Mon voisin est en liquidation. Suite à une offre de reprise que j’avais faite, le Tribunal a autorisé le mandataire judiciaire à me vendre de gré à gré une partie de ses vignes et de ses terres. Puis-je prendre possession des biens tout de suite ?

Lorsqu’un exploitant agricole est en liquidation judiciaire, ses biens sont vendus, soit aux enchères, soit sur adjudication amiable, soit de gré à gré.

Les personnes intéressées par la reprise de certains biens peuvent faire des offres d’achat en vue d’une vente de gré à gré. Si leur offre est sélectionnée par le Tribunal, celui-ci rend alors une ordonnance, dans laquelle il autorise le liquidateur à leur vendre de gré à gré les biens qu’ils envisagent d’acheter.

Pour celui qui achète, et qui est toujours pressé de prendre possession des biens, il faut néanmoins prendre garde à quelques petits détails, surtout si les biens qui l’intéressent sont des immeubles.

En effet, ce n’est pas parce que le Tribunal a autorisé le liquidateur à lui vendre certains biens immobiliers (bâtiments, terres, vignes, verges) que celui dont l’offre a ainsi été retenue est pour autant devenu propriétaire des biens.

Certains évènements peuvent en effet survenir et avoir pour effet de le priver des terres ou bâtiments qui devaient lui revenir.

C’est le cas quand l’ordonnance est annulée suite à un recours judiciaire ou que la SAFER préempte. Sur ce point, il faut savoir que la SAFER conserve son droit de préemption lorsque le Tribunal a autorisé la vente de gré à gré de certains immeubles ou terrains, même s’il s’agit d’un lot. En réalité, le seul cas où la SAFER ne peut pas préempter est celui  dans lequel le Tribunal a ordonné un « plan de cession » global ou partiel de l’entreprise et que les immeubles se trouvent listés dans ce plan.

Lorsque la SAFER peut préempter, ce n’est pas le Tribunal qui informe celle-ci du projet de vente de gré à gré, mais le notaire que le liquidateur désigne pour rédiger la vente.

Autrement dit, celui dont l’offre de reprise a été retenue peut toujours voir la SAFER lui passer devant, au dernier moment.

Or, en cas de préemption par la SAFER, aucune règle n’oblige celle-ci à laisser le repreneur récolter ou vendanger le fruit de son travail. Aucune règle non plus n’oblige la SAFER à l’indemniser au titre des dépenses qu’il aurait pu engager avant qu’elle préempte. Il est certes envisageable d’invoquer l’existence d’une faute du liquidateur, si celui-ci a incité le repreneur à prendre possession des biens, ou a tenu des propos rassurants, l’incitant à entrer sur le terrain. Mais ce genre d’action n’a que très peu de chances d’aboutir.

En effet, le risque de préemption par la SAFER est prévu par la loi, et nul n’est censé ignorer celle-ci.

Il est dès lors plus raisonnable de chercher dès le départ à éviter le contentieux, et de demander au Tribunal, dès l’envoi de l’offre d’achat, qu’il précise dans son ordonnance qu’en cas de préemption par la SAFER, celle-ci ne pourra prendre possession qu’à l’expiration de l’année culturale.

Si l’on n’a pas pris cette précaution, et que la SAFER préempte il est toujours possible   de demander à celle-ci l’autorisation de rester en possession jusqu’aux moissons, ou jusqu’à la fin de l’époque des vendages, mais la SAFER n’est pas obligée d’accepter sur cette simple demande.

En cas de refus, le repreneur pourra agir judiciairement contre la SAFER ou contre le tiers à qui elle a rétrocédé les biens, en invoquant l’existence d’un « enrichissement sans cause ».

Mais ce genre de procédure est aléatoire, car le droit d’être indemnisé est subordonné à l’absence de faute lourde.

Or, si le fait de prendre possession des biens suite à l’ordonnance n’est pas en soi une faute lourde, notamment lorsque le mandataire judiciaire lui a indiqué que cela était possible, en revanche, le fait de prendre possession des biens sans demander une autorisation d’exploiter peut être assimilé à une faute lourde devant un Tribunal.

Dans la mesure où il est probable que la SAFER ou le candidat désigné par celle-ci fassent état de cette absence d’autorisation, pour échapper au paiement d’une indemnité, il vaut mieux faire les choses dans les règles, ce qui signifie s’abstenir de prendre possession des biens tant qu’un risque de préemption existe, et demander quand cela est nécessaire une autorisation d’exploiter.

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