Du 7 au 29 juillet, retrouvez sur notre site Internet une série de 21 articles (un par étape du Tour de France) sur les conséquences des accords de libre-échange sur l'agriculture française et européenne. Aujourd'hui, 9e étape entre Arras (28) et Roubaix (80), et donc 9e article.

Betteraves Des prix rémunérateurs sous les pavés ?

 

Cette 9e étape du Tour de France emprunte une partie du parcours habituel de la mythique course du Paris-Roubaix. Non loin du fameux secteur pavé, nous allons à la rencontre de Denis Deffrenne, polyculteur-éleveur et planteur de betteraves à Avelin (59).

Depuis quand produisez des betteraves ?

Sur l’exploitation, nous produisons des betteraves depuis les années 80. Nous avons toujours implanté cette culture pour avoir des pulpes pour nourrir les vaches. Je fais aussi de l’élevage de bovins allaitants. Avant la libéralisation du marché, la culture betteravière était une plus-value pour l’exploitation. Elle assurait un revenu sûr. Nous savions combien nous étions payés et elle rémunérait mon travail. Depuis 2006 et l’ouverture du marché du sucre aux pays en voie de développement, le prix à la production a fortement baissé. Il se rapproche peu à peu du coût de production.

Au nom du libre-échange, il a été mis fin aux quotas betteraviers. Quelles en seront les conséquences ?

Premièrement, nous n’aurons plus de prix minimum garantis. Nous allons produire à perte ! Le conseil qui nous est adressé est de produire plus afin d’exporter plus. Or, les industriels créent une surproduction dans l’objectif de sous-payer les planteurs. Les coûts de production des planteurs européens sont encore supérieurs à ceux de nos homologues brésiliens ou indiens. Nous ne pouvons pas être concurrentiels sur le marché mondial. Par conséquent, nous surchargeons le marché national et européen mais nous n'exportons pas. Ou peu. Ensuite, nous n’avons pas les mêmes coûts de production que nos concurrents, producteurs de cannes à sucre. Et surtout, nous n'avons pas les mêmes normes environnementales et sociales. Nous produisons en étant respectueux de l’environnement et ça, ça a un coût. Le pire dans tout ça est que notre coopérative sucrière a aussi des intérêts dans les pays concurrents. Elle investit à l’étranger et participe donc au développement de cette distorsion de concurrence.

Que pensez-vous des activités de Tereos à l’étranger ?

Le but premier d'une coopérative n'est pas d’investir à l’étranger. Au contraire : non seulement la coopérative doit servir le développement d'un territoire, mais elle doit aussi mieux vendre les produits de ses coopérateurs. Dès lors, elle ne doit évidemment pas développer la concurrence dans les pays tiers avec l'argent des coopérateurs. Les agriculteurs français se sont regroupés en coopératives pour commercialiser leurs productions, pas pour créer des multinationales. Constatons en outre que leurs investissements sont parfois catastrophiques. Nous préférerions qu’ils arrêtent d’investir à l’étranger et qu’ils reviennent à leurs fondamentaux : produire du sucre de betteraves en France et rémunérer les coopérateurs pour leur travail de production. Ils nous reversent des intérêts sur nos parts sociales. Autant dire des cacahuètes... Nous, nous voulons des prix rémunérateurs à la production.

Comment voyez-vous l’avenir de la culture betteravière en France ?

Mal ! Les planteurs ne vont pas pouvoir produire bien longtemps avec des prix en dessous des coûts de production. Je ne l’espère pas mais j’imagine mal la filière se pérenniser. Je crains fortement de voir encore la fermeture de sucreries, avec toutes les conséquences que nous connaissons sur l’emploi et l’abandon des territoires ruraux. Cette culture a déjà perdu beaucoup d’intérêt pour nous depuis que nous avons perdu la propriété des pulpes. Le prix des pulpes s’est envolé. Nous ne sommes presque plus favorisés en tant que coopérateur producteur de betteraves. Ils nous revendent nos propres pulpes à un prix lié aux marchés de l’alimentation animale. Nous n’avons plus d’avantages pour notre élevage bovin à être producteur de betteraves.

Que proposez-vous pour pérenniser la culture betteravière ?

Ce qui m’agace fortement, c’est que la baisse du prix du sucre engendrée par la surproduction, on la ressent fortement sur le prix de la betterave payée aux producteurs mais que le consommateur ne voit jamais les variations de prix du sucre ou dans les produits transformés. Finalement, où va cette différence ? En betteraves par exemple, il nous faut absolument des prix minimum garantis sur la durée totale de l’engagement. Il est en effet inconcevable de s’engager à produire sans savoir combien nous allons être payés. Nous devons refuser de signer des contrats sans prix.

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