La loi impose des distances à respecter, habituellement 100 mètres, lorsque l’on construit un bâtiment d’élevage.

Par souci d’équité et de cohérence, elle prévoit que cette obligation soit réciproque et qu’elle ne pèse pas seulement sur les exploitants.

Le Code Rural indique en effet que « Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. »

Afin d’éviter que l’application rigide de ce système empêche des projets de construction de bâtiments d’élevage de se réaliser, ou que l’exploitant dont la présence est nécessaire sur le site ne puisse y construire sa maison, il est prévu deux types d’assouplissement.
Le Plan local d’urbanisme (ou le Conseil municipal dans les communes non dotées d’un PLU) peut prévoir des distances inférieures à celles théoriquement applicables. Encore faut il cependant que l’on soit « dans les parties actuellement urbanisées » de la commune.
Quand ces conditions ne sont pas réunies, celui qui envisage de construire peut encore obtenir une dérogation si après avis de la Chambre d’agriculture, l’autorité qui délivre le permis estime qu’il existe des « spécificités locales ». Cette exception est une bonne chose, au moins pour les exploitants qui n’ont pas le choix de construire un bâtiment d’élevage à plus de 100 mètres de la maison de leur plus proche voisin.
Enfin, quand il s’agit seulement de changer la destination d’un bâtiment ou d’étendre un bâtiment agricole existant, il est possible de s’accorder entre voisins pour ne pas respecter les distances d’implantation, mais il faut dans ce cas formaliser la chose en passant devant le notaire pour créer une servitude spécifique.

Cependant toutes ces facilités ne valent que pour la construction, et ne dispensent pas l’exploitant agricole de toute responsabilité vis-à-vis de ses voisins. Certes, pour faire face à l’arrivée de ces nouveaux arrivants en zone rurale qu’on appelle les « rurbains », la loi tente de restreindre les risques de contentieux, au moins dans les cas où l’activité agricole existait déjà avant qu’une habitation ne s’implante à proximité. Il est ainsi prévu que « Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions. »
Ce texte n’apporte pas une sécurité absolue, car il faut encore que l’activité agricole, qui est par nature évolutive, se poursuive « dans les mêmes conditions ». De plus, le Conseil constitutionnel, a estimé le 8 avril dernier que le principe de « non-responsabilité » qui en découlait se heurtait à une autre limite.

En effet l’agriculteur, comme l’artisan ou le commerçant reste responsable quand une faute peut être prouvée contre lui. Or, il est facile de trouver une faute, car les exploitants agricoles doivent respecter un nombre de règles de plus en plus important, dont souvent ils ignorent même l’existence. Par exemple, quel exploitant se soucie de l’intensité des bruits de l’exploitation, des normes précises admises en la matière par le règlement sanitaire départemental ou par les textes relatifs à l’installation classée qu’il exploite. Fort peu sans doute.
Or, c’est précisément ce genre de fautes que certains voisins pourraient être tentés d’invoquer pour que le juge considère leur voisin agriculteur comme responsable du trouble occasionné dans leurs conditions de vie. Dans la mesure où le voisin non agriculteur aura tendance à aller vers un huissier de justice, pour faire établir un constat, l’agriculteur aura intérêt de son côté à faire appel à un homme de l’art, qui sera chargé de prouver que les règles sont bien respectées et qu’il n’y a pas eu de changement dans les conditions d’exploitation.

Dans la mesure où la loi permet désormais de contredire les affirmations de l’huissier avec un tel procédé, il ne faut pas lésiner sur ce point, car devant un juge seules les preuves comptent, et la parole d’un homme, habitué à contrôler tel ou tel aspect technique, peut avoir davantage de poids que celle d’un huissier, formé avant tout au droit.

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