Phil Hogan, Commissaire européen à l'Agriculture et au développement rural et la Banque européenne d'investissements (BEI) ont annoncé fin avril le lancement d'un programme de prêts d'un milliard d'euros en faveur de l'agriculture et de la bioéconomie. Cette initiative est mise en œuvre pour pallier les difficultés d'accès au financement des agriculteurs, et parmi eux des jeunes installés. Sa mise en place est conditionnée à la mise à disposition d'un montant équivalent par les organismes de prêts, ce qui permettrait le déblocage de 2 milliards d'euros à taux préférentiel pour l'agriculture. À noter que les conditions de remboursement de ces prêts seraient particulières et permettraient l'instauration de différés et/ou de modulations. À l'heure où moins de 6 % des agriculteurs européens ont moins de 35 ans, et près de 55 % plus de 55 ans, le financement des installations et reprises d'exploitations est une véritable problématique d'autant que les capitaux nécessaires à l'entrée dans le métier sont lourds.

Une mesure aux contours encore flous À cette heure, peu d'informations sont disponibles quant aux modalités d'accès et aux critères d'attribution de ces prêts. De la même manière, quel pourra être ce taux préférentiel dans un contexte bancaire aujourd'hui plutôt favorable à l'emprunt ? Rappelons qu'en raison de ce contexte, la France a décidé la suppression des prêts bonifiés pour les jeunes installés il y a peu, pour réinjecter ces fonds dans une revalorisation de la DJA. De plus, il sera nécessaire de veiller à ce qu'un tel dispositif ne vienne pas "gonfler" la facture de l'installation ou de l'investissement, qui atteint déjà depuis plusieurs années des seuils critiques et limitent l'entrée de nouveaux agriculteurs dans le métier.

Qu'en pense la CR ?

Cette mesure, permettra certainement à certains jeunes de financer leur projet. Mais elle reflète surtout la volonté de la BEI de voir les agriculteurs investir et continuer à être des moteurs de l'économie. Nous en tirons la confirmation que l'Union européenne et ses institutions ont besoin des agriculteurs pour approvisionner l'industrie. Mais plutôt que de décider d'activer les leviers permettant aux agriculteurs d'être mieux payés, d'améliorer leurs conditions de travail et de revenu, la BEI et la Commission européenne persistent dans une stratégie délétère pour les agriculteurs et favorable à l'agro-industrie.

Pour la Coordination Rurale, les futurs installés ont besoin d'actions nettement plus incitatives telles qu'une revalorisation significative de la DJA. Le cautionnement de 50 % des prêts liés à l'installation, proposition portée par la Coordination Rurale, aurait également un effet levier très important auprès des institutions financières, qui se verraient ainsi partager le risque lié à ces emprunts.

Enfin, il est surtout urgent de permettre à l'agriculture de retrouver de la rentabilité. L'Union européenne, qui négocie en ce moment même le contenu de la PAC 2020 peut, si elle le décide enfin, changer les grandes orientations de la PAC. En revenant à une PAC stabilisatrice et protectrice pour les agriculteurs et le consommateur elle peut remédier aux difficultés que nous rencontrons pour le renouvellement des générations.

Ce serait alors un signal fort à l'attention des futurs agriculteurs de l'Union européenne, bien plus qu'une levée de fonds pour investir et prendre des risques dans un secteur soumis à la volatilité des prix et à une concurrence mondiale effrénée, au bénéfice non pas de l'agriculteur mais de l'agro-industrie.

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