Depuis quelques semaines, un groupe de travail du Comité de rénovation des normes en agriculture (Corena), dont la mission est de travailler à leur simplification, se réunit au sujet de la gestion quantitative de l'eau. Les récentes discussions ont porté sur la création du nouveau décret pour raccourcir les délais d'instruction des futurs dossiers. Le projet doit passer devant le Conseil d’État en janvier 2021, mais avant cela, une consultation du public doit avoir lieu en fin d’année.
Les volumes prélevables
Plusieurs notions sont précisées dans le projet, telles que la « gestion quantitative équilibrée ». Pour la Coordination Rurale, il est incohérent de vouloir mettre en parallèle l’historique des prélèvements et la hiérarchisation des besoins des agriculteurs. Comment leur demander d’établir une priorité pour choisir par exemple entre deux cultures laquelle peut être irriguée ou encore s’il vaut mieux donner à boire aux bêtes ou arroser les cultures qui vont les nourrir ? Cette question est posée à l’administration qui reste vague, éludant ainsi le fond du problème.
De son côté, le ministère de la Transition écologique (MTE) insiste sur les économies à faire, sans tenir compte de celles réalisées et ce, alors que la marge de progrès a ses limites. Les épisodes de sécheresse étant de plus en plus marqués, au contraire, nous aurons à l’avenir besoin de plus en plus d’eau.
Gouvernance
Parmi les changements envisagés par le décret : le préfet coordonnateur de bassin pilotera l’évaluation des volumes prélevables, les commissions locales de l’eau géreront ces volumes. La CR s’inquiète également de la volonté de redéfinir les volumes préalables car, là encore, les raisonnements font peur ! La CR demande à ne pas confondre la capacité totale d’un bassin versant et le volume disponible une année dans ce même bassin. Et pour cause, les sécheresses se succédant, la ressource disponible est totalement aléatoire. De même les années pluvieuses, le besoin de pomper se fait moins ressentir et les réserves sont encore pourvues. Mais la malhonnêteté intellectuelle pousse certaines personnes à demander de diminuer les volumes prélevables arguant que, certaines années, les ressources ne sont pas utilisées... Dans certains cas, l’approche mathématique ne marche pas et il faut être pragmatique. Ces volumes seront discutés localement en présence des associations anti-irrigation, à nous d’être présents pour défendre notre métier et exposer la réalité du terrain.
Les recours
« Quand un projet est déposé, il y a des études, des financements, des négociations, des décisions et après tout cela un recours est déposé et tout est bloqué. » constate Alain Martinaud, agriculteur dans le Lot-et-Garonne et représentant de la CR au Corena.
Le risque de contentieux est inquiétant car, en l’état, toutes les AUP (autorisations uniques pluriannuelles de prélèvement en eau) sont attaquables. En effet, les dossiers d’étude d’impact sont structurellement fragiles ; une fragilité juridique d’ailleurs bien connue des associations anti-irrigation qui n’hésitent pas à s’en servir pour s’opposer aux dossiers.
Les études d’impact des projets
L’idée proposée dans le décret est d’améliorer et d’enrichir les études d’impact des dossiers jugés insuffisants en réponse aux griefs du juge. Autrement dit, au lieu d’employer les fonds pour construire des réserves on va financer des études supplémentaires…
Bras de fer entre les 2 ministères
« Il est affligeant de constater qu'on n’arrive pas à prendre la dimension des enjeux économiques et environnementaux. Il est en effet urgent de débloquer les obstacles administratifs. Mais les échanges entre les deux ministères offrent peu d'espoir. », regrette Alain Martinaud.
Alors que le ministère de l'Agriculture cherche à limiter les possibilités de recours, le représentant du ministère de la Transition écologique (MTE) s’appuie sur un Code de l’environnement bien ficelé.
Même si le MTE indique qu’il n’y a pas d’opposition de principe à la réalisation d’ouvrages de stockage hivernal de l’eau, il rappelle qu’une retenue, un barrage ou un prélèvement dans la nappe phréatique sont nécessairement une artificialisation du cycle de l’eau et que ce concept est encadré.
Pour le ministère de l’Agriculture c’est justement la formulation proposée visant à s’interdire d’« artificialiser toujours plus le cycle de l’eau » qui crée des difficultés.
Le MTE pourrait autoriser les réserves de substitution en vue du rétablissement de l’équilibre quantitatif mais veille à ce que la localisation de la réserve ne provoque pas de nouveaux déséquilibres.
Le ministre de l’Agriculture a récemment affirmé sa volonté à voir aboutir les projets et la CR rappelle l’impatience dans les campagnes. La CR relève que les autres pays européens n’ont pas les mêmes difficultés à financer l’irrigation… preuve qu’avec une vraie volonté politique il est possible de lever les difficultés juridiques !