Cette année, le Congrès de l’Organisation des Producteurs de Grains (OPG) s’est déroulé le jeudi 30 janvier à Clos- Fontaine dans le département de Seine-et-Marne.

 


Un sondage aux résultats sans équivoque


En préalable à cette journée, un sondage composé de 8 questions sur les grandes cultures a été  proposé aux agriculteurs sur le site de l'OPG. Au total ce sont plus de 700 réponses qui ont été enregistrées.  Vous trouverez ci-dessous l'intégralité des questions du sondage ainsi que les réponses associées (en %)  :  

1) La Directive nitrates :

  • doit être appliquée pour améliorer la qualité de l’eau       23 %
  • doit être révisée car il y a trop de controverses sur les nitrates       77 %

2 ) La vente directe de grains sans passage par un organisme stockeur :

  • doit être possible en France        96 %
  • doit rester interdite en France, comme c’est le cas actuellemen       4 %

3) Le choix politique de la spécialisation de nos cultures :

  • doit rester orienté vers une spécialisation céréales         8 %
  • doit subir un ré équilibrage en  protéagineux            92 %

4) Les Semences  :

  • certifiées doivent être aidées  par des CVO         16 %
  • de ferme doivent être totalement libres sans contraintes de CVO       84 %

5) Les Phytosanitaires :

  • génériques doivent être favorisés     76 %
  • doivent  être taxés pour en limiter l’utilisation       24 %

6) L’assurance aléas climatiques telle que configurée par le ministère de l’agriculture :

  • répond à votre attente          23 %
  • ne répond pas à votre attente       77 %

7) La Politique Agricole Commune devrait :

  • favoriser les prix de vente de nos productions et réduire nos charges    94 %
  • fournir plus d’aides         6 %

8) Le renforcement du droit de préemption des SAFER :

  • est une bonne décision       15 %
  • n’est pas une bonne décision      85 %

Ces réponses montrent que les thèses soutenues par la Coordination Rurale correspondent à la perception  qu’en font les agriculteurs sur le terrain.

La nouvelle PAC et les perspectives des marchés céréaliers

En préambule du Congrès, Lucien Bourgeois, économiste spécialiste des affaires agricoles européennes a posé différentes questions autour de quelques thèmes de réflexion.
Il n'a volontairement pas voulu apporter des réponses à ces questions mais plutôt laisser entendre aux agriculteurs présents qu'elles auront toutes des conséquences importantes pour les agriculteurs de demain :
- Comment trouver des points de repères dans les changements en cours autour des marchés céréaliers ?
- Le système des aides directes découplées  sera-t-il durable ? - Ne se transforme-t-il pas en rente foncière ?
- Le développement des utilisations de céréales dans la production d’énergie va-t-il se poursuivre ?
- Les achats de terre vont-ils perdurer ?
- La volatilité des prix peut-elle se réduire ?
- La production de céréales peut-elle encore croître ?
- Quel avenir peut-on envisager pour les producteurs ?
- Comment trouver des points de repères dans les changements en cours autour des marchés céréaliers ?


Se méfier des idées à la mode


En partant du principe que ce n’est pas parce que tout le monde répète la même chose que c’est vrai, l’économiste revient sur un certain nombre de contre-vérités largement véhiculées dans les médias.

- Le dogme de l’Allemagne, super star de l’économie n’est-il pas usurpé ?
Alors que la balance commerciale de l’agro-alimentaire français est excédentaire de 12 milliards d’euros, la même balance allemande est, elle, déficitaire de 12 milliards d’euros.
Le renouvellement des générations est moins assuré chez nos amis germaniques qui sont confrontés à un vieillissement accéléré de leur population. Le taux de natalité de l’autre côté du Rhin est de 1,36 enfant par femme (deux enfants par femme en moyenne en France).

Les allemands ont des systèmes d’éducation et de santé moins protecteurs que les nôtres. La considération de l’Allemagne rappelle celle du Japon, il y a 30 ans. Ce pays, considéré aujourd’hui par les économistes comme sinistré, détient un endettement record de 220 % de son PIB.

