La colère gronde dans les campagnes. Mais les récentes manifestations des paysans ne sont pas perçues par l’opinion publique comme un reflet fidèle du désespoir qui grandit dans nos campagnes.

Il faut bien reconnaître que le déversement de fumier ou le brûlage de pneus ne sont pas de nature à valoriser l’image des agriculteurs.

Cependant, la lecture des réactions de lecteurs des articles sur l’action du Président de la Coordination Rurale de la Manche montre l’inculture et l’égoïsme d'un grand nombre de consommateurs. Ils ont été choqués par l’image d’une vache déjà morte, suspendue devant le domicile d’un député. Cette image très médiatique était pourtant la représentation fidèle du malaise paysan. Cette vache était le symbole de tous ces agriculteurs qui se sont suicidés pour avoir fait faillite en nourrissant pour presque rien leurs concitoyens.

Par contre, cela ne choque pas les consommateurs que pour 100 € de dépenses alimentaires, seulement 8,20 € reviennent à l’agriculteur.

Dans le document de l’observatoire des prix et des marges, on note que dans les 100 € de dépenses alimentaires où 8,20 € reviennent à l’agriculture française, 29,60 € sont affectés aux importations. Sylvie Brunel, journaliste au Monde, a noté avec beaucoup de réalisme dans une publication du 9 février 2016 « le danger pour un pays de dépendre d’importations alimentaires incertaines aux prix volatils, la façon dont la France ignore la souffrance de ses campagnes reste une douloureuse énigme ».

La France importe presque autant de volailles qu’elle en exporte : 369 contre 371,7 milliers de Tonnes d'équivalent carcasse (Tec). En 2015, elle a importé 236 milliers de Tec de gros bovins et en exporte 194,4. Cette réalité inquiétante n’interpelle pas la majorité des Français, ni les décideurs et les faiseurs de lois. Nous sommes devenus tributaires de pays tiers pour notre alimentation, mais un grand nombre de Français trouve cela pratique : les prix sont tirés à la baisse et les effluents des animaux élevés hors de nos frontières n’incommodent pas l’odorat sensible de nos concitoyens.

Sylvie Brunel rappelle : « Si nous avions encore faim, si comme hier nous payions encore cher une nourriture incertaine, nous serions en effet plus attentifs à la souffrance des campagnes ».
L’inconscient collectif a oublié les pénuries alimentaires de la dernière guerre et trouve naturel que des hommes travaillent 70 heures par semaine et à perte pour nourrir les consommateurs au plus bas prix.
Mais, comble d’égoïsme, ils sont très nombreux à oser traiter les paysans de pollueurs, oubliant ce que Sylvie Brunel mentionne avec sagesse : « Un champ de maïs, un verger, une prairie s’inscrivent dans la transition agro-écologique et captent plus de gaz à effet de serre qu’une forêt tropicale ». Ce qu’elle ne dit pas c’est que sans les campagnes et leur végétation, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’oxygène à respirer.

Confrontés à une opinion publique hostile, les paysans sont l’espèce dont la disparition est la plus rapide.

« Les paysans français subissent à la fois une réglementation plus rigoureuse que leurs voisins et des charges plus élevées, notamment pour leur main d’œuvre. »

Attention à ne pas trop tarder pour trouver des solutions efficaces, durables et équitables pour rémunérer les paysans pour la quantité et la qualité de leur travail.
Nos décideurs devraient se remémorer les émeutes de la faim en 2007 au Mexique, et en 2008 dans de très nombreux pays !

Armand PAQUEREAU - CR16

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