Le contexte

Au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective dans tous les établissements chargés d’une mission de service public devront compter a minima 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques. Pour la Coordination Rurale, il aurait été plus intéressant et sécurisant tant pour le consommateur que pour l’agriculteur, de faire le choix d’une orientation vers des produits français, lesquels sont déjà de qualité et durables.

Pour tenir cet objectif de 50 % (en valeur, pas en volume), les collectivités et les opérateurs de la restauration collective, contraints par des budgets constants, vont être obligés de se diriger vers des produits certifiés Haute valeur environnementale (HVE) pour compléter l’offre en produits biologiques. Cette pratique sera donc grandement préjudiciable pour le revenu des agriculteurs. En effet, cela participe à la marche forcée vers la HVE imposée aux agriculteurs et à la restauration collective.

Concurrence et miroir aux alouettes

Les producteurs locaux qui ont créé un marché avec la restauration collective vont donc être forcés de passer en HVE pour répondre aux critères imposés par la loi EGAlim, indépendamment des autres labels ou signes de qualité qu’ils détiennent par ailleurs. En parallèle, les transformateurs font aussi la promotion de la HVE – quand ils ne cherchent pas à l’imposer – auprès de leurs fournisseurs agriculteurs. Enfin, c’est au tour des agriculteurs engagés dans la démarche « bienvenue à la ferme » d’être incités à s’engager dans la démarche HVE.

C’est ainsi que du point de vue des agriculteurs, la HVE va avoir pour conséquence de mettre en concurrence des produits qui n’ont pas les mêmes coûts de production. En effet, alors même que les producteurs locaux répondent déjà aux critères de qualité, de proximité et de durabilité, on leur fait comprendre qu’ils doivent se faire certifier HVE s’ils ne veulent pas que leur accès au marché de la restau’co soit compromis. En ce qui concerne les agriculteurs conventionnels, livrant à des transformateurs, on leur garantit - sous réserve de passer HVE - de continuer à être collectés, tout en leur promettant qu’ils pourront fournir également le marché de la restau’co. Quant aux agriculteurs engagés dans la démarche « bienvenue à la ferme », on leur fait miroiter avec la certification HVE l’accès à ce même marché, sans leur préciser qu’eux non plus ne seront jamais aussi « compétitifs » que la HVE de masse proposée par les gros groupes.

Voyez-vous les pièges de cet aspect de la loi EGA ?

Premièrement, les labels et la proximité sont en danger. Les transformateurs préparent la « HVE de masse », au prix du conventionnel. Étant donné que les contraintes de la HVE concernent des mesures non liées au produit mais à des « à-côtés » liés à l’environnement, le prix d’achat de ces produits n’est pas valorisé. Moins chers à l’achat que les produits labellisés bio ou label rouge par exemple, ceux-ci permettront aux collectivités de remplir leurs obligations vis-à-vis de la loi EGA, tout en tenant le budget alimentaire. Quid des producteurs locaux et de proximité qui n’arriveront pas à s’aligner sur les tarifs industriels ? Comment cette perte de volumes ne mettrait-elle pas également en danger les abattoirs de proximité et les petits ateliers de transformation qui maillent le territoire.

Deuxièmement, aucun producteur n’aura de valorisation sur le prix de vente. Ce n’est au mieux qu’une carte d’accès à un marché, mais cela ressemble dangereusement de plus en plus à un droit à produire. Là où les labels et les SIQO (Signes d'identification de qualité et d'origine) offrent (ou offraient jusqu’à maintenant) une plus-value pour le producteur, la HVE n’en offre aucune.

Si certains labels obtiennent pour le moment une équivalence à la HVE, ce n’est pour le moment qu’un sursis. En effet, les produits « issus d'une exploitation ayant fait l'objet de la certification prévue à l'article L. 611-6 et satisfaisant à un niveau d'exigences environnementales au sens du même article L. 611-6 » - soit HVE 1, 2 ou 3 ou équivalents - ne seront autorisés dans la part de 50 % de produits de qualité et durables que doivent comporter les repas que jusqu’au 31 décembre 2029. Passé cette date, à côté des produits bio ou sous SIQO, seuls les produits « issus des exploitations ayant fait l'objet du plus haut niveau de certification prévu à l'article L. 611-6 » - soit HVE 3 actuellement – seront autorisés.

Troisièmement, la HVE continue de s’imposer comme le nouveau standard, le socle minimum, à ceci près qu’elle nécessite une certification régulière et payante. Et c’est là qu’est le point-clé, la HVE (et donc les agriculteurs) est une manne financière : par les formations, les prestations de préparation aux audits et certifications, et les audits et certifications.

Quatrièmement, les contraintes de la HVE augmentent sans se soucier de la capacité économique des agriculteurs à absorber ces nouvelles contraintes. En effet, un texte en cours propose que soient comparés à des références régionales les indices de fréquence de traitements (IFT) réalisés dans chaque exploitation. Il se pourrait donc que dès cet été les agriculteurs certifiés doivent présenter des IFT plus bas pour obtenir des points dans la thématique « produits phytosanitaires ».

Cette marche forcée permet à l’aval de mieux valoriser nos produits agricoles sans que l’agriculteur en ait un retour financier. Pour la CR, toute démarche de certification doit rester volontaire et en aucun cas la non-adhésion à une démarche de ce type ne doit devenir une source de discrimination pour les producteurs qui la refusent, par volonté d’indépendance ou par impossibilité financière. Plutôt que d’exiger une certification qui ne change rien à la qualité du produit acheté, il est préférable de garantir une parfaite traçabilité de leur origine et de leur mode de production.

La loi EGA doit évoluer

Aussi, pour que la loi EGA garantisse réellement aux consommateurs l’accès à des produits durables, de qualité et locaux, pour qu’elle ne menace pas les agriculteurs en institutionnalisant une certification inutile et coûteuse, la CR a écrit aux parlementaires pour leur demander de supprimer la certification HVE en tant que clé d’accès à la restauration collective.

La CR demande également aux responsables des commandes publiques, notamment dans les Conseils régionaux et départementaux, de mesurer les conséquences du choix de produits HVE, et donc de privilégier, le plus souvent possible, la proximité.

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