Penser que les pays méditerranéens ne sont pas efficaces pour leur agriculture est aussi inexact. Si la France est le premier producteur européen, c’est l’Italie qui détient le record du meilleur revenu agricole.
 
La Chine importe du soja (comme l’Europe) et des céréales, mais dire qu’elle sera incapable de se nourrir est mal connaître la mentalité asiatique et ses ressources humaines.

Prétendre que le revenu moyen des céréaliers, est trop élevé par rapport aux autres secteurs agricoles relève d’une grande méconnaissance de l’agriculture de notre pays. S’il existe une minorité d’agriculteurs, favorisés par une climatologie et des sols exceptionnellement fertiles, il n’est pas pertinent de faire un amalgame avec la majorité des producteurs de grandes cultures dont les potentiels parviennent à des résultats économiques dans la moyenne des autres secteurs. La sectorisation « culture » - « élevage » n’est pas toujours franche, de nombreuses exploitations en « polyculture – élevage » tentent de s’adapter au mieux en diversifiant leurs activités.

Les économies d’échelle justifiant les agrandissements d’exploitations sont aussi très contestables. Le modèle « plus gros - plus rentable » n’est pas avéré. Des agriculteurs, travaillant avec une grande précision et un grand professionnalisme, sur des fermes de faibles surfaces le prouvent tous les ans auprès de leur centre de gestion. La remarque tient aussi pour les coopératives dont la boulimie n’a jamais été une preuve de stabilité financière.

Lucien Bourgeois insiste sur le seul remède que nous devons entretenir : notre sens critique.

Voir, Juger et Agir est le bon ordre qui doit guider nos interventions.


La crise économique n’est pas terminée


Au niveau des fondamentaux, il reste des déséquilibres trop importants dans les échanges extérieurs aux Etats-Unis, en Chine … et en Allemagne. Les Etats ont été obligés d’augmenter la dette publique pour éviter l’effondrement du système financier. Le service de la dette oblige à réduire les infrastructures collectives. L’assainissement du système financier n’est pas terminé et on ne dispose plus des marges de manœuvre antérieures pour intervenir.
On assiste à une montée du nationalisme économique peu propice à la coopération nécessaire pour faire des réformes efficaces.
Depuis 2010, les marchés céréaliers sont mieux orientés et les prix des produits agricoles se sont redressés.  En 2013, Les achats de moissonneuses batteuses ont augmenté de 28 %,  les Etats de l’UE ont trouvé un accord sur le financement de la PAC 2014-2020, le Gouvernement Français a obtenu les marges de manœuvre qu’il demandait à Bruxelles et a défini les grandes lignes de l’application qui en sera faite en France. La « Loi d’avenir » complétera le dispositif.

 

Les marchés des céréales mieux orientés mais plus volatils


Depuis 2008, c’est un grand chambardement sur les marchés céréaliers, tous produits confondus. On note une baisse récente, en particulier du maïs.

 

 

Des marchés céréaliers plus favorables


La Réforme de la PAC de 1992 et les accords de Marrakech de 1994 ont été suivis par une longue période de prix déprimés. La brusque augmentation des prix en 2007 et 2008 a été à l’origine d’une flambée des prix des produits alimentaires, source d’instabilité politique dans de nombreux pays. La toute aussi brusque baisse des prix de la campagne 2009-2010 a montré les inconvénients de la dérégulation des marchés en pesant sur le revenu agricole.
Depuis cette époque, le prix s’est considérablement redressé mais 2013 a amorcé une baisse, en particulier pour le maïs.

Les explications possibles :


1) La production de céréales augmente plus vite que la population

 

2) La Chine est le premier producteur de céréales


3) Les échanges de céréales stagnent depuis 25 ans.


