Introduction: L’évolution des droits des femmes

En 1791, naît la Déclaration des droits des femmes et de la citoyenne qui réclame l’égalité juridique et légale des femmes par rapport aux hommes.

Cependant, en 1804 dans le code civil, Napoléon infériorise la femme en droit.

Ce n’est qu’en 1946 qu’apparaît officiellement ce principe fondamental. Dès lors, la Constitution de la cinquième République « garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux des hommes. » Pourtant, depuis, une multitude de lois ont été promulguées au nom de la liberté de la femme, laissant alors supposer que l’article 3 de la Constitution n’a pas révolutionné les droits des femmes :

• 1965 : les femmes peuvent gérer leurs biens propres et exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari. • 1982 : officialisation de la journée internationale des droits des femmes.

• 1983 : loi Roudy pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes qui travaillent en entreprise. • 1996 : marche des femmes pour la défense du droit à l’IVG. • 1998 : égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions politiques. • 2001 : le délai légal de recours à l’IVG passe de 10 à 12 semaines. • 2011 : la loi Copé-Zimmermann fixe des quotas de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance. • …. et j’en oublie certainement !

Les gouvernements successifs, continuent, de promulguer des lois en faveur de cette égalité et pour défendre les femmes. Je ne dis pas que cela n’est pas bien, c’est fondamental au contraire, et c’est bien là qu’est le problème. Pourquoi sommes-nous encore obligés de promulguer ces lois ? Et pourquoi, a contrario, n’est-il pas nécessaire de promulguer des lois pour les droits du sexe masculin ?

Nous ne faisons pas du militantisme féministe, nous faisons du militantisme égalitaire ! Ce militantisme égalitaire accepte les différences, mais dans leurs complémentarités. Est-ce que le fait que certaines femmes n’aient pas la même force physique que certains hommes fait d’elles des êtres inférieurs à tout point de vue ? Les femmes ne sont-elles pas plus performantes dans certains domaines ? Dans ce cas, cela fait-il des hommes des êtres inférieurs ? NON !

Pourtant, quelle agricultrice n’a jamais entendu : « il est où le patron ? », alors que la cheffe d’exploitation est devant eux ! Des progrès doivent être faits, pour respecter la Constitution qui nous garantit ces droits !

Natacha Guillemet Agricultrice en Vendée et responsable de la section Agricultrices

Traditionnellement, le monde agricole a longtemps été considéré, à tort, comme un milieu d’hommes : risques professionnels, pénibilité physique, astreintes, polyvalence, temps de travail important… en oubliant le rôle central des femmes qui assument discrètement mais efficacement une bonne partie des tâches de la ferme.

De nos jours, alors que le métier d’agriculteur a beaucoup évolué et impose des contraintes lourdes, peut-on pour autant dire que l’agriculture est un métier réservé aux hommes ? Comment les femmes se situent-elles dans ce paysage masculinisé ? Quelles évolutions ont marqué les générations ? Comment gèrent-elles à la fois leur vie de mère, d’épouse et le travail sur l’exploitation ? Et quelles difficultés rencontrent-elles ?

À travers ce dossier et différents témoignages, nous allons mesurer l’importance des femmes dans le milieu agricole et leur donner toute la place qu’elles méritent dans les rangs d’honneur de l’agriculture française !

Le monde agricole se féminise

Si les femmes ont depuis toujours joué un rôle crucial dans la vie des exploitations, celui-ci n’a pas toujours été reconnu comme tel. Leur statut de conjointe ou d'aide occasionnelle en atteste. Jusqu'au début des années 60, le rôle de la femme dans l'agriculture n'était pas considéré. Le terme d'agricultrice n'existait pas. Il ne rentrera dans le dictionnaire français qu'en 1961. Aujourd’hui, elles restent minoritaires en tant qu’agricultrices à part entière et leur proportion stagne depuis quelques années mais leur place dans le monde agricole a nettement évolué. Elles sont devenues des « actrices » incontournables du paysage agricole, tant parmi les chefs d’exploitations, que parmi les salariés.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes (source : Publication Info Stat - Période 2019 - date de publication : 4/03/2021)

