loi autorisant l'accord à entrer en vigueur, il est indiqué que "les services audiovisuels sont exclus de l'accord, conformément à la position européenne, portée par la France, quant à l'exception culturelle". L'agriculture est aussi importante, sinon plus, que la culture car elle permet aux Hommes de se nourrir !

Avec cet accord, c'est l'agroalimentaire qui va profiter des bénéfices qui ne ruissèleront pas vers les agriculteurs contrairement à ce qu'on tente de nous faire miroiter, car l'agroalimentaire ira toujours chercher la matière première la moins chère : celle importée. La CR souligne également que l'exportation ne bénéficiera pas non plus aux agriculteurs parce que ce sont les coopératives qui percevront les avantages liés à ce traité de libre-échange, ne redistribuant pas les marges perçues aux agriculteurs. En effet, les représentants de la CR ont rappelé qu'en France, les agriculteurs sont obligés de passer par un organisme stockeur et ne peuvent pas vendre leurs céréales en direct. Ils ne peuvent ainsi pas valoriser la qualité de leur production. Ils ont également précisé avoir besoin d'un véritable plan protéines et d'une protection européenne pour le soja car ils ont besoin d'en produire pour la qualité de leurs sols et pour leur autonomie afin de ne pas dépendre des tourteaux de soja OGM importés. La CR a souligné que 70% des éleveurs sont dans le rouge et que l'importation de bœuf canadien ne respectant pas nos normes ne va pas arranger la situation. Pour la CR, le CETA tue notre agriculture de qualité au profit de l'exportation de produits industriels et automobiles issus d'entreprises du CAC40. Enfin, les coûts de productions ne sont pas les mêmes et l'importation de bœuf canadien constitue alors une concurrence déloyale qui va porter un nouveau coup dur aux éleveurs français et européens. Jacques Maire a répondu avoir bien compris le problème de la filière qui ne souhaite pas se tourner vers l'export. M. Maire ne semblait pas au courant de fonctionnement complexe du système agricole français, mais pour lui l'importation de bœuf canadien n'est qu'un petit enjeu car la totalité ne va pas uniquement sur le marché français. S'il avoue qu'il n'y a pas de risque zéro, il s'en remet à l'étude d'impact du marché qui a été effectuée, une première pour ce type d'accord, et selon laquelle il n'y aurait pas de quoi s'inquiéter. Il nous assure que le volume des contingents a été fixé en tenant compte de la différence des coûts de production entre les pays. Le député nous assure que s'il est conscient du problème que rencontre aujourd'hui la filière bovine française, l'impact du CETA sera, selon lui, très faible. Force est de constater que M. Maire n'aime pas voir la vérité en face : l'importation de 65 000 tonnes de viande de bœuf se ferait avec des morceaux nobles, et viendrait concurrencer un marché européen de 400 000 T. Cela pourrait ainsi représenter presque 17% du marché européen et pourrait faire baisser le cours de la viande de 15% ! L'Institut de l’Élevage estime que 30 000 éleveurs seront ainsi menacés.

Concernant la traçabilité, la CR a rappelé qu'à l'heure actuelle seuls 6 containers sur 5000 sont contrôlés, ce qui est bien trop peu. Il y a également un gros problème de contrôle au sein même de l'UE, comme le montre l'exemple récent des steaks frauduleux de Pologne.Qu'en sera-t-il si on ajoute les importations du CETA ? De plus, les bêtes importées du Canada ne seront pas tracées individuellement comme en France mais par lot : comment s'assurer de la qualité de la viande et des conditions d'élevage ? Seules 36 fermes sont aujourd'hui autorisées à nous exporter leurs productions : la CR a demandé à avoir connaissance de l'ensemble et savoir également à qui elles appartiennent ? M. Maire nous a répondu que les 36 fermes sont identifiées, que chaque bête serait pucée et identifiée individuellement dans les lots. Les produits chlorés ne seront pas importés.

Vient ensuite le problème du bien-être animal soulevé par la CR : si la France fait pâturer ses bêtes en plein air, qu'en est-il du Canada et de ses feed lots à plusieurs dizaines de milliers de têtes ? De plus l'utilisation d'antibiotiques activateurs de croissance est autorisée au Canada tandis qu'elle est prohibée en France. Les animaux ne reçoivent donc pas les mêmes traitements et cela pose un problème qui dépasse l'ordre de l'éthique. Jacques Maire nous assure que les bovins du Canada ne sont dans des feedlots que lors de la période d'engraissement, soit 14 mois et ne sont pas dans des bâtiments industriels. Or c'est déjà trop, car pendant cette période d'engraissement, les bovins ne voient pas la couleur de l'herbe et sont nourris de farines animales, dont certaines de ruminants. Selon le député, le bœuf importé sera garanti sans hormone et si le contrôle est mauvais alors la cargaison sera réexpédiée. Il y aura également un suivi régulier des exploitations pour anticiper les crises. Concernant les produits autorisés au Canada et pas en France, Jacques Maire nous dit qu'ils sont au nombre de 99. Mais pas d'inquiétude selon lui : à partir de janvier 2022, les antibiotiques dont le rôle n'est pas médical, comme les activateurs de croissance, seront interdits au Canada. La CR rappelle que les importations auront déjà commencées d'ici là, et que de la viande hormonée et nourrie aux farines animales sera déjà arrivée dans nos assiettes.

Enfin, la Coordination Rurale a tenu à aborder l'aspect environnemental du traité de libre-échange, notamment concernant le transport par bateau pour l'import et l'export des produits. La CR rappelle que le modèle agricole français, par ses pâtures et ses champs, contribue fortement à piéger le carbone et que sa disparition serait un drame environnemental qui ne serait pas sans conséquences. Le député nous indique que l'étude d'impact carbone n'est pas encore finalisée mais que par la suite une étude d'impact sur la biodiversité et les sols sera entreprise. Il nous répond que le transport massifié par bateau et moins polluant que le transport non massifié sur route. Il nous dit que le transport maritime a été retiré de l'accord de Paris mais qu'il faut selon lui le remettre avec trois conditions : étiqueter les combustibles en fonction de leur pollution, identifier l'origine des carburants et instaurer le MIC (mécanisme d'inclusion carbone) qui consiste à appliquer une taxe carbone aux produits importés en fonction de leur composition carbone tant que le prix du carbone n'est pas homogène au niveau mondial. Concernant l'élevage, Jacques Maire indique qu'au Canada les bêtes mangent ce qui est produit sur place, alors qu'en France la majorité de la nourriture des bovins est importée massivement par bateau, donc l'impact de l'élevage canadien est moins important que celui de l'élevage français. M. Maire devrait peut-être insister auprès de sa majorité pour que les protéines qui sont importées soient produites sur le territoire européen !

La CR a également demandé à M. Maire si le CETA serait le dernier accord européen ratifié par le gouvernement français, car il se pourrait qu'à l'avenir les nations ne décident plus et que la Commission européenne décide seule de ces accords. Selon M. Maire, le gouvernement français est favorable aux accords mixtes mais cela fait peur à la Commission européenne dont la tendance est de réaliser des accords commerciaux. Pour Jacques Maire, il faut que les gouvernements puissent continuer à voter ces accords car supprimer le système de ratification reviendrait à retirer le rôle du parlement.

La réunion était très cordiale et la Coordination Rurale tient à remercier M. Jacques Maire de l'avoir reçue.

Voici le résumé synthétique de quelques informations sur ce que prévoit le CETA : cliquer ici.

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