Madame la Ministre,

La Section Lait de la Coordination Rurale tient à vous alerter sur la récente décision de la société Lactalis de
résilier un nombre important de contrats de collecte de lait avec des producteurs français. Cette décision
unilatérale, sans consultation préalable, met gravement en danger l’équilibre économique de nombreuses
exploitations laitières et soulève des questions cruciales quant à la légalité de cette action.

En 2010, la loi sur la contractualisation a été adoptée (loi n°2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation
de l’agriculture et de la pêche), instituant un cadre pour la conclusion de contrats entre les producteurs et
les transformateurs afin de sécuriser les relations commerciales. Par la suite, en 2012, le cadre des
Organisations de Producteurs (OP) a été renforcé par un arrêté spécifique, donnant aux OP un rôle central
dans la négociation collective pour défendre les intérêts des agriculteurs face aux industriels.

Certains contrats concernés par cette rupture avaient été initialement signés en 2011 avec des producteurs
individuels, puis renouvelés par l’OP en 2016 et en 2021, pour arriver à échéance en 2026. Cette décision de
résiliation soulève une question fondamentale : les contrats individuels signés en 2011, renouvelés par
l’OP, doivent-ils être considérés comme un nouvel engagement collectif ? Si tel est le cas, ces contrats
devraient légalement s’étendre jusqu’en 2027, et non être rompus unilatéralement en 2024.

Nous vous demandons donc, Madame la Ministre, de nous fournir des clarifications précises sur les
mesures que votre ministère entend prendre pour s’assurer du respect de la légalité dans la gestion de ces
contrats. Pouvez-vous confirmer que la décision de Lactalis respecte la réglementation en vigueur, ou
considérez-vous qu’elle viole les engagements contractuels établis par les OP ? Une clarification sur ce point
est essentielle pour garantir la sécurité juridique des producteurs.

De plus, cette situation met en lumière un problème plus large : la faiblesse des contrats agricoles face à la
puissance des industriels. Pour éviter que des situations similaires ne se reproduisent, nous demandons
qu’une réflexion soit engagée à l’Assemblée nationale pour renforcer la protection des agriculteurs dans ce

type de relation contractuelle déséquilibrée. Nous suggérons notamment :

La création de clauses de rétractation spécifiques : par exemple, trois mois de préavis pour un
agriculteur souhaitant se retirer d’un contrat, contre un délai de trois ans pour un industriel.

Une compensation financière équivalente à celle prévue pour le foncier en cas d’expropriation
agricole, avec trois années de pertes de Marge Brute en termes d’indemnités d’éviction en cas de
rupture abusive d’un contrat de collecte.

Nous ne pouvons tolérer que nos producteurs soient traités comme une variable d’ajustement, alors qu’ils
représentent un pilier essentiel de notre souveraineté alimentaire. Il est impératif que l’État intervienne
fermement pour défendre ces agriculteurs et envoyer un signal fort aux industriels. Cette situation pourrait
créer un précédent qui affaiblirait toute la filière laitière si aucune mesure corrective n’est prise.

Nous restons à votre disposition pour approfondir ce dossier et vous prions d’agréer, Madame la Ministre,
l’expression de notre très haute considération.

Véronique Le Floc’h                                                                   Sophie Lenaerts

Présidente nationale                                                           Responsable de la Section Lait

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