Depuis la promulgation de la loi sur la réforme de la gestion des risques le 2 mars 2022, des décrets publiés ces dernières semaines ont permis d’être fixé sur les différents seuils d’intervention de l’assurance-récolte. La Coordination Rurale (CR), opposée à cette réforme, n’a pas manqué de faire part de son désaccord lors des différentes réunions.

 

Répartition du budget annoncé

Selon le projet de loi de finances 2023, il est prévu :
• 184,5 millions d’euros de la PAC – inscrit dans le PSN
• 120 millions d’euros de fiscalité agricole du fait du doublement du taux de la contribution additionnelle qui est assise sur la totalité des primes ou cotisations versées (de 5,5 % à 11 %)
• 256 millions d’euros de contribution de l’État
Le budget a pour finalité d’atteindre 600 millions d’euros et peut aller jusqu’à 680 millions d’euros selon les annonces d’Emmanuel Macron à Terre de Jim. Cependant, si cela arrivait, les différents seuils d’intervention devront être revus pour rentrer dans le budget.

 

L’articulation de la loi

Son entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2023.
Il va s’agir d’un système à 3 niveaux :
1. L’agriculteur assume financièrement ses pertes sur des risques de faible intensité. Cela peut être soutenu pour la mise en place des mesures de prévention (tour antigel, filet anti-grêle, etc.).
2. L’assurance multirisque climatique, dont les primes sont subventionnées à 70 % et prises en charge par les assureurs privés, couvre les pertes pour des risques d’intensité moyenne. Cette assurance s’appuiera sur une mutualisation entre les territoires et les filières. La création d’un pool d’assureurs est prévue. L’assurance-récolte est non obligatoire.
3. Une indemnisation des dégâts exceptionnels par une garantie directe de l’État. Pour les assurés, cette prise en charge viendra en complément des indemnisations versées par l’assurance.

 

Seuils d’intervention entre chaque niveau

• Selon le décret du 10 novembre, le seuil de déclenchement de l’assurance-récolte :
La franchise est à 20 % pour toutes les productions et peut aller jusqu’à 40 % pour les grandes cultures et la vigne, et 25 % pour l’arboriculture et la prairie. Le cahier des charges n’est pas encore validé, mais quelques informations peuvent être utiles à savoir.

Le taux de couverture obligatoire
Il est de 95 % du périmètre pour la prairie, l’arboriculture, la prairie et la viticulture, 70 % pour les grandes cultures et 80 % des surfaces en culture de vente pour les contrats à l’exploitation.

Les garanties subventionnables
La subvention de la cotisation de l’assurance multirisque climatique sera de 70 %. Les 30 % restants seront à la charge des agriculteurs.
Pour les grandes cultures, l’arboriculture et la viticulture, il va s’agir des pertes de quantité et certaines pertes de qualité, du rendement assuré compris entre 90 % et 100 % du rendement historique ou inférieur à 90 % pour certains cas dûment justifiés et d’un prix assuré compris entre 60 % et 120 % de la valeur du barème ou du prix de vente réel en l’absence de référence au barème.

Pour les prairies, il s’agit d’une assurance indicielle utilisant un indice calculant la production fourragère annuelle ayant reçu un avis favorable du comité de validation des indices et le capital assuré est compris entre 60 % et 120 % de la valeur du barème.

Les pertes de qualité dans le contrat socle
– Germination des grains sur pied, réduction de la faculté germinative des semences (en dessous des normes) ;
– Changement de catégorie ou déclassement en fruits et légumes et le tabac ;
– Taux de sucre insuffisant en betteraves ;
– Teneur en filasse insuffisante pour le lin textile.

Les cas dûment justifiés pour assurer un rendement inférieur à 90 %
– Changement de pratique culturale comme la conversion en agriculture biologique ;
– Productions de semences où les rendements peuvent varier selon le choix de la variété qui va dépendre du donneur d’ordre ;
– En viticulture, tenir compte du rendement maximum de l’appellation pour la campagne.

Le contrat à l’exploitation
Il s’agit de la surface agricole utile diminuée des surfaces en prairies et des surfaces en jachère, et au moins deux natures de récoltes différentes.
Les superficies couvertes par un contrat par groupe de cultures et par un contrat à l’exploitation ne sont pas cumulées pour le calcul du taux de couverture.

Les extensions de garantie non subventionnables
Pour les grandes cultures, l’arboriculture et la viticulture, il va s’agir de :
– rendement assuré supérieur au rendement historique ;
– pertes de qualités autres que celles prévues dans la garantie subventionnable ;
– pertes de quantité non imputables à un aléa climatique ;
– franchise inférieure au seuil de déclenchement ;
– franchise et seuil de déclenchement inférieurs au taux subventionnable ;
– prix assuré supérieur au prix de vente réel ou à 120 % de la valeur barème ;
– couverture des frais supplémentaires de récolte, des frais de sauvetage ou des frais de resemis.