  • Près d'un chef d’exploitation sur quatre est une cheffe : en 2019, 26 % des chefs d'exploitation sont des femmes, une proportion globalement stable depuis plus de dix ans. 27 % en 2016, 25 % en 2012 mais seulement 8 % en 1970.
  • Seules ou accompagnées d’homologues masculins, les femmes dirigent 29,5 % des exploitations ou des entreprises agricoles, proportion stable par rapport à l’année précédente. Dans 16,7 % des cas, les exploitations ou entreprises agricoles sont exclusivement dirigées par des femmes et dans 12,8 % des cas, elles sont dirigées par une équipe mixte. Lorsqu’elles sont associées à des dirigeants masculins, les femmes co-dirigent des structures de forme sociétaire, comme le GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun) ou l’EARL (Entreprise agricole à responsabilité limitée).
  • Baisse du nombre de collaboratrices d’exploitation. En 2019, 12,9 % de l’ensemble des conjointes (mariées, pacsées ou en concubinage) d’exploitants ou d’entrepreneurs agricoles sont affiliées en qualité de conjointes actives (i.e. conjointe collaboratrice) sur l’exploitation ou dans l’entreprise. Cet effectif des collaboratrices d’exploitation a été divisé par deux en dix ans. Les femmes privilégient aujourd'hui le statut de co-exploitant pour travailler sur l'exploitation.
  • 373 700 femmes salariées dans la production agricole. Le secteur de la production agricole emploie 373 700 femmes, un effectif en très légère hausse de 0,2 % par rapport à 2018 et en recul de 6,6 % depuis 10 ans. Elles représentent 116 150 équivalents temps plein et 35,4 % des salariés du secteur.
  • Les femmes salariées ont des conditions d’emploi plus précaires. Le recours au contrat à durée déterminée (CDD) occupe une place prépondérante dans l’emploi féminin de la production agricole. Ainsi, 81,9 % des salariées du secteur détiennent un CDD, ce qui représente 304 400 contrats de travail en 2019.
  • Environ 132 200 femmes d’exploitants sans statut. En 2019, environ on estime à 132 200 le nombre de femmes d’exploitants qui ne sont ni cheffes, ni collaboratrices d’exploitation. Leur participation à la gestion des exploitations n’est pas directement mesurable, mais bien réelle.
 

Portraits de femmes agricultrices

Les femmes et leurs préférences

Souvent habile dans la gestion de l’exploitation, les démarches administratives, l’art de la négociation avec les organisations agricoles, le contact avec le public ou encore à l’aise pour la vente, la femme agricultrice dispose de qualités essentielles pour l’agriculteur d’aujourd’hui. D’une façon plus générale, les « jeunes » exploitantes ont souvent des parcours et une approche du métier bien différents des hommes.

On retrouve les Répartition des cheffes d’exploitation : dans l’agriculture traditionnelle :

  • 16,4 % dans les cultures céréalières et industrielles
  • 15,6 % dans le secteur de l’élevage de bovins lait
  • 12,7 % dans les cultures et élevages non spécialisés
  • 12 % dans la viticulture

Le secteur où l'on retrouve la part la plus importante de femmes est l'élevage de chevaux avec 48,6 %, l’entraînement, dressage, haras, clubs hippiques (48,5 %), l’élevage de gros animaux (47,4 %), l’aviculture et la cuniculiculture (34 %).

Leur absence est surtout remarquée dans les exploitations de bois (1,5 %), les entreprises paysagistes (4 %), les scieries fixes (5,3 %) et un peu moins dans la sylviculture (9,7 %) et les entreprises de travaux agricoles (9,8 %).

Témoignage d'Aurélie Hallain (39 ans) – agricultrice en Eure-et-Loir sur la commune de Berchères-les-Pierres depuis le 8 mars 2016 (journée de la femme pour l’anecdote).