4) Le prix du pétrole (Brent) et du maïs à Chicago se corrèlent


Le retournement du marché céréalier en 2008 a eu pour effet d’augmenter fortement la production mondiale qui a pu ainsi pratiquement doubler par rapport à 1980. En revanche le marché mondial n’a augmenté que de 28 % en 30 ans pour atteindre 256 Millions de tonnes en 2013.
La flambée du prix du pétrole a fortement accru la demande pour les utilisations industrielles des céréales : 305 Millions de tonnes en 2013 sur un total produit de 1 800 soit un sixième de la production mondiale. La suppression des outils de gestion de marché a accru la volatilité des prix et le rapprochement avec le prix du pétrole.

 

La PAC réformée en 92 n’a pas tenu ses promesses


La crise de 2008 a montré les limites d’une stratégie d’alignement des prix sur ceux des marchés mondiaux. L’UE n’a pas réduit sa dépendance externe et « importe » encore l’équivalent de la production de 34 millions d’ha. Le nombre des exploitations et des actifs agricoles ne cesse de baisser.
La suppression des mécanismes de soutien de marché dans l’UE a contribué à augmenter l’instabilité sur tous les marchés.
Les aides directes découplées s’avèrent inadaptées à la volatilité des prix et leur maintien les transforme en rentes foncières.
La PAC devient de plus en plus un ensemble de politiques nationales.


1) La montée en puissance du Brésil et de la Chine



2) Les excédents américains et les déficits européens se sont réduits en 40 ans



3) Les dépenses européennes pour la PAC ont été maîtrisées depuis 20 ans



4) Les dépenses pour les aides à la consommation explosent aux USA



La PAC a mieux traversé les crises que les autres politiques dans le monde. La crise de 2008 a permis de ne pas baisser la garde sur la sécurité alimentaire de l’Europe et de donner tort à ceux qui pensaient que le Brésil pouvait nourrir le monde.
Malgré la crise économique, le financement de la PAC a été préservé.
Pendant cette période, les dépenses pour le secteur agricole ont explosé dans les deux autres grandes puissances. En Chine, elles dépassent les dépenses de l’UE sans résoudre la disparité entre les ruraux et les citadins. Aux Etats-Unis, ce sont environ 50 millions de personnes qui reçoivent chaque mois des chèques « alimentaires.

 

La PAC confortée pour la période 2014 – 2020


Les dépenses budgétaires ont été stabilisées autour de 1 % du PIB mais le budget agricole baisse de 12 %. La convergence entre secteurs de production et entre Etats est en partie reportée. Les mécanismes de réduction de l’offre seront peu à peu supprimés et en particulier les quotas laitiers en 2015.
Les aides comportent un volet environnemental léger mais aucun mécanisme favorable à l’emploi. Les mécanismes publics  de gestion de crises sont très légers et les mécanismes interprofessionnels restent sous haute surveillance.



1) 47 % des exploitations et 10 % de la production de l’UE dans 3 pays de l’Est.


2) Des aides plus faibles dans les pays de l’élargissement




Les solutions de la PAC sont en contradiction avec la gestion de la crise économique. Le choix fait depuis 1992 de donner des aides directes pour faire baisser les prix agricoles est-il compatible avec la gestion de la crise économique depuis 2008 ?
Est-il pertinent de demander au contribuable de subventionner le consommateur alors que l’endettement des Etats explose ?  
Est-il pertinent de continuer à encourager la concentration des exploitations quand le chômage atteint de tels niveaux ?
La PAC reste-t-elle une affaire commune quand chaque pays en fait une lecture propre ?


3) Sans les vins et les boissons, le solde agro-alimentaire serait juste équilibré.


4) Le solde français de la balance agro-alimentaire est inférieur de moitié à celui des Pays-Bas.


