Pour la huitième année consécutive, l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) a publié son rapport annuel au Parlement, destiné à informer les acteurs économiques et les pouvoirs publics de la formation des prix et des marges dans la chaîne de commercialisation des produits alimentaires.

Très attendu quelques mois seulement après l’adoption de la loi « EGAlim », ce rapport témoigne d’une situation qui reste inchangée, les éleveurs sont toujours dans une situation critique et la loi n’a pas su apporter de solutions.

L’écart entre prix payé et coûts de production sous-évalué en laitiers

Concernant la production laitière, l’OFPM a simulé le prix du lait nécessaire en prenant une rémunération de 1,5 SMIC jusqu'en 2015. Ce chiffre dépasse les 0,40 €/L de lait depuis 2013 pour atteindre 0,43 €/L en 2015. Aujourd’hui, étrangement, le prix nécessaire, avec des charges en hausse et une rémunération passée à 2 SMIC, se trouverait encore en dessous de 0,40 €/L, laissant conclure certains que le prix réel payé en moyenne aux éleveurs en 2018 (357,2 €/1000L) certes en hausse de 0,9 % (+3,1 €) par rapport à celui de 2017, serait presque satisfaisant !

La Coordination Rurale qui s’est beaucoup investie dans ces travaux a dénoncé les échantillons et leur représentativité que ce soit par l’échantillonnage INOSYS (élevages plus grands que la moyenne et performances économiques supérieures) ou la méthode RICA (45 % de l’échantillon se trouve en zone de montagne) alors que ce même Réseau d’Informations Comptables Agricoles (RICA) indique que la part des exploitations laitières se trouvant en zone de montagne ne représentent que 26 % . De plus, en zone de montagne, les exploitations ont souvent d'une meilleure valorisation via les AOC.  C’est en partie pour ces raisons que la forte chute du prix du lait ressentie par les éleveurs laitiers en 2015 et 2016 suite à la fin des quotas se retrouve atténuée dans le rapport de l’OFPM.

Ainsi, laisser sous silence ces informations c’est admettre que les prix perçus aujourd’hui en production laitière sont suffisants. En parallèle, selon le panel Kantar, le prix d’achat moyen pondéré en GMS (Grandes et moyennes surfaces) de l’ensemble des produits laitiers a progressé régulièrement et de manière continue de 2014 à 2016 avant de marquer une hausse plus forte en 2017 et 2018. L’augmentation de la valorisation se repose essentiellement sur le beurre, la crème fraîche et le fromage. Les écarts entre prix agricoles, prix industriels et prix à la consommation s’amplifient ! En lait liquide 1/2 écrémé UHT (Ultra haute température) par exemple, les chiffres de l’OFPM entre 2001 et 2018 montrent : +36 % de hausse à l’achat pour le consommateur, +68 % de marge brute pour les industriels, +100 % de marge brute pour la distribution tandis que la part revenant aux producteurs dans ce litre de lait affiche une baisse de 12 % !

Les éleveurs porcins pris au piège

En viande porcine, l'OFPM atteste de la forte baisse des prix à la production (plus bas niveau depuis 2014) alors que parallèlement les prix alimentaires sont repartis à la hausse.

Dans cette filière fortement intégrée, où le fournisseur et l'acheteur sont bien souvent le même interlocuteur (ou liés structurellement ou économiquement), les éleveurs sont considérés comme insignifiants, pourtant certains de ces acheteurs/fournisseurs sont des coopératives !

Contraints d’investir, les éleveurs sont pour la plupart obligés de produire ou de jeter l’éponge. Il faut donc non seulement améliorer les prix mais également la mentalité de la filière, qui pour justifier de futures augmentations de prix, impose aux éleveurs une montée en gamme et son corollaire : une augmentation des coûts de production !

Les éleveurs porcins ne sont plus les seuls à se faire étriller par la filière puisque les prix industriels ont eux aussi baissé (dans une moindre proportion que ceux à la production). Il est temps que les choses changent. Une majorité ne peut plus se sacrifier pour servir les seuls intérêts d’une minorité.

4e année de baisse en viande bovine

Le constat en viande bovine est similaire au secteur porcin : des charges en hausse, des prix à la production en baisse et des prix à la consommation en hausse.

La notion de prix étant régulièrement mise en avant pour expliquer la baisse des achats des ménages, les éleveurs vont devoir se serrer la ceinture pour maintenir toute une filière, alors que d’autres ne pensent qu’à leur propre marge ! Le dysfonctionnement de la PAC, pointé du doigt par la CR depuis de nombreuses années s’illustre parfaitement dans le secteur de la viande bovine qui voit la majorité des aides captées par la filière.

En effet, en se basant sur les chiffres du réseau Inosys utilisés par l’OFPM, les prix de vente, quel que soit le système étudié, ne couvrent pas la totalité des charges, avant même de parler de rémunération des éleveurs et du capital engagé.

Les données du RICA indiquent que les subventions d’exploitation représentent plus du double du Résultat courant avant impôt (RCAI) qui décroît pour la 4e année consécutive ; et les premiers débats sur la réforme de la PAC 2020 ne présagent rien de bon pour les éleveurs bovins. Il est impératif de remettre la PAC au service des producteurs et des consommateurs, et non plus au service des filières.

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