Pour la prairie, il s’agit de :
– franchise inférieure au seuil de déclenchement ;
– franchise et seuil de déclenchement inférieurs au taux subventionnable ;
– capital assuré supérieur à 120 % de la valeur du barème.

 

• Seuil de déclenchement de la solidarité nationale :
Il est de 50 % pour les grandes cultures, les cultures industrielles, les légumes (hors maraîchage diversifié) et la viticulture.
Il est de 30 % pour l’arboriculture dont les petits fruits, les prairies, les plantes à parfum, aromatiques et médicinales, et les autres cultures (maraîchage diversifié, horticulture, pépinières, apiculture, aquaculture, héliciculture) qui sont non assurables.

Pour les non assurés, le seuil de déclenchement agit comme une franchise.

Les taux d’indemnisation sont :
• Grandes cultures, cultures industrielles, légumes (hors maraîchage diversifié), viticulture, arboriculture (dont petits fruits) et prairies : 45 % pour 2023, 40 % pour 2024, 35 % pour 2025 ;
• Plantes à parfum, aromatiques et médicinales et autres cultures : 45 % ;
• 90 % pour toutes les cultures assurées et les 10 % restants à la charge des assureurs.

 

Les aléas couverts par l’assurance-récolte et la solidarité nationale :

Il va s’agir de :
– la sécheresse ;
– les excès de température et coups de chaleur ;
– les coups de soleil dès lors que le rayonnement solaire provoque des brûlures aux plantes ou partie de plantes ;
– le manque de rayonnement solaire dès lors qu’il est avéré, par rapport à une moyenne sur la même période, et qu’il survient à un stade sensible pour la plante ;
– les températures basses, coups de froid et gels en dessous du seuil de résistance de la culture pour la phase de croissance concernée ou à un gel de la plante ;
– la grêle causant des dommages aux cultures ;
– les excès d’eau, pluies violentes, pluies torrentielles et excès d’humidité ;
– le poids de la neige ou du givre entraînant la pliure ou la cassure des tiges ;
– les vents de sable et tourbillons érodant ou abrasant les récoltes ou les tempêtes.

 

Désignation d’un interlocuteur unique par une plateforme qui pourra être un assureur proposant la MRC ou l’État

Suite aux annonces en fin d’année de Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, les agriculteurs n’ayant pas souscrit d’assurance multirisque climatique n’auront pas à désigner d’interlocuteur unique pour percevoir la solidarité nationale en cas d’aléas climatiques pour l’année 2023.

Initialement, pour percevoir l’indemnisation de solidarité nationale, tous les agriculteurs devaient s’inscrire sur une plateforme pour désigner un interlocuteur qui était soit un assureur soit l’État. Cependant, sa mise en place était difficile en raison de discussions sur les modalités et les montants des frais de gestion aux compagnies d’assurance qui intervenaient pour le compte de l’État. Ainsi, afin de ne laisser aucun agriculteur sans solution, l’État va gérer les non-assurés en 2023 le temps qu’un accord soit trouvé avec les assurances.

De ce fait, en cas d’aléas climatiques déclenchant la solidarité nationale, les agriculteurs ayant souscrit une assurance multirisque climatique s’orienteront vers leur assurance pour percevoir l’indemnisation et les agriculteurs non-assurés se tourneront vers l’État dont les modalités seront précisées ultérieurement.

La position de la CR

Cette loi incite donc à recourir à l’assurance récolte par une augmentation de la prise en charge des primes d’assurance et une meilleure indemnisation par l’État en cas de risques exceptionnels. Or, le coût des assurances, des franchises et des seuils de déclenchement reste trop élevé pour pouvoir être utilement et massivement souscrite par les agriculteurs. La CR persiste à demander une mutualisation générale des calamités et le financement d’outils de prévention permettant de lutter efficacement contre les aléas climatiques puisque, à terme, cela permettrait de réduire les risques et les pertes.

La CR s’est positionnée contre les différents projets de décrets proposés. La CR ne cesse de le répéter, tel que cela est présenté, ils consistent à un désengagement de l’État qui impose par défaut aux agriculteurs de souscrire à l’assurance multirisque climatique. Les agriculteurs doivent rester libres de s’assurer ou non.
Il est indispensable de promouvoir et soutenir financièrement les moyens de prévention et de protection afin de garantir les récoltes et pouvoir nourrir la population. Par ailleurs, des prix rémunérateurs pour les agriculteurs constituent également la meilleure protection contre les aléas climatiques en leur permettant de constituer des réserves.
L’assurance multirisque climatique pourrait être intéressante avec de faibles franchises (comme une assurance grêle) avec des indemnités correspondant aux impacts réels (déconnexion actuellement avec les prix du marché) et surtout gérée par l’État lui-même à partir du moment où le financement deviendrait de plus en plus public (budget PAC, budget calamités agricoles et soutien public extérieur).

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