La loi 92-3 du 3 juillet 1992 reconnaît « l’eau comme patrimoine commun de la nation ». Mais cette décision n’apaise pas les tensions entre les utilisateurs. En témoignent les affrontements du 29 octobre 2022 à Sainte-Soline (79120). Entre 4 000 et 7 000 manifestants (selon les sources) se sont violemment opposés aux forces de l’ordre en occasionnant une cinquantaine de blessés parmi les manifestants et 61 blessés, dont 22 sérieusement, chez les forces de l’ordre. Seulement 6 interpellations ont été effectuées. La violence des affrontements avait-elle pour but ultime une issue dramatique comme à Sivens  pour enterrer tout projet similaire ?

Les revendications des manifestants

« Bassines non Merci » qui a rameuté ces manifestants qui s’opposent à la création de réserves de substitution d’eau destinées à l’irrigation, communique ses objections :

Conséquences projets bassines

La disponibilité de l’eau, strictement contrôlée et encadrée

La contestation majoritaire, que l’on retrouve dans plusieurs items ci-dessus, réside dans l’utilisation de l’eau. Le contrôle piézométrique des nappes détermine le niveau supérieur de la nappe par rapport au niveau de la mer.

Le graphique ci-dessous démontre que, sur près de trente ans, les niveaux maxi et mini de cet aquifère de référence n’ont pas été affectés par les prélèvements antérieurs, et que la ressource se reconstitue, avec quelques variations dans le temps dues à la variabilité de la pluviométrie. Il est ainsi clairement démontré que l’irrigation n’a pas épuisé la ressource.

On peut observer sur le site du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) que les courbes de la très grande majorité des sites ont la même horizontalité. Les données dont sont tirées ces graphiques sont les relevés quotidiens des piézomètres installés pour le suivi du niveau des nappes.

Niveau des nappes d'eau souterraines

On remarque que le niveau ne dépasse jamais un maximum pour lequel l’eau de la nappe s’écoule vers la mer via les sources et les rivières de surface ou souterraines. C’est pour profiter de cet excès d’eau que les pompages sont autorisés dans des temps déterminés et sous contrôle strict et permanent du niveau de la nappe. Toute infraction aux arrêtés préfectoraux qui encadrent ces pompages est sévèrement sanctionnée.

Remplir des bassines ou des réserves d’eau dans ces conditions ne peut qu’être profitable.

On peut constater sur le zoom suivant que, du 16 février au 15 avril, et du 1er octobre au 6 décembre, le niveau de la nappe continue de descendre, hors période d’irrigation. L’amplitude des variations de niveau est importante, mais la ressource se reconstitue d’année en année comme démontré précédemment.

Il est donc totalement faux de prétendre que les prélèvements dans les nappes, que ce soit pour l’irrigation ou pour les besoins d’eau potable, mettent en péril la ressource. On peut aussi constater que la baisse de niveau hors période d’irrigation provient du phénomène naturel de capillarité qui permet aux végétaux en surface (cultures, forêts) de croître et d’évapotranspirer, participant ainsi au cycle de l’eau qui génère les pluies.

L’eau n’est pas consommée comme une énergie fossile, elle est utilisée et recyclée dans un mouvement perpétuel.

Du partage inéquitable de l’eau

Combien de sympathisants de « Bassines non Merci » possèdent des piscines, quand d’autres économisent l’eau du robinet par précarité financière ? Ne s’accaparent-ils pas une part importante de la ressource pour une utilisation non essentielle ? Certes, les promoteurs de bassines profiteront d’une ressource qui n’est pas à proximité de tous, mais la multiplicité de projets devrait permettre la généralisation de l’accession. Dans un contexte de sécheresses récurrentes, l’irrigation sera la condition de rentabilité et de survie d’un très grand nombre d’exploitations. Elle permet à des sols à faible capacité de rétention d’eau d’atteindre une productivité suffisante là où une culture sèche dépérirait.

Du prétendu déni de démocratie

La création des bassines est assujettie à des consultations publiques où les associations écologistes sont largement représentées. Les procédures sont interminables, les décisions de justice font l’objet de nombreux recours et appels et les arrêtés préfectoraux sont eux aussi contestés près de la justice administrative. Et quand la décision finale permet la construction, les manifestants se réunissent en masse pour affronter violemment les forces de l’ordre et saccager des bassines, mais aussi des biens privés sans relation directe avec les bassines.

Du financement public

Pour des investissements de grande envergure, les financements publics sont très souvent mobilisés. La justification d’un financement public est l’intérêt général qu’il permet d’envisager. L’utilisation de l’eau excédentaire hivernale pour irriguer les cultures en période de sécheresse garantit une production régulière en quantité et en qualité dont le consommateur profite directement par l’abondance de produits au top de leurs capacités nutritives. Cette régulation de production évite les pénuries génératrices de hausse des prix et de baisse de qualité. Si on se réfère aux comptabilités des associations, nombreuses sont celles qui perçoivent des subventions d’organismes publics, et heureusement la majorité d’entre elles ne vont pas saccager des bassines.

