Le principal frein à l’installation de nouveaux agriculteurs est l’accès au foncier. L’insuffisance des revenus et la constante hausse du prix du foncier rend l’acquisition particulièrement difficile pour les agriculteurs s’installant hors du cadre familial. Afin de répondre à cette problématique, de nouvelles solutions sont mises en place afin de proposer des alternatives au classique bail rural ou à l’achat direct des terres par le nouvel agriculteur.
Le portage foncier par la SAFER
Le portage foncier par la SAFER est un système d'acquisition de terres agricoles progressive mis en place en partenariat avec la Région, les départements, les autres collectivités locales et le Crédit Agricole. Les SAFER ayant un fonctionnement pouvant diverger selon la région, les modalités précises du portage peuvent changer, mais les grandes lignes demeurent les mêmes.
Les terres sont achetées non pas par l’agriculteur, mais par la SAFER. En cas de nécessité, celle-ci peut bénéficier d’un prêt accordé par le Crédit Agricole, qui prêtera plus facilement à une telle structure qu’à un jeune installé.
Une convention d’occupation précaire est alors conclue au profit d’un jeune agriculteur afin de lui confier l’exploitation des terres. Cette convention est d’une durée de cinq ans, renouvelable une fois et les loyers doivent respecter la fourchette d’encadrement du fermage fixée par arrêté préfectoral. A la fin de la convention, l’agriculteur a la possibilité de racheter les terres, au prix initial d’acquisition des surfaces par la SAFER, minoré des sommes déjà versées au titre des loyers. Cette solution permet donc à l’agriculteur de pouvoir réellement débuter son exploitation avant de devoir acheter les terres, ainsi que d’en payer au moins une partie progressivement.
A noter que selon les accords locaux, les divers frais liés aux opérations de portage peuvent être pris en charge par la région ou le département.
Ce système de portage de foncier – ouvert à l’ensemble des jeunes agriculteurs et non aux seuls bénéficiaires de la DJA - représente une solution intéressante, même si l’agriculteur n’acquière la propriété des terres qu’à la toute fin de l’opération. Cela signifie que, si son exploitation vient à péricliter pendant la convention pour une raison ou pour une autre, la SAFER conservera les biens et les loyers ainsi versés auront été perdus, contrairement à un crédit-bail par exemple. Ce risque semble atténué par le soin apporté à l’étude des dossiers de candidatures et à la viabilité des projets que l’on a pu jusqu’à présent constater, mais il est nécessaire d’en avoir conscience.
Le portage par les SCIC
Les Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC) sont des entreprises coopératives sous forme commerciale (SARL, SAS ou SA), à capital variable. Elles ont pour objet « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale » et elles doivent avoir une gestion désintéressée, avec une majorité des excédents devant être affectée aux réserves. Les sociétaires peuvent être des particuliers, des personnes morales de droit privée ou encore des structures publiques. Une SCIC peut également solliciter l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » afin de faire bénéficier les sociétaires d’avantages fiscaux relatifs aux sommes investies.
L’objectif d’une SCIC dans le secteur agricole est de mettre en commun les moyens des sociétaires afin d’acquérir des terres agricoles. Ces surfaces sont ensuite confiées à des agriculteurs, de préférence des nouveaux installés, via un bail rural. De façon générale, le bail en question est un bail rural de longue durée, au minimum de 18 ans, de façon à assurer une certaine stabilité à l’exploitant. Certaines SCIC proposent aux agriculteurs un bail cessible pour pouvoir le valoriser plus facilement lors de la cession de leur exploitation, mais cela est habituellement couplé à l’impossibilité pour l’agriculteur d’acheter les terres, tandis que d’autres SCIC prévoient tout simplement la possibilité pour l’exploitant d’acquérir les terres concernées au bout d’un certain nombre d’années. Il est donc indispensable de prêter une attention toute particulière aux conditions spécifiques que propose chaque SCIC d’exploitation de foncier agricole.
La CR est traditionnellement positionnée en faveur de l’accès à la propriété pour les agriculteurs, elle n’est donc pas en faveur de ce type de portage lorsqu’il n’y a pas de possibilité pour l’exploitant de se porter acquéreur des terres. De plus, même lorsqu’il est prévu une faculté de rachat des terres pour l’agriculteur, il n’y a pas la même faculté de déduction des loyers versés telle que dans le portage opéré via la SAFER. Ainsi, bien que l’on assiste désormais à une multiplication des SCIC, la CR ne considère pas ce dispositif comme particulièrement intéressant.
A noter que des coopératives agricoles traditionnelles se mettent à faire ce type de portage en se portant acquéreur des terres et en les donnant à bail à des agriculteurs tenus de s’engager dans la coopérative. La CR est totalement opposée à cette pratique et rappelle que les coopératives agricoles classiques n’ont pas pour objet la détention de foncier, ce qui devrait être à tout prix évité.
La demande de la CR : le crédit transmission
Le dispositif crédit-transmission était une mesure fiscale, prévue par la Loi d’orientation agricole de 2006, permettant à un cédant de vendre la totalité de son exploitation (ou de ses parts de société) à un jeune installé en lui faisant bénéficier d’un différé de paiement. En contrepartie, le cédant bénéficiait d’une réduction d’impôts sur les intérêts perçus.
Ce dispositif était ouvert aux jeunes de moins 40 ans, en cours d’installation ou installés depuis moins de 5 ans. Le principe était la vente de terres agricoles avec seulement la moitié du prix du bien qui était payée lors de la signature de l’acte et le solde était réglé progressivement dans les huit à douze années suivantes. L’acte devait être conclu devant notaire et le contrat définissait le taux d’intérêts prévu.
En contrepartie de ce différé de paiement, le cédant bénéficiait d’une réduction d’impôt égale à 50% des intérêts perçus dans la limite annuelle de 5 000 € pour les contribuables célibataires veufs ou divorcés et 10 000 € pour les contribuables mariés ou les partenaires liés par un PACS soumis à une imposition commune.
La CR plébiscite la réintroduction de ce dispositif pour faciliter la transmission du foncier, notamment car il présente l’avantage de permettre un paiement progressif des terres tout en octroyant la pleine propriété des terres dès la signature du contrat. Pour la CR, afin de maximiser l’efficacité de ce dispositif, il faudrait toutefois permettre un paiement initial plus faible, de 30 % du prix total, une durée maximale du différé plus importante, ainsi que des avantages plus importants pour le vendeur, avec un crédit d’impôt de 75 % des intérêts perçus couplé à une majoration de retraite pour les anciens agriculteurs cédant leur exploitation.
En attendant la réintroduction du crédit transmission, il faut signaler le développement du viager portant sur des terres agricoles. On retrouve ainsi le principe d’un paiement initial réduit avec le reste sous forme de différé ainsi qu’un accès à la propriété des terres dès la signature du contrat. Il n’y a cependant pas d’avantages fiscaux et le montant total payé est soumis à aléa, la durée du viager étant imprévisible.