5) La PAC : 9 milliards d’aides pour un revenu entre 8 et 16 milliards :


6) Plus les actifs sont nombreux sur le territoire, moins il y a d’aides :

 

La mise en œuvre de la PAC en France


Le Gouvernement Français a obtenu des marges de manœuvre importantes à Bruxelles. Il ne les a pas utilisées entièrement (convergence). Il a décidé de privilégier l’élevage, la montagne et les jeunes. Cela a provoqué un changement de l’ordre d’un Milliard €, comme la réforme Barnier.
La réorientation partielle des aides découplées sera-t-elle suffisante pour sauver les filières du porc et de la volaille ? Pourquoi un tel déficit des échanges de fruits et légumes ?
Ces aides deviennent des rentes foncières et ne facilitent pas la valeur ajoutée et l’emploi.

Les perspectives

La crise de 2008 a montré que la sécurité alimentaire restera encore longtemps une préoccupation régalienne des nations. Rien ne permet de penser que les prix pourront rester durablement élevés.
La meilleure solution pour augmenter la valeur ajoutée serait de transformer les produits agricoles. Il faudrait mettre en place des politiques de coopération entre États pour gagner la bataille de l’alimentation de la planète, mais les difficultés des États européens pour mutualiser les stratégies nationales montrent les risques d’éclatement.
Les crises sont inévitables sur les marchés agricoles. Toute personne veut pouvoir manger trois fois par jour, c’est une nécessité vitale. De plus, pour rester en bonne santé, chacun souhaite des produits frais, sains et diversifiés.
Pour les céréales, la récolte n’a lieu qu’une fois par an. Pour de nombreux produits, le cycle de production peut s’étaler sur plusieurs années et comporter des risques sanitaires.  
Cette contradiction dans le temps entre production et consommation est inéluctablement source de crises.
Les états ont intérêt à se donner les moyens de régler ces crises fréquentes.
Entre une offre rigide et une demande également rigide, le prix est un indicateur imparfait. Les variations de prix sont plus que proportionnelles aux variations de quantités.
L’État ne peut rester indifférent à la volatilité des prix. Quand le prix monte rapidement, c’est un problème pour les consommateurs les plus pauvres ; quand le prix s’effondre, les exploitations agricoles qui ont investi et donc le potentiel de production des années suivantes est mis en péril.

En Conclusion

Dans un monde de 9 Milliards de personnes, l’alimentation reste un enjeu essentiel et l’humanité ne pourra se passer d’aucune zone de production.
Dans des échanges de plus en plus mondialisés, la vraie « protection » reste l’innovation au service de l’originalité du produit, protégée par une marque commerciale ou un signe de qualité.
Cela nécessite de tenir compte des enjeux sociétaux et en particulier de la santé des agriculteurs et des consommateurs. Cela nécessite aussi des critères « objectifs » dans lesquels la technique de  production est un élément essentiel.

 


Discours de Nicolas Jaquet, Président de l’OPG



« Je remercie très sincèrement Lucien Bourgeois pour son intervention et le débat qu’il a suscité. Vous avez pu apprécier sa liberté de pensée et la qualité de sa réflexion ainsi que son travail d’économiste. L’économie est bien une science, un peu comme l’agronomie, trop souvent transformée en courant de pensée ou approche philosophique.

Tout d’abord, je vais revenir aux résultats du récent sondage que nous avons réalisé auprès des céréaliers. Après 3 années de prix corrects et rémunérateurs pour nos productions, les conditions ont, comme nous l’avions hélas prévu, changé avec une rentabilité de notre activité qui redevient menacée. Le spectre de 2009 n’est pas une hypothèse irréaliste.

Nous avons voulu être à l’écoute des producteurs pour savoir si les revendications avaient évolué. Quelles étaient les priorités attendues des céréaliers ?
Qu’ils soient adhérents ou non de l’OPG. Cela nous permet de vérifier si notre structure OPG est bien en phase avec les attentes des agriculteurs car un syndicat n’est pas fait pour expliquer aux adhérents ce qu’ils doivent faire et penser mais pour les écouter et faire ce que la base demande.

C’est notre premier sondage, quelques critiques nous ont été faites sur l’orientation des questions mais notre qualité de professionnels nous a permis de poser des questions pertinentes, sans évacuer les tabous habituels.  

