« La France établit chaque jour un nouveau record de sécheresse des sols » a averti météo France fin juillet. Avec une pluviométrie déficitaire de 85 % sur l’ensemble du territoire et des températures records, les sols sont encore plus secs qu’en 1976 ou 2003 à la même date. Et selon les estimations, cette situation devrait encore s’aggraver d’ici mi-août.

Les conséquences sur l’élevage sont déjà subies par les agriculteurs de toute la France. Dans les zones de montagne, certains éleveurs sont contraints de faire redescendre leurs bêtes des alpages. Dans les Pays de la Loire ou encore en Bretagne et dans le Nord de la France, les éleveurs constatent des rendements en fourrage divisés par deux et des baisses de rendements en maïs de 50 à 80 %. Selon Agreste, dans le sud de la France, le déficit de pousse atteint 60 % en juillet alors qu’en PACA, pas une seule goutte de pluie n’est tombée depuis le début de l’été. Partout, les éleveurs rentrent leurs bêtes, faute de prairies pâturables, et nourrissent désormais leurs bêtes avec les fourrages réservés pour l’hiver.

D’autres anticipent déjà la baisse de production, comme Tanguy Le Bonniec, éleveur laitier bio en GAEC dans les Côtes-d’Armor (550 000 L/an sur 110 ha) : « Cette année, on a fait 50 % de stocks en moins pour commencer à distribuer cinq mois en avance. Pour pallier à cela, on a décapitalisé et tari les primipares six mois au lieu de deux. En ajoutant à cela la réduction de quantité de lait liée au manque de valeur de l’herbe, on est sur une baisse estimée de 150 000 L de lait vendu. Avec un lait vendu à 0,5 € / L, soit 75 000 €, auquel s’ajoute une baisse de prix de vente de 50 €/1000 L, soit 20 000 €, et l’achat de foin supplémentaire estimé à 10 000 €, on prévoit 100 000 € de baisse de résultats ». Les estimations de la Coordination Rurale de Bretagne montrent que le coût de la perte de rendement en maïs se situe à 100 € les 1000 L.

Dans ce contexte de sécheresse, certains éleveurs allaitants « n’auront pas d’autre choix que de vendre leur cheptel, ne pouvant pas nourrir leurs bovins à l’herbe, et ne pouvant pas acheter d’aliment, par manque de trésorerie, car il est trop cher », prévient S. Charbonneau, responsable de la section Viande de la Coordination Rurale. Pour cet éleveur de Vendée, ce contexte « fait craindre une très forte décapitalisation du cheptel allaitant français ». Cette situation est déjà observée dans le sud de la France : sur le plateau de l’Aubrac où la sécheresse oblige les autorités à amener l’eau par camion-citerne. Noël Entraygues, éleveur allaitant, constate que les agriculteurs préfèrent vendre leurs bêtes non-finies, car ils n’ont plus la trésorerie pour les nourrir.

Des restrictions sur l’irrigation à des fins agricoles sont en place dans tous les départements de France métropolitaine, à des degrés divers (interdiction totale, ou prélèvements limités en quantité ou dans le temps, voir la carte de France) ; pourtant, certains n’hésitent pas à s’attaquer aux agriculteurs et même à leurs bêtes. Des sabotages ont lieu régulièrement, comme en Vendée sur deux réserves d’eau, mais aussi sur des abreuvoirs, comme en Haute-Marne, où plusieurs dizaines de bêtes sont mortes assoiffées alors que leurs tonnes à eau ont été vidées.

Le Gouvernement a lancé cette semaine une consultation face à l’urgence de la situation. Il est primordial de proposer des solutions aux éleveurs. La Coordination Rurale a demandé à Élisabeth Borne la mise en place rapide : - d’un régime de catastrophe naturelle pour les agriculteurs assurés et le déclenchement du régime des calamités agricoles pour les dommages non assurables ; - d’un fonds d’allégement des charges (FAC) incluant la suppression des cotisations MSA et des taxes agricoles, et une exonération totale des taxes foncières ; - d’une année blanche, en lien avec les différentes structures de crédit, visant à reporter toutes les annuités bancaires de cette année en fin d’échéancier (investissement foncier et bâtiment, matériel) y compris pour les CUMA

Les éleveurs de la Coordination Rurale ont également demandé à la Première ministre de soulager les trésoreries des agriculteurs, qui sont au plus bas, en prévoyant également une avance d’un mois (soit mi-septembre) sur les paiements de la PAC. Pour les éleveurs, une subvention d’achat de fourrage, qui ne se substituera pas aux aides régionales, doit également être prévue par l’État.

La CR est confortée dans ses fondamentaux : il devient urgent de garantir aux producteurs des prix rémunérateurs, accroître le stockage de l’eau de l’hiver pour faciliter l’accès à l’irrigation et ainsi sécuriser les rendements et les revenus. Et si le Gouvernement ne fait pas la pluie et le beau temps, il doit mesurer l’impact de cette sécheresse, d’ores et déjà qualifiée d’historique, et débloquer au plus vite un fonds de crise pour permettre aux agriculteurs d’y faire face et maintenir la souveraineté alimentaire du pays.

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