Contractualisation : pour le meilleur ou pour le pire ?

Mesure phare du projet de loi de modernisation de l’agriculture, les contrats sont annoncés pour janvier 2011 dans le secteur des fruits et légumes et dans celui du lait.  
La CR s’interroge sur les raisons d’un tel empressement alors que la loi laissait jusqu’au 1er janvier 2013 pour définir la liste des produits pour lesquels la proposition écrite de contrat était obligatoire, mais surtout parce