« Mon parcours a été bien rempli. J’ai un BAC S, un BTS Industries céréalières de l’ENSMIC, un diplôme d’ingénieure en agroalimentaire et santé de l’ISAB. Avant de reprendre l’exploitation familiale, j’ai travaillé dans différents secteurs : intérimaire préparatrice commande cosmétique, boulangerie industrielle, vendeuse au Carrefour de Chartres au rayon charcuterie-fromage, coach nutrition, responsable archivage numérique, formatrice en agroalimentaire, agriculture et responsable pédagogique pour la mise en place de formations en agroalimentaire et restauration collective. Je suis issue d’une famille d’agriculteurs : parents et grands-parents maternels et paternels. J’ai repris la ferme qui est dans ma famille depuis bientôt un siècle et qui existe depuis le 12e siècle. Elle fut tenue par les moines lors de la construction de la cathédrale de Chartres, c’était une ferme des Templiers !

Pourquoi devenir agricultrice ? La dimension sentimentale a joué un rôle important dans ma décision de reprendre la ferme familiale ; j’y suis profondément attachée. J’ai poursuivi une partie des cultures déjà en place : blé, orge hiver, orge printemps, colza, betterave, pomme de terre, et je me suis différenciée en faisant des contrats avec Syngenta, la chambre d’agriculture, des contrats de semences, de blé améliorant. J’ai voulu développer de nouvelles cultures, mais les débouchés sont inexistants. J’ai produit des lentilles pendant un an et, quand j’ai voulu continuer, je n’ai pas pu, l’explication à l’époque était qu’il n’y avait plus de contrats possibles car le Canada et l’Inde en exportent sur notre territoire. J’ai d’autres objectifs à long terme comme celui de développer une nouvelle activité, mais le projet est encore flou à l’heure actuelle : pourquoi pas la production de miel ; j’ai déjà un partenariat avec un apiculteur.

Qu’est-ce qui doit changer aujourd’hui ? En tant que femme, ce ne sont pas forcément les démarches administratives qui peuvent être problématiques, je dirais même qu’une femme peut être plus méticuleuse, plus administrative. Les difficultés sont plutôt arrivées après l’installation. Se faire respecter, être écoutée en tant que femme agricultrice, en tant que professionnelle, et pas seulement en tant que gestionnaire des comptes et de la paperasse… Car j’ai eu beaucoup de remarques, « ah vous êtes agricultrice, mais vous vous occupez des papiers … ». Après plusieurs années, j’ai appris sur le tas, dans les champs, j’ai vécu mes propres expériences comme une récolte catastrophique en 2016, et aussi 2020. Aujourd’hui, je n’ai plus honte de prendre la parole dans une réunion, exposer mes idées, car il est très courant que je sois la seule femme lors de ces rencontres. J’ai encore le soutien de mon papa pour les itinéraires culturaux et les travaux dans les champs, c’est son plaisir à lui. Pour moi, il faut payer les factures, les emprunts et essayer de se verser un salaire. Je dis essayer car je n’ai pas pu me rémunérer les 4 premières années ».

Des femmes diplômées

Il est intéressant de relever que près de la moitié des femmes agricultrices de moins de 40 ans ne sont pas passées par l’enseignement agricole. Le fait de devenir agricultrice n’est ainsi pas forcément une vocation de jeunesse. Aujourd’hui, elles ont assez souvent eu une activité salariée dans un autre secteur. Logiquement, elles s’installent donc plus tard que les hommes (31 ans contre 29 ans). On remarque que les jeunes exploitantes sont beaucoup plus souvent diplômées de l’enseignement supérieur que leurs homologues masculins. En effet, les exigences quant aux diplômes sont de plus en plus importantes et ces derniers sont souvent nécessaires pour prétendre aux aides à l’installation. De fait, le niveau de formation des agricultrices s’élève en corrélation avec l’augmentation générale des niveaux de formation de la société.

Les difficultés

Parmi les difficultés rencontrées, celle de l’héritage demeure encore en tête de liste. En effet, traditionnellement, lorsqu’il y a un frère dans la fratrie il apparaît encore comme naturel qu’il soit l’attributaire de l’exploitation. De fait, là où les sœurs se retrouvent avec moins de biens fonciers en propre, avec comme corollaire fréquent le fait que beaucoup d’entre elles épousent un agriculteur.

