Alexandre Armel, vous avez représenté la Coordination Rurale, mardi 23 septembre à la table ronde de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les moyens de juguler les entraves et les obstructions opposées à l’exercice de certaines activités légales. De quoi s’agissait-il ?

Les syndicats agricoles devaient exposer les différentes entraves aux activités agricoles, les modalités d’opération, les profils des personnes (associations, militants, etc.) ainsi que les moyens mis en place actuellement pour les stopper. Les rapporteurs souhaitaient également entendre nos propositions sur le sujet. Si l’absence de la Confédération paysanne n’est pas surprenante, les autres syndicats présents (FNSEA, JA et Modef) ont centré leurs discours sur l’entrave à l’activité des éleveurs, opérée par les militants végans.

Étant concerné, j’en ai évidemment parlé. Mais la Coordination Rurale souhaitait élargir le sujet pour évoquer également des agressions à l’encontre des agriculteurs en productions végétales, des agressions verbales, physiques, et même la responsabilité des médias, de l’État qui suit une idéologie et supprime toujours plus de molécules, et même de certaines organisations professionnelles agricoles qui détruisent des exploitations pourtant validées par les textes français ou consentent des critiques pour générer des financements pour leur structures.

Effectivement le sujet peut être large, l’artificialisation et l’ensauvagement des terres pourraient entrer dans cette définition. En ce qui concerne les agressions est-il possible d’avoir des éléments chiffrés ?

Même si la CR reçoit plus de signalements, il est pour l’instant difficile de mesurer l’augmentation de ces actes délictueux. Les plaintes ne sont pas toujours déposées.

Afin d’identifier les occasions de pression anormale sur les agriculteurs et plus largement donner la parole aux personnes en difficulté psychologique (burn-out, prévention des suicides) la Coordination Rurale travaille à développer un dispositif : « Allo Agri ». Nous espérons que les pouvoirs publics reconnaîtront l’intérêt général et statistique d’un tel outil.

Les réseaux sociaux ont-ils joué un rôle ?

Le développement des réseaux sociaux accentue le phénomène, par la diffusion d’images chocs qui vont être relayées ou commentées et qui touchent les personnes connectées.

La diffusion des cartes qui géolocalisent les exploitations accusées d’être coupables de telles ou telles exactions – alors même qu’elles exercent leur activité dans le respect des règles - est banalisée alors qu’elle vise à enrôler plus de citoyens dans cette idéologie contre une partie des agriculteurs.

Mais les intrusions, les agressions constituent des infractions existantes, quelle est la réponse pénale ?

La législation sur les entraves est largement insuffisante. Les sanctions existantes n’ont que peu d’effet dissuasif. Dans le cas d’entraves mineures où l’intégrité physique de personnes comme d’animaux ne sont clairement pas présentes, la sanction débouche souvent sur un simple rappel à la loi. Dans le cas d’entraves plus graves, ni l’amende ni la peine encourue ne dissuade qui que ce soit. L’amende reste faible face aux capacités financières des associations de toutes sortes. Dans les cas les plus graves, les peines de prison prononcées le sont dans la majorité des cas avec sursis.

Que faudrait-il faire juridiquement ?

Il faudrait faciliter la reconnaissance et la sanction de la violation de domicile en cas d'intrusion dans des locaux professionnels – y compris les champs, en travaillant sur un texte renforçant les sanctions prévues contre les auteurs d’intrusions dans les exploitations, pour combler les lacunes juridiques sur les intrusions sans effraction et sur l’usage de drones.

Par ailleurs, la justice écarte trop souvent la condamnation au nom du « devoir d’information » qui légitime – et par voie de conséquence - favorise la transgression. Pire, les condamnations, puisqu’elles sont minimes, peuvent être perçues comme des récompenses de l’action militante aux yeux de leur auteur.

Sous couvert de liberté d’expression, le « lavage psychologique » , la sensibilisation au bien-être animal ou aux pesticides devient le courant « évident ». Ces discours majoritairement diffusés dans les médias sont idéologiques et simplistes et non basés sur des réalités scientifiques ou économiques. Il est urgent d’ouvrir un débat entre scientifiques reconnus pour clarifier les positions et les discours qui peuvent être tenus ou non.

En ce qui concerne la diffusion de mauvaises informations, ne peut-on pas poursuivre les médias responsables ?

Actuellement il est très difficile de combattre les images ou propos diffusés par voie de presse car les conditions pour pouvoir agir en diffamation sont rarement réunies, particulièrement parce qu’une profession est visée dans son ensemble.

D’autres pistes pénales se heurtent à d’autres difficultés :

- l’« incitation à la haine ou à la violence » n’est pas adaptée car cela n’est pas fondé sur des raisons de prétendue race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité ; - les « outrages » ne sont pas invocables car cela ne concerne pas des fonctionnaires ; - la « calomnie » n’est pas non plus invocable car cela ne vise pas la dénonciation de faits de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires . Les droits de réponses sont à la discrétion du rédacteur, lequel se retranche souvent derrière "l'atteinte à son propre honneur ou à sa considération" si on invoque un manquement à la déontologie ou si on remet en cause ses qualités professionnelles de journaliste, pour refuser l'insertion.

La difficulté tient en outre à la notion d’intrusion, laquelle n’est pas systématiquement retenue par la jurisprudence. Alors même que l’intrusion dans des élevages peut faire courir un risque sanitaire aux animaux, dès lors qu’une personne pénètre un lieu sans croiser personne, cette personne n'entre pas toujours dans le cadre du délit. Enfin, comme déjà évoqué, la jurisprudence admet parfois de telles images, estimant qu'elles répondent aux besoins d'information du public. C’est pourquoi la CR soutenait la proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l’exercice des libertés ainsi que la tenue des événements et l’exercice d’activités autorisées par la loi, qui contournait cette difficulté en considérant une intrusion comme une entrave à la liberté de travailler.

Quelle est l’action de la CR ?

Elle se place en premier lieu et depuis toujours sur le plan de la défense des agriculteurs et de leurs activités, via la communication et l’information. La CR s’attache à rétablir la vérité sur l’activité agricole en utilisant tous les moyens légaux à notre disposition.

la CR entend soutenir – notamment en se constituant partie civile si la victime exprime son accord – dans le cas où ces entraves portent atteinte à l’intérêt collectif des exploitants agricoles.

Enfin la Coordination Rurale travaille à développer un dispositif national : « Allo Agri » qui, nous l’espérons, sera non seulement un outil statistique mais également un moyen efficace d’aider des agriculteurs en difficulté.

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