Pourquoi je ne mettrai que la moitié de mes surfaces en culture l’an prochain ?

 

Suite à la publication par FGC d’une estimation de la hausse des coûts de production en mars 2022, et constatant que mon prix de revient pour la prochaine campagne sur la culture du blé va avoisiner les 300 euros la tonne (en prenant 20 euros pour rémunérer mon travail et payer mes cotisations) je me pose la question suivante : que se passerait-il si les cours des céréales devaient s’inverser ?

Beaucoup disent que cet effondrement des prix est impossible. Je me souviens de ces experts qui disaient en 2008 que les cours allaient rester élevés pour 10 ans... Dès 2009, c'était la catastrophe, avec des blés et des maïs payés au seuil d'intervention (près de 100 euros par tonne avant transport et séchage). Pour rappel, cette période avait fait suite à une forte envolée des cours des engrais !

Si entre les achats de fournitures et la récolte, les cours se retournent de 160 euros, pour revenir à la moyenne des prix de ces 10 dernières années, le déficit sur ma petite exploitation de 91 hectares sera de plus de 110 000 euros.

Je fais l'impasse sur le risque de pénurie de gaz au moment des récoltes de maïs qui nous laisserait comme seule solution de l’ensiler pour la méthanisation, avec la certitude de ne pas couvrir mes coûts de production.

Pour cette année, malgré les incitations françaises et européennes à cultiver les jachères et maximiser la production, j’ai dû abandonner la mise en culture de deux de mes parcelles prévues en maïs, car ne pouvant dépasser assurément les 75 quintaux secs, elles ne seront certainement pas rentables, même avec un prix de vente brut à 300 euros la tonne.

Je vais aussi devoir m'assurer d'avoir suffisamment de carburant dans mes cuves pour procéder à la récolte, au cas où l’entrepreneur qui moissonne habituellement subisse des difficultés d’approvisionnement en GNR.

Dans les conditions actuelles, pour la prochaine campagne, j’envisage de ne mettre en culture que la moitié de mes surfaces, pour assurer mes marchés à valeur ajoutée et à un prix certain (au-delà de 300 euros la tonne). Le reste de mon exploitation sera mise en luzerne pour apporter de la fertilité, et ne pas prendre le risque de cultiver à perte.

À mon sens, face à ce risque que nous prenons toutes et tous, en investissant dans nos cultures avec ce niveau de prix des intrants, il serait nécessaire de voir le prix d’intervention européen temporairement relevé à 300 euros la tonne (a minima 275 euros la tonne, mais encore une fois le revenu du producteur n'est pas assuré). À ce prix plancher, je pourrai prendre les autres risques à ma charge et continuerai à exploiter la totalité de mes terres.

Billet d’humeur, par Stéphane Pelletier, céréalier en (Indre-et-Loire), administrateur de FGC

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