Témoignage de Sophie Lenaerts (55 ans) – productrice de lait à Roy-Boissy et maman de 3 enfants :

« Pourquoi je suis devenue agricultrice ? C’était le souhait de mon ex-conjoint et le challenge me plaisait. Je suis installée depuis septembre 1993. J’ai un bac S agricole et un BTS marketing, car venant d’une famille de commerçants c’était plutôt ma voie. Je me suis installée d’abord seule en 1993 derrière un tiers, car mon conjoint n’avait pas les diplômes français permettant les aides à l’installation (nous sommes Belges). En 1995, la création de notre EARL. Nous avons eu quelques soucis d’intégration, car nous avons été considérés comme des « étrangers ». Il a fallu que je me crée un tissu social, car je ne connaissais personne. La chambre d’agriculture m’a bien soutenue pour les démarches administratives. Aujourd’hui, mon exploitation est de 290 ha en location et je produis 786 000 L de lait de vache. Ma fille souhaitant s’installer, je lui laisse l’atelier lait avec 110 ha. Nous avons un salarié en plus des associés. J’ai développé il y a 5 ans une ferme pédagogique, toujours pour satisfaire mon besoin de communiquer sur notre métier, avec une vente de viande limousine sous vide. Ma fille n’étant pas portée sur ce projet, il vivra pour les habitués et mourra de sa belle mort… ».

Les statuts

En 1985, avec la création des EARL (Exploitation agricole à responsabilité limitée), les statuts des femmes agricultrices ont clairement évolué avec enfin une visibilité dans les statistiques ! En effet, contrairement au statut des GAEC qui ne reconnaissait pas le GAEC entre époux, l’EARL leur a permis de devenir « associées » à part entière.

Par la suite, en 1999, le statut de « conjoint collaborateur » voit le jour. Ce statut offre une véritable reconnaissance professionnelle du travail de la femme sur l’exploitation et par la même occasion une amélioration de sa protection sociale (maladie, retraite).

Un système parfois trompeur

Lorsque l’agriculteur fait valoir ses droits à la retraite, il lui est possible de transmettre son exploitation ou entreprise à son conjoint, qui la dirige alors jusqu’à sa propre retraite. Dans 87,8 % des cas, cette transmission – dite « transfert entre époux » – s’effectue de l’homme vers la femme. La proportion de femmes ayant bénéficié d’un transfert entre époux est de 10,5 %. L’âge moyen des cheffes qui ont bénéficié de la transmission d’exploitation s’établit à 62,4 ans alors que cet âge moyen est de 50,5 ans lorsqu’elles se sont installées sans transmission. Cette pratique permettrait aux femmes, qui dans la plupart des cas étaient conjointes collaboratrices, de recevoir une retraite un peu plus confortable.

