Je suis Pierre-Alban Olender, exploitant à Lens-Lestang (Drôme) depuis le 1er janvier 2021. J’ai 32 ans et me suis installé à l’issue d’une reconversion hors cadre familial. Je suis juriste de formation et j’ai exercé dans plusieurs entreprises notamment à Cerfrance en tant que conseiller d’entreprise. J’ai repris une exploitation d'une centaine d'hectares en agriculture biologique et je produis avec ma femme et un salarié de la viande de bœuf limousin en engraissement (vendu en vente directe), des céréales et des légumineuses (lentilles, pois chiche, lin…).
- Comment s’est passée ton installation ? Mon installation s’est donc faite lorsque j’avais 31 ans. J’ai commencé à préparer mon BTS ACSE en 2018 dans le but d’avoir mon diplôme en 2020. J’ai ainsi pu faire un an de stage sur l’exploitation avec le cédant avant mon installation. J’ai repris l’exploitation en intégralité (maison d’habitation, bâtiment d’élevage, matériel, location des terres, etc). Une des difficultés lors de l’installation est de faire en sorte que le cédant et le repreneur s’y retrouvent financièrement. Il faut passer au-delà des difficultés techniques et humaines.
- Comment as-tu vécu ton parcours d’installation ? Est-ce que tu dirais qu’il a été facile ? Mon installation s’est bien plutôt bien passée. Je me suis fait accompagner par la Chambre d’agriculture. Je n’ai pas cherché à innover pour rentrer dans la norme et ainsi faciliter le processus.
- As-tu eu accès aux aides à l’installation ? Oui, comme le projet était normé, il est facilement entré dans les cases de la DJA.
- Est-ce que tu as eu des soucis pour trouver des terres ? Non pas vraiment, j’ai acheté quelques terres mais la majorité est en location. J’ai fait l’effort de reprendre la location de l’ensemble des terres pour ne pas bouleverser l’équilibre de la ferme. Le cédant a bien préparé son départ en informant tous les propriétaires des terres de mon arrivée. Il n’y a donc pas eu de grosses difficultés, excepté le fait qu’il y ait 30 propriétaires. J’ai donc dû rencontrer chacun d’entre eux et établir 30 baux, ce qui était un peu fastidieux.
- Comment as-tu trouvé ton exploitation ? J’avais une vague idée d’installation en 2017 mais rien n’était défini. En discutant avec des amis, j’ai appris que des exploitants recherchaient un repreneur. Je suis allé voir par curiosité et je me suis dit que cette ferme valait la peine de tenter l’aventure. L’entreprise marchait bien donc même si ce n’est pas le type de ferme que j’aurais recherché, je me suis dit qu’il fallait tenter le coup. La ferme se situe dans ma région d’origine, j’avais des repères, ce n’était pas un saut total dans l’inconnu.
- Quel organisme t'a conseillé ? Aucun organisme ne m’a conseillé, j’ai trouvé ma ferme grâce au bouche-à-oreille. Le cédant avait 69 ans et cherchait un repreneur depuis longtemps.
- Est-ce que tu es passé par la Safer ? Non, le cédant ne voulait pas passer par cet organisme.
- As-tu toujours des liens avec le cédant ? Oui, j’en ai toujours assez régulièrement. Une ferme de cette ampleur est assez compliquée à appréhender d’un niveau technique. Mon expérience agricole était assez limitée, ainsi lorsque j’ai une question, il répond présent. Nous avons convenu de ce tuilage pour que tout se passe au mieux. Plus j’acquiers de l’expérience, moins je le sollicite.
- As-tu eu des difficultés à avoir un prêt ? Oui, ça n’a pas été évident car le montant était conséquent et je n’avais pas un énorme apport. Entre le premier chiffrage et la signature du prêt, il s’est passé 2 à 3 ans et de nombreuses rencontres. Néanmoins, comme la structure marchait bien, que j’avais l’appui du cédant et que l’exploitation avait un historique important avec la banque, j’ai pu avoir le prêt.
- Comment ton expérience agricole a-t-elle influencé ton installation ? J’ai regretté de ne pas avoir eu plus d’expérience agricole. J’aurais peut-être mieux négocié et été plus exigeant.
- Quelles étaient tes motivations pour devenir agriculteur ? J’ai voulu avoir ma ferme par esprit d’indépendance. Même s’il y a beaucoup de contraintes et une grosse charge de travail, j’ai plus de liberté. Travailler pour soi est également très important pour moi, je ne me retrouvais plus dans le travail salarié. On a plus de reconnaissance qu’en entreprise, la qualité de vie est différente. Les relations sociales sont aussi différentes, il y a beaucoup de passages sur la ferme et j’ai beaucoup de contact avec les agriculteurs du coin.
- Pourquoi es-tu syndiqué et pourquoi à la CR ? Je me suis syndiqué à la CR parce que je connaissais les personnes du bureau départemental et j’ai de l’estime pour eux. Même si je ne suis pas d’accord avec tout, pour moi, le syndicat a une vision cohérente ancrée dans la réalité des exploitations. C’est un syndicat de « bon père de famille », il défend les intérêts des exploitants et les techniques agricoles de façon intelligente et constructive sans aller dans l’extrême. Ce syndicat m’a permis de créer un réseau dès mon installation.
- Est-ce que tu penses avoir bien estimé la charge de travail avant de t’installer ? Oui, comme j’ai passé un an sur l’exploitation, j’étais conscient de la charge qui m’attendait. Même si c’est parfois compliqué moralement, les voisins aident à prendre du recul.
- À ton avis, quelles sont les qualités et compétences nécessaires pour s’installer ? Il faut être multi-tâches, dans ce métier il y a énormément de compétences mobilisées : élevage, culture, vente, gestion des stocks, affrètement des camions, recherche de clientèle, gestion de salariés, etc.
- Qu’est-ce que tu aimerais dire aux personnes qui souhaitent s’installer ? Je conseillerais de bien réfléchir pour ne pas avoir de regret. Il ne faut pas prendre une exploitation sous pression des parents ou des cédants. Il faut créer son expérience, sa vie et pas forcément dans l’agriculture. Je me suis installé par choix, on ne m’a pas forcé, je l’ai choisi. Dernier conseil, il faut bien s’entourer surtout dans les moments difficiles. Il ne faut surtout pas s’isoler et garder son réseau (familial, professionnel, etc).
- Autres choses à ajouter ? J’espère que l’année prochaine se fera sans inondation et sans sécheresse. Notre métier a du sens. C’est un métier où l’on produit, nous sommes des créateurs de richesse brute ! Je préfère me lever, savoir que je vais semer du blé plutôt que d’exercer un métier de prestation à l’utilité relative.