La fin du privilège des organismes stockeurs a été jugée opportune par 96 % des agriculteurs. Un sondage identique, il y a quelques années, avait obtenu un résultat identique à 1 ou 2 % près. Il faut noter que l’OPG est le seul syndicat qui porte cette revendication alors que FNSEA, JA, AGPB et AGPM y sont farouchement opposés.
Non seulement ces syndicats  ne défendent pas cette demande des producteurs mais, ils font un lobbying énorme, lors de la loi d’avenir agricole,  auprès des députés pour barrer la route à des amendements que nous faisons présenter en faveur de la libre commercialisation.
La vente en direct de céréales à un éleveur de porc représenterait 15 000 € d’économies d’achats d’aliments par an . Rien à comparer avec un ridicule transfert des aides aux éleveurs.
Il y a bien là le moyen de renouer et de moderniser les relations entre les céréaliers et les éleveurs comme le souhaite notre ministre dans sa lettre de mission sur le plan stratégique.

A la question sur les attentes vis-à-vis de la PAC, 95 % des agriculteurs préfèrent de meilleurs prix de vente et des réductions de charges à une augmentation des aides directes. Nous ne voulons surtout pas vendre notre blé moins cher.

Concernant la question sur la poursuite de la spécialisation vers plus de céréales ou le rééquilibrage des grandes cultures en faveur des oléoprotéagineux, là aussi le résultat est sans appel.

Les producteurs ont compris que nous devions produire prioritairement pour les besoins du marché européen et que celui-ci pouvait être plus rémunérateur que le marché mondial.

Au sujet du foncier et du droit de préemption des SAFER, les céréaliers ne sont pas du tout d’accord avec ce que nous prépare Monsieur Le Foll avec sa Loi d’avenir.

La course à l’agrandissement des structures se fait car la rentabilité par les prix n’est pas bonne. Il y a obligation de s’agrandir pour survivre.
On le sent bien dans les commentaires laissés par les participants au sondage, les agriculteurs dénoncent la mafia des CDOA et des SAFER.

Stratégie semencière. Malgré le matraquage en faveur des semences certifiées et l’adulation des semenciers avec la complicité rémunérée d’Arvalis, des coopératives et même des structures syndicales, les agriculteurs restent lucides et très attachés à la liberté d’utiliser des semences fermières qui sont souvent seules garantes d’une rentabilité de l’activité dans les zones intermédiaires.

A ce sujet, nous sommes très présents dans l’actuel projet de loi sur la contrefaçon afin que soient retirées les semences par dérogation.
En effet, cette proposition de loi a pour objet de renforcer l’arsenal juridique existant de lutte contre la contrefaçon en renforçant les droits des obtenteurs de variétés végétales.
Le pouvoir des douanes est accru et il est même prévu la possibilité de détruire une récolte issue de semences fermières… sur simple suspicion !

La CR prend acte de l’engagement de Stéphane Le Foll qui s'est engagé à ce que cette loi sur les contrefaçons ne s'applique pas aux semences de ferme.

Enfin, 3 questions du sondage obtiennent un score moins franc de 77 % contre 23 %. Il s’agit de la lutte contre la directive nitrates, et la défense et de l’utilisation des produits phyto pharmaceutiques et également de l’assurance récolte.
Sur les 2 questions relevant de l’environnement, il est surprenant qu’il y ait encore 23 % d’agriculteurs intoxiqués par tout ce que l’on entend dans les médias sur la nocivité des nitrates. Il nous reste du travail à faire…

Sur les pesticides, il y a une grande majorité d’agriculteurs qui demande une meilleure liberté d’utilisation et au meilleur prix. L’association AUDACE, à laquelle l’OPG adhère, s’emploie à ces objectifs.  
Quant à l’assurance récolte, les grandes cultures sont le secteur où elle est le plus développée et près des ¾ d’entre nous en sont mécontents.

La FNSEA qui est à l’origine de l’assurance risques climatiques, plaide maintenant pour la création d’une assurance revenu et pourquoi pas obligatoire comme l’assurance automobile. Ne persistons pas dans les erreurs, priorité à la prévention et à l’épargne par une politique de revenus permise par des prix.