La retraite des agricultrices

Les agricultrices, sont majoritairement « en couple » et doivent concilier vie familiale et vie professionnelle. La « conjointe » qui participe au travail de l’exploitation a le choix entre différents statuts :
  • Le conjoint coexploitant : celle qui participe effectivement et habituellement, à l’activité non salariée de son conjoint, sans rémunération et qui est couverte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (ATEXA)).
  • La conjointe collaboratrice : celle qui travaille de façon régulière, même à temps partiel, dans l’exploitation de son époux sans être rémunérée (ni associée) et sans avoir elle-même la qualité de chef d’exploitation (coexploitant).
  • La conjointe salariée : celle qui est « rémunérée » dans le cadre d’un contrat de travail et qui bénéficie donc d’une couverture sociale personnelle et de droits à la retraite.)
  • La conjointe associée : celle qui participe aux travaux de l’exploitation dans le cadre d’une société et qui est affiliée au régime de protection sociale agricole comme un chef d’exploitation.
L’étendue de la protection sociale et des droits à la retraite varie selon le statut choisi. Pour les « conjointes collaboratrices » force est de constater qu’après avoir travaillé sur la ferme pendant toute leur « vie », de nombreuses femmes, épouses d’exploitants agricoles, ont encore une situation très précaire, même si, au fil du temps, le système social s’est « amélioré ». Fin 2019, les agricultrices françaises sont majoritaires au régime des non-salariés agricoles (NSA) avec plus de 56 % de l’effectif. Elles sont près de 734 000 sur le territoire (métropole). Parmi ce nombre :
  • plus de 284 000 ont été cheffes d’exploitation ou d’entreprise agricole
  • 248 000 ont gardé le statut de conjointe
  • près de 111 000 n’ont connu que celui d’aide familiale. Pour les autres, elles n’ont eu aucune activité dans le régime mais perçoivent, de par leurs conjoints décédés, une pension de retraite de réversion agricole.
Malgré leur nombre, le montant de leur retraite reste à un niveau inférieur à celles de leurs homologues masculins. Pour un statut de cheffe, la pension non-salariée agricole serait amoindri de 3,15 % en moyenne soit 21€/mois brut. Cet écart s’explique en partie par la durée. En moyenne, les femmes l’ont été durant 48 trimestres contre 97 pour les hommes, ce statut étant le plus rémunérateur. Le principe d’une retraite minimum d’au moins 85 % du SMIC a été fixé en 2008 par l’article 4 de la loi du 21 août 2003 pour les seuls salariés. Le taux de 75 % a été appliqué pour les non-salariés agricoles (NSA) seulement à compter de 2017. Au 1er novembre 2021, les chefs d'exploitation agricole à faibles ressources ont vu leur retraite augmenter de 75 % à 85 % du SMIC net agricole, soit 1 035 € par mois. Au total, ce sont quelque 227 000 chefs d’exploitation agricole qui ont bénéficié de cette revalorisation, avec en moyenne 105 euros de retraite de plus chaque mois. Ainsi, des évolutions demeurent indispensables et urgentes :
  • une parité homme-femme ;
  • l’assise de la pension de retraite sur les 25 meilleures années et non plus sur l’ensemble des années de cotisation ;
  • l’extension du bénéfice de la RCO à l’ensemble des conjoint(e)s déjà retraité(e)s ;
  • l’harmonisation de la retraite des conjoint(e)s ayant participé à l’exploitation avec celle du chef d’exploitation ;
  • le passage du taux de réversion de 54 % à 74 % du montant de la pension du conjoint décédé attribué au conjoint survivant ;
  • le remplacement de la bonification pour enfant fixée à 10 % de la retraite par un montant forfaitaire équivalant à 10 % du SMIC ;
  • la suppression de la CSG et de la CRDS sur la partie des pensions inférieures à 1 000 € ;
  • l’information systématique par les caisses de MSA de l’ouverture de droits suite au décès du conjoint agriculteur et de la nécessité de déposer une demande pour obtenir sa pension de réversion ;
  • le relèvement du revenu fiscal de référence ;
  • l’inclusion du capital agricole dans la liste des biens exonérés du calcul du plafond des biens pris en compte pour l’attribution des pensions de réversion (à l’instar de ce qui a été fait pour l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) laquelle s’est substituée aux différentes prestations constituant le minimum vieillesse).

Témoignage d'Yvette Lainé (55 ans) – agricultrice en production lait à Saint-Ouen-le-Brisoult (Orne).

