Les attaques incessantes des écologistes, qui matraquent l’opinion d’accusations mortifères contre l’agriculture, les mises en garde quotidiennes d’une alimentation qui nous empoisonnerait, les analyses d’urine qui veulent prouver que nous sommes imprégnés de glyphosate vont-elles aboutir à un changement radical des méthodes de productions agricoles ?

De l'usage de produits phytos en agriculture

Après 60 années d’une évolution fulgurante de la profession en matière de technologie, de mécanisation, de progression des rendements et de rigoureux contrôles sanitaires, le coût de la part alimentaire dans le budget des ménages a diminué des 2/3. L’approvisionnement des consommateurs n’a jamais présenté autant de choix et de quantité, le nombre d’intoxications alimentaires n’a jamais été aussi bas, mais des consommateurs au ventre repu ne s’en satisfont pas et veulent maintenant une agriculture qui reviendrait à des pratiques du XIXe siècle, où le paysan arrache les chardons à la main et coupe le blé à la faucille !

Si les agriculteurs en sont venus à utiliser des herbicides, c’est bien évidemment que ceux-ci leur apportaient une solution efficace pour lutter contre les adventices, mais aussi parce que la baisse des prix qui leur était imposée par l’aval les a obligés à cultiver de plus grandes surfaces avec moins de main-d’œuvre. Si les agriculteurs continuent à utiliser des phytos pour protéger leurs cultures, qu’elles soient bio ou conventionnelles, c’est qu’ils réagissent au même réflexe que tout citoyen : devant la maladie ou les parasites, on utilise des médicaments ou des insecticides.

Comment se fait-il que l’opinion soit si remontée contre les produits utilisés en agriculture, alors qu’elle est quasi mutique sur l’emploi souvent excessif de médicaments ? Pourtant, les uns comme les autres peuvent laisser des résidus dans la nature, dont les effets sont dénoncés pour les premiers et occultés pour les seconds !

Vers une agriculture jolie à regarder mais sans rien à bouffer ?!

Alors que la moitié des agriculteurs a présenté un revenu de 350 €/mois en 2016 (source MSA), l’opinion veut maintenant que ceux-ci se passent des moyens qui ont permis la baisse du prix de l’alimentation pour éliminer les effets délétères (avérés ou non) des pratiques agricoles modernes et tendre à un idéal utopique où il suffirait de laisser la nature nous offrir ses produits : regarder pousser et cueillir. Le slogan « Nous voulons des coquelicots » est significatif : joli à regarder, mais rien à bouffer !

Le problème, c’est qu’il n’y a aucune récolte qui vient à maturité, et par conséquent dans l’assiette du consommateur, sans le travail des hommes. Et c’est là que se situe l’impasse : si le travail de l’agriculteur n’est pas rémunéré, il n’y aura plus d’agriculteur… Les deux tiers ont déjà disparu depuis un demi-siècle.

Vouloir une agriculture sans chimie nécessite un recours beaucoup plus conséquent à de la main-d’œuvre qui doit être rémunérée au tarif légal, et non au niveau de celui des agriculteurs. Sauf à vouloir maintenir les agriculteurs dans un état de servage, cela entraîne de facto une augmentation conséquente du prix de l’alimentation. Alors que dans les manifs des gilets jaunes se côtoient des écologistes qui veulent une alimentation bio et des consommateurs qui dès le 15 du mois sont à court de trésorerie, les premiers auraient-ils le droit d’imposer aux seconds une nourriture plus chère ? Malgré un nombre conséquent de chômeurs, venir effectuer des travaux agricoles dont la pénibilité a fait fuir vers les usines les jeunes ruraux des années 60 sera-t-il plus incitatif aujourd’hui ?

Pourquoi ce dénigrement constant de l'agriculture ?

Le dénigrement des agriculteurs est totalement insupportable, car en plus de pourvoir à leurs concitoyens une alimentation en qualité et en quantité, ils entretiennent les paysages en luttant contre les plantes indésirables (chardons, ambroisie, etc..) et les préservent de l’embroussaillement. Mais il est une fonction encore plus indispensable qui est soigneusement occultée par les communicants et les médias : l’agriculture est la seule activité dont le bilan carbone est positif. La quasi-totalité des études sur le bilan carbone de l’agriculture ne prend en compte que l’équivalent CO2 émis (carburant consommé, énergie pour produire les intrants, etc..). Or il est prouvé que la fonction chlorophyllienne de nombreuses cultures absorbe plus de CO2 et rejette plus d’oxygène qu’une surface équivalente de forêt. Les écologistes ne résonnent qu’en puits de carbone, c’est-à-dire le stockage à plus ou moins long terme du carbone dans le sol et les racines ; ils font abstraction du CO2 stocké annuellement par les récoltes sous forme d’hydrates de carbone (amidon, sucres, matières sèches). Ces produits ont une triple valeur : alimentaire qui nourrit les populations, écologique qui purifie l’air et annuellement disponible.

Si on veut conserver une agriculture en France, il conviendra de rémunérer correctement les agriculteurs pour ces fonctions capitales, sans quoi la course aux prix bas et la volonté d’interdire tout produit de protection des cultures privilégieront les produits d’importation et finiront de ruiner les exploitations agricoles françaises.

Armand Paquereau

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