A la fin du sondage, nous avons laissé la possibilité aux agriculteurs de s’exprimer librement. Les témoignages reçus sont particulièrement intéressants et démontrent bien les attentes des agriculteurs : moins de contraintes et de paperasserie, plus de lisibilité dans l’avenir pour pourvoir investir et avoir une gestion sereine.

Dans les sujets d’actualité, je voudrais revenir sur la campagne de pub orchestrée par Coop de France avec comme slogan « Produisons l’avenir ». Quels sont les objectifs d’une coop : grouper les ventes et les achats, mais surtout ne pas produire. Dans le spot on nous montre des gens qui sont entrain de sculpter un tracteur avec de la terre. Les coops ont-t-elles des tracteurs et de la terre ? Non, ….du moins pas encore…

C’est un véritable hold-up sur notre métier, elles tentent de récupérer notre bonne image au service de l’industrie agroalimentaire qu’elles détiennent.
Depuis plusieurs années, c’est dangereux, les coopératives tentent de se substituer aux organisations agricoles représentatives, au mépris de leurs adhérents. Le prélèvement partial des cotisations syndicales sur nos livraisons de grains en est une démonstration. Nous voyons certains présidents de coop se permettre de communiquer au nom des agriculteurs, ils ne sont pas dans leur rôle. Enfin, cette campagne d’un budget de 4,5 millions d’€ a été financée par les agriculteurs, déduction faite sur nos prix de vente.

A la nouvelle récolte, il y aura un nouveau critère dans la définition du blé standard : le taux de protéine fixé à 11,5 %. Il parait que c’est à la demande de toute la filière Intercéréales y compris la production ?
Si nous sommes bien conscients que le taux de protéines est un critère important dans la qualité d’un blé, nous n’aurions jamais accepté cette nouvelle règle sans contre-partie car c’est une nouvelle machine à réfactions qui se met en route.

Venons-en au thème de la journée : le décryptage de cette réforme de la PAC et une prospective au-delà de 2020.

Cette réforme n’en n’est pas une car il n’y a aucune ambition, aucun projet de relance de l’agriculture. Elle sera sans effet sur la volatilité des cours, elle n’a aucun moyen sur la gestion des marchés, elle ne garantira pas l’indépendance alimentaire de l’UE ; c’est purement et simplement une réduction budgétaire.

L’objectif est d’arriver comme on peut à justifier ce budget européen à l’agriculture qui reste conséquent dans la période de crise actuelle et à le justifier face à des gens qui ne connaissent rien à l’agriculture.
Comme il y a réduction budgétaire, il a fallu faire des choix alors on a mis les bons élèves d’un côté : les petits agriculteurs, les bio et les éleveurs et de l’autre côté les méchants agriculteurs, les gros, les céréaliers, les producteurs de maïs.
Il est vrai que nous sortons de 3 ans de prix corrects qui nous ont permis de vivre dignement de notre travail, chose qui n’était pas arrivée depuis plus de 20 ans.

Nous l’avons dit, aucun bilan de la PAC réformée depuis 1992 n’a été fait. Ce n’est pas normal de ne pas évaluer le travail de nos commissaires européens alors qu’un jeune agriculteur qui s’installe doit rendre des comptes pour continuer à profiter des aides à l’installation.
Pourquoi? Probablement parce ce serait un cinglant constat d’échec : disparition de la moitié des agriculteurs en 20 ans, déstructuration de l’élevage, augmentation des surfaces en céréales (excédentaires en 1992) et forte réduction de la production de protéines végétales : luzerne, soja…