De l’agriculture intensive

Le leitmotiv des anti-irrigation est la culture intensive. Il faut bien comprendre que la mondialisation a mis l’agriculture en concurrence avec les producteurs mondiaux. Pour s’aligner, les agriculteurs français ont dû conjuguer l’utilisation du machinisme, des énergies fossiles et de leurs sous-produits pour abaisser leurs prix de revient dans l’intérêt du consommateur qui place le prix en tête de ses critères de choix. Cette adaptation a nécessité de lourds investissements qui, pour être amortis, a entraîné l’agrandissement des structures.
Cette production intensive complète la production Bio qui, par des rendements largement inférieurs, ne serait pas en mesure d’assurer à elle seule une alimentation suffisante aux populations.
Quant à la haine des anti-irrigation envers le maïs, elle occulte volontairement et arbitrairement le fait que le maïs est une plante excessivement productive, qui fournit des volumes conséquents pour l’alimentation du bétail à des périodes où les prairies sont totalement brûlées. De plus pour la production en grains, le maïs laisse sur le terrain une masse végétale énorme productrice d’humus, si précieux pour la fertilité des sols. Il ne faut pas non plus ignorer toutes les destinations du maïs : plus de 400 produits alimentaires contiennent de l’amidon de maïs, il est le 4e légume le plus consommé en France. Il est aussi utilisé :

  • dans les produits alimentaires (fécule de maïs (Maïzena), comme épaississant, liant, adhésif ou gélifiant) ;
  • dans l’industrie (papiers, cartons, peintures, détergents, colles, matériaux de construction, etc.) ;
  • dans les produits pharmaceutiques et cosmétiques (antibiotiques, crèmes de beauté, dentifrices, etc.) ;
  • dans la production d’éthanol (par fermentation de l’amidon), qui entre dans la composition des carburants notamment ;
  • dans la fabrication d’emballages à base d’amidon PLA recyclables et compostables.

C’est dire si sa production est devenue indispensable dans la vie courante. Le maïs est la plante qui utilise de façon la plus efficiente l’eau qu’elle reçoit :  pour 1 kg de matière sèche produite, le maïs fourrage nécessite 240 litres d’eau, le maïs grain 450, le blé 590, le soja 900, le tournesol 1 200 et le riz inondé 5 000. Son seul handicap est que sous nos latitudes, ses besoins correspondent aux périodes estivales, c’est pourquoi sa rentabilité dépend des capacités d’irrigation.

La quantité totale de l’eau qui transite dans les végétaux n’est que le moteur, avec le soleil, pour permettre à la photosynthèse de créer de la matière sèche (grain, sucre, tige ou bois). La quasi-totalité de l’eau utilisée est recyclée sous forme de transpiration des plantes. 1Kg de grain de maïs au stockage ne contient que 120 grammes d’eau.

En fonction de sa rusticité, de sa productivité, de ses faibles besoins en phytosanitaires, le maïs est une culture incontournable de nos sociétés modernes.

De l’alimentation en eau potable

L’irrigation est toujours présentée comme une concurrence à la disponibilité d’eau potable. Il est certain que des priorités doivent être établies afin de garantir aux populations un accès constant à l’eau potable. Il ne faut pas non plus perdre de vue que l’eau des chasses d’eau, incluse dans le volume d’eau potable, est moins prioritaire que l’eau qui sert à irriguer les légumes ou les productions alimentaires. Il n’est pas très médiatisé que certains forages agricoles sont parfois utilisés pour pallier la défaillance du réseau public.

Conclusion

Dans un contexte global où les sécheresses semblent se répéter, où la croissance démographique augmente les besoins alimentaires, où la Bio, malgré les soutiens écologiques et politiques rencontre des reculs, nous aurons besoin de toutes les capacités de production pour éviter que ne se renouvellent les émeutes de la faim de 2008.

Il est démontré que le stockage de l’excédent hivernal d’eau n’est pas contraire à la pérennité de la ressource, qu’il est la meilleure assurance récolte pour les agriculteurs pour éviter leur disparition, et que les consommateurs ont eux aussi intérêt à gérer intelligemment une eau qui, repartant à la mer, ne profite à personne.

Il y aura aussi un intérêt collectif à stocker après traitement les eaux citadines usées pour irriguer des cultures, au lieu de les déverser directement dans les cours d’eau avec des résidus de médicaments non éliminés en station d’épuration.

Au lieu de s’affronter en luttes idéologiques stériles et destructrices, utilisons tous les moyens que permet la technologie moderne pour utiliser, sans gaspiller, la ressource ni obérer sa pérennité, une eau source de vie et de prospérité.

Également publié sur : https://www.contrepoints.org/2022/12/04/444824-bassines-on-ne-nous-dit-pas-tout-pour-nous-cacher-lessentiel

 

Armand Paquereau
Adhérent CR 16

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