Après le coup de gueule d’Alain Martinaud, représentant de la Coordination Rurale en charge des questions de la gestion de l’eau, c’est à présent à Jean-François Couëtil d’être, à juste titre, révolté par les prises de position de nos dirigeants. Il s’agit cette fois de la Commission européenne sur le sujet de l’utilisation des produits phytosanitaires (PPP)

Le 20 octobre, il a été présenté au groupe de travail sur le projet de règlement européen sur l’utilisation durable des pesticides (SUR) les retours sur les dernières réunions du Conseil à Bruxelles et des précisions de la Commission.

Comme nous l’avions déjà regretté et critiqué, la Commission entend interdire l’utilisation de TOUS les produits phytosanitaires de synthèse dans les zones sensibles. Quand on dit « tous », il faut entendre « y compris le souffre et le cuivre » !

La Commission apporte cette fois des précisions sur sa définition des zones sensibles. Nous avions déjà entendu que seraient incluses toutes les zones Natura 2000 et les zones protégées (riverains...). Mais la Commission précise qu’elle entend également interdire les PPP dans toutes les zones vulnérables nitrates, soit les 2/3 de la France ! (article 18 du projet de règlement Alinéa f)i) Autrement dit, les endroits où il sera possible d’utiliser des PPP seront réellement l’exception !

Étant définies en fonction des nitrates, non seulement les zones vulnérables non rien à voir avec les PPP, mais en plus prendre une telle décision revient bel et bien à condamner l’agriculture !

Alors que la recherche pour les alternatives patine et qu’il y a trop peu d’avancées à proposer aux agriculteurs, comment cultiver des fruits, des légumes, de la vigne ou même des grandes cultures sans aucune protection. Et ce alors qu’on importe déjà, par exemple, 71 % des fruits que l’on consomme ! La solution serait de mettre tout en herbe, mais comme la Commission ne veut plus d’animaux non plus… Mais du coup, qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce la suite de l’ensauvagement voulue par la commission ?

Alors, comme certains États membres sont à 100 % en zone vulnérable, il semble probable que des dérogations soient accordées, sûrement par production ou par zone. Mais ce règlement qui est censé harmoniser les règles européennes deviendra ainsi un florilège d’exceptions et de dérogations accentuant les distorsions !

La Commission précise aussi qu’il n’y aura aucun budget pour accompagner la mise en place de ce règlement, et qu’il faudra composer avec le budget de la PAC ! Évidemment le sujet fait réagir, mais la vision de la Commission européenne est inquiétante et cette proposition outrancière prouve à quel point celle-ci est totalement déconnectée de la réalité !

La Coordination Rurale avait déjà réagi sur le fait que la Commission n’avait pas mesuré l’impact économique de ce règlement. Mais les chiffres sont connus ! Et la situation se dégrade au fur et à mesure : - La France achète pour 38,4 milliards d’euros de produits alimentaires à ses voisins européens. - Il faudrait entre 1 000 et 2 500 ha de production supplémentaires de tomates (plein champ) pour réduire notre dépendance. - 56 % de la viande ovine consommée en France est d'origine importée. - 45 % de notre consommation de poulet en 2019 est importée, contre 25 % en 2000. - 26 % de notre consommation de porc est importée. - 28 % de notre consommation de légumes et 71 % de notre consommation de fruits est assurée par des importations (FranceAgriMer). - Près de 63 % des protéines que nous consommons, issues d'oléagineux à destination des élevages, sont importées (FranceAgriMer, groupe de travail sur la réduction de la dépendance de la France en protéines végétales à destination de l'élevage).

Doit-on donner d’autres chiffres ? Communiquer les rapports de la Commission économique du Sénat à la Commission européenne ?

Et pendant ce temps, la Commission ne cherche pas à freiner les importations toxiques...

C’est à se demander pour qui travaille la Commission européenne !

Après les confinements récents, la crise sanitaire et la guerre en Ukraine qui mettent en lumière notre dépendance, alors que nous sommes en pleine crise de l’énergie, l’Europe nous prépare une crise alimentaire !

Jean-François Couëtil Trésorier de la CRUN et producteur de légumes plein champs en Ille-et-Vilaine

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