A ce titre, le verdissement c’est la double peine. Alors que nous ne sommes pas responsables de la politique qui a déstructuré nos assolements nous poussant à la spécialisation au nom des avantages comparatifs, on veut nous obliger à faire 3 cultures. Le pire c’est que ce n’est pas une obligation de rotation (trop dure à contrôler) mais une obligation d’assolement.
En 1992, on nous racontait déjà que la PAC devait être réformée car nous polluions; aujourd’hui on nous raconte la même chose comme si l’on croyait toujours au Père Noël ! En 2020, on prendra encore le même prétexte pour rogner les aides et multiplier les contrôles…

Cette politique agricole n’est plus commune parce que dans son application les états-membres ont des marges de manœuvre importantes qu’ils ont d’ailleurs utilisées dans des directions opposées. On ne parle plus de préférence communautaire et les objectifs des traités de Rome ou de Lisbonne sont passés aux oubliettes.

Cette réforme n’aura qu’une durée limitée de 5 ans et encore s’il y a un changement de gouvernement en France en 2017, il est possible que les déclinaisons nationales soient revues comme la modulation des aides qui avait été supprimée en 2002.
Alors quelle perspective pour les jeunes qui s’installent avec aussi peu de visibilité ?

L’aide aux 52 premiers ha est d’une grande naïveté. Mieux vaut avoir quelques ha à Clos-Vougeot que 150 ha à Clos-Fontaine. La baisse des aides dans les grandes cultures, associée à une probable baisse des prix, entraînera une restructuration des exploitations et accélérera donc l’agrandissement.
 
C’est un comble : on ne nous aime pas, alors on nous maltraite. Résultat nous grossissons encore plus ! on ferait mieux d’avoir un peu plus de considération pour les grandes cultures et les hommes qui les font pousser.

La courbe des revenus agricoles montre que les années où le prix des céréales est élevé sont celles où le revenu moyen agricole est le meilleur. Même si c’est l’arbre qui cache la forêt des autres productions, on en déduit que des prix des céréales élevés et stables dans le temps constituent une locomotive pour les autres productions agricoles.
Donc, quelle politique de prix doit-on avoir pour les céréales ? Des prix qui suivent le cours mondial pour exporter chaque année ou des prix cohérents à l’architecture de l’ensemble de nos productions agricoles ?

Du côté des protéagineux l’aide couplée procurera au grand maximum 200 € /ha. Au départ le soja devait être exclu de cette aide, ce qui était un comble, mais grâce à notre action, il est devenu éligible. Soyons réaliste, ce n’est pas cette enveloppe qui développera comme il se devrait la production de protéines végétales.
Par ailleurs, y-a-t-il encore une légitimité à respecter aujourd'hui l’accord sur le volet oléagineux de Blair-House qui date de 1993 avec une Europe à 12 alors que nous en sommes maintenant à l’UE28 ?

Prenons un peu de hauteur par rapport à cette mauvaise réforme. Depuis 2007, nous avons eu 4 bonnes années et 3 mauvaises années. On pourrait en conclure que finalement la dérégulation des marchés nous va bien et que globalement sur 7 ans nous avons probablement eu un revenu moyen supérieur à ce que nous espérions. Et l’on pourrait se dire que comme les besoins alimentaires mondiaux progressent nous risquons de souvent gagner à ce jeu. Mais, sommes-nous des paysans ou des joueurs de poker ?

Rien ne nous garantit que nous n’aurons pas du blé à moins de 150 €/t pendant 3 campagnes de suite. Comment investir et travailler sereinement dans ces conditions ? Cela ne correspond pas à une gestion de bon père de famille que d’attendre de rafler la mise une fois de temps en temps. Il en va de notre alimentation, c’est trop sérieux pour être un jeu. Nous avons un beau métier qui mérite mieux que d’hasardeuses spéculations.

Cette réforme est particulièrement mauvaise, pas sérieuse et même empreinte de mépris à notre égard.

Pour dénoncer cette politique agricole absurde, je vous invite à porter un nez rouge : quand vous allez rendre votre dossier PAC à la DDTM, quand vous subissez un contrôle. Il est temps de se faire entendre, on se moque de nous. Nous ne voulons pas disparaître, passons à la vitesse supérieure, ne  nous laissons plus faire ! »

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