Plusieurs ONG présentent l’élevage européen comme principal responsable de la déforestation en Amérique du Sud à travers les importations de soja pour l’alimentation animale. Pour autant, ce ne sont pas des choix agronomiques ou de techniques d’élevage qui ont conduit les éleveurs européens à se désintéresser de leurs prairies. Ce ne sont pas les éleveurs mais bien les décideurs politiques qui ont imposé à l’Europe d’importer environ 33 millions de tonnes de soja sous toutes ses formes chaque année.
Les accords de libre-échange en première ligne !
Suite à des désaccords commerciaux entre les États-Unis et l’Union européenne, des négociations ont été entreprises au début des années 90, conduisant à la signature d’un accord dit « volet oléagineux de Blair House » en 1993. En le signant, les responsables politiques européens ont confirmé la dépendance protéique de notre agriculture acceptée par la Communauté européenne naissante dans les années 60. Pour préserver les protections existantes à l’époque sur le marché des céréales, l’Europe a accepté de limiter sa production d’oléoprotéagineux aidés à seulement 5,1 millions d’hectares. La porte était ainsi grande ouverte aux importations de soja. Ce n’est donc pas une demande des éleveurs, mais bien un choix politique pour assurer un débouché au soja américain. Cela a également permis de développer par défaut la culture de blé rendant ainsi l’Europe exportatrice de céréales. Par la suite, la PAC a renforcé le poids de ces dernières dans les assolements, et les tentatives de rééquilibrage n’ont été que minimes, contrairement aux demandes de la CR. Les importations massives de soja ont également mis à mal les productions de légumineuses fourragères qui n’étaient plus compétitives : en France en 1959, 3 millions d’hectares de luzerne étaient cultivés, contre seulement 300 000ha de nos jours.
Du soja au soja OGM
Bien qu’interdit sur notre territoire, l’Europe n’a pas interdit les importations de soja OGM. Les pays fournisseurs bénéficiant de gains de compétitivité importants par son utilisation y ont recours massivement. Même s’il existe des démarches dans certains pays outre-atlantique de développement des filières sans OGM, cette production reste minoritaire et incapable de répondre à la demande. C’est ainsi que même certains cahiers des charges comme le label rouge autorisent l’utilisation d’OGM. Il n’existe que peu d’alternatives au soja OGM actuellement, et vouloir développer les productions sous signe de qualité ou sous appellation, comme cela a été vanté lors des EGA (beef carbon, Ferme Laitière bas carbone) en prônant une alimentation locale est utopique. Utopique sauf si ces produits sont correctement rémunérés et qu’un véritable plan d’autonomie protéique est mis en place, passant inéluctablement par une taxation des sojas importés des pays tiers.
25 ans de combat pour les protéines végétales
La CR a, dès sa création, compris que l’autonomie en protéines végétales était l’une des clés de la sauvegarde de notre modèle agricole, car comment maîtriser nos productions animales si nous ne maîtrisons pas nos approvisionnements d’aliments et comment pratiquer des assolements diversifiés sans cultures protéagineuses ? Aux yeux de la CR, il est vain pour les agriculteurs de produire en excès des céréales pour les brader sur le marché mondial, alors que dans le même temps la demande intérieure en protéines n’est pas satisfaite. Il suffirait de 4 Mha de plantes protéagineuses, soja, pois et luzerne dans l’UE pour ne plus avoir d’excédents de blé à exporter en dégagement vers les pays tiers. C’est pour cela, que la CR et FGC ont élaboré un plan protéines visant à augmenter la part des oléoprotéagineux à 25% des surfaces en grandes cultures et à développer les légumineuses fourragères, pour rééquilibrer nos assolements. (consulter le dossier). Il y a un intérêt tant économique qu’agronomique, mais surtout nous reprendrions en main notre souveraineté alimentaire sur un plan quantitatif et qualitatif.