« Au départ, je suis devenue agricultrice, non pas par choix mais par nécessité, car le dossier d’installation de mon mari ne passait pas. J’étais diplômée d’un BEPA comptabilité alors, à l’époque, l’ADASEA m’a conseillé de m’installer avec mon mari en EARL. Cette installation, qui remonte à 1991, fût bien compliquée. Nous avons regroupé deux sites d’exploitation : l’exploitation de mes parents de 32 hectares et un autre site de 28 hectares, ainsi nous disposions de 40 hectares pour l’élevage et 20 pour la culture. Cependant, nous avons eu moins de 6 mois pour réaliser tous les travaux nécessaires pour moderniser l’exploitation (stabule, salle de traite) et rendre habitable la maison qui était alors insalubre. Et ce n'était pas tout, il fallait aussi concilier le travail hebdomadaire, les travaux et la vie de famille. À l’époque, notre fille n’avait que quelques mois et heureusement que nous avons pu compter sur la solidarité familiale. Mais en 2001, nous avons dû prendre une décision importante : soit je partais travailler à l’extérieur, soit je devais faire évoluer mon poste faute de revenus suffisants pour deux. Après en avoir discuté en famille, en 2002 nous avons fait évoluer notre exploitation en créant un atelier veaux de boucherie et en adhérant à une petite coopérative pour la vente. Aujourd’hui, nous avons réussi à relever le défi. Pour preuve, nous arrivons même à partir quelques jours en vacances tous les ans. Dans un avenir proche, mon fils devrait s'installer, ce sera une transmission et un nouveau départ pour lui. J’espère vivement qu’une meilleure conjoncture et une politique agricole ambitieuse puissent se mettre en place. En tout cas, je fais mon maximum pour que ce soit le cas ! »

Les femmes et la santé

Maternité

Pendant leur maternité et sous certaines conditions, les non-salariées agricoles peuvent bénéficier d’une allocation de remplacement permettant la prise en charge des frais occasionnés par leur remplacement dans les travaux agricoles. Cette allocation répond aux besoins des exploitantes agricoles : elle permet la continuité de l’activité agricole et est une garantie de pérennité des exploitations. En 2019, ce sont ainsi 1 100 non-salariées agricoles qui ont fait appel à un remplaçant.

Depuis 2019, elles peuvent bénéficier directement d’indemnités journalières forfaitaires lorsqu’elles n’ont pas la possibilité d’avoir recours à un service de remplacement. Cette option n’a attiré que 38 exploitantes. Pour les femmes ayant accouché en 2019, le recours à l’un de ces deux dispositifs d’indemnisation n’a été que de 59 % ; un taux légèrement supérieur à celui enregistré en 2018 (56 %).

Santé

Les femmes relevant du régime agricole sont globalement en meilleure santé que l’ensemble des femmes ayant le même âge. Ainsi, elles souffrent moins souvent de maladies chroniques comme le diabète et sont moins souvent affectées par un cancer. Elles souffrent moins d’insuffisance rénale chronique, de maladies respiratoires chroniques ou encore de maladies psychiatriques, dégénératives ou neurologiques. Un moindre risque de maladies psychiatriques est constaté particulièrement chez les non-salariées agricoles. Ce risque d’autant plus modéré dans le cas des troubles névrotiques, des troubles addictifs et de la déficience mentale.

Lorsqu’un sur-risque (ou un sous-risque) est constaté au sein de la population des femmes agricoles, la tendance est encore plus marquée chez les exploitantes. Le diabète fait exception avec un sous-risque calculé chez les femmes exploitantes agricoles (- 12 %) alors que les salariées agricoles ont un sur-risque par rapport aux femmes de l’ensemble des régimes (+ 8 %).

En revanche, les femmes affiliées au régime agricole présentent un sur-risque de pathologie cardio-neurovasculaire chronique ou aiguë. Ce risque est plus élevé de 10 % pour ces femmes par rapport à la population féminine des autres régimes. Elles ont également un risque plus élevé d’être affectées par des maladies coronariennes alors qu’un sous-risque est observé pour l’ensemble du régime agricole.

Conclusion

Plus aucune production agricole n’est inaccessible aux femmes agricultrices. Elles ont su se former, s’imposer et devenir autonomes. Elles font partie intégrante du paysage agricole, pas seulement en tant que simple « touche féminine » mais bien en tant qu’acteur économique de grande importance. Les femmes agricultrices suscitent le dynamisme et apportent de la modernité au secteur.

Pour clôturer ce dossier, nous vous invitons à consulter la lettre ouverte de Sylvie Girard, agricultrice dans le Lot et Garonne, adressée aux femmes de l’agriculture : « J’ai choisi de vous parler de la Femme Agricultrice. Je ne vous cache pas ma difficulté à lier les idées, les témoignages. Peut-être est-ce un sujet délicat, tant il est bordé de sentiments. Quelques ouvrages écrits par les femmes, quelques pièces de théâtre, quelques films ont abordé le sujet, signe d’un besoin de communiquer, d’exprimer le contenu de vie des femmes en milieu rural, de tout simplement mettre à jour le métier d’agricultrice. Je ne voudrais pas faire un discours féministe, mais plutôt rendre hommage. Hommage d’abord à nos grands-mères qui, pendant les Guerres ont fait une immense démonstration : elles ont su, à la force de leurs bras et de leur moral de femmes, « tenir » les fermes en attendant le retour de l’Être cher. Courage récompensé par le Général De Gaulle leur accordant le statut de Cultivatrice sur leur carte d’identité. Statut honorifique suivi d’aucun fait, bien vite évanoui au beau milieu d’une agriculture en pleine révolution, en plein essor. Dans les campagnes, résonnent les bruits des premiers tracteurs, des premières trayeuses à lait. Dans les maisons, ronronnent les premiers lave-linge ; ce nouveau confort faisant oublier aux femmes qu’elles seraient longtemps oubliées ! Alors que se mettait en place toute une organisation professionnelle où les hommes se distribuaient les rôles, les femmes assuraient le quotidien de la ferme ; et pourtant, elles étaient considérées sans profession ! Longtemps conjointes d’exploitants, très rarement chef d’exploitation, il faudra attendre le début des années 80 pour les voir intégrer les EARL, puis les GAEC et pour certaines, un statut de salariée. Enfin, moyennant quelques lignes de cotisations à la MSA, le voilà notre STATUT ! La vie professionnelle des agricultrices est étroitement liée à leur vie familiale ; inconvénient ou avantage ? Leurs activités sont multiples et variées et souvent mal définies. L’une d’entre elles disait : « je suis le travail de service… qui répond à la demande ». Une autre confiait : « en épousant mon mari, j’ai épousé son métier, et travailler ensemble, c’est un ajustement quotidien ». Toutes sont unanimes concernant les enfants : « je dispose d’une liberté d’horaires pour eux – les enfants, je les fais suivre – à la campagne, on peut les garder avec plus de facilité, mais aussi on cherche moins à se débarrasser d’eux ». Mesdames, pas de culpabilité à l’égard de nos enfants, même si nous leur répondons très souvent : « je n’ai pas le temps ». Cette ambiance de vie est un FERMENT. De ce ferment lèveront des vocations ; et si ce n’est de paysans, des vocations d’initiateurs, d’individus responsables. Hommage à toutes ces agricultrices qui sont venues colorer l’agriculture (...) Enfin, Messieurs, ne sommes-nous pas un excellent complément à vos gros bras musclés ? Ne pouvons-nous pas être ensemble des sujets complémentaires pour que le verbe prenne effet et pas seulement un complément de sujet ?!! Hommage aux femmes pour qui l’équilibre se fait par un métier extérieur. Sachez, Mesdames, combien vous êtes méritantes de composer entre deux mondes et d’apporter votre soutien à l’agriculture. Plus lointain et ô combien noble, hommage aux femmes des pays émergents si nombreuses à travailler la terre, cultures vivrières ou productions d’exportation, dans de nombreux pays, on pourrait qualifier cette agriculture, d’une agriculture à dos de femmes ! Mesdames, votre réussite n’est pas comptable ; elle a de multiples visages et si vous tenez bon, soyez simplement assurées d’avoir RÉUSSI ! Vous toutes, femmes membres de la Coordination Rurale, je vous invite à prendre votre tour dans nos conseils d’administration et à y apporter votre sensibilité féminine. Eh oui, les femmes peuvent s’investir dans la vie syndicale ; Avec une implication sans mystère, des convictions qui leur sortent des tripes et un élan du cœur ! Ce soir, j’aimerais toutes vous citer mais de peur d’en oublier, je préfère vous mettre toutes à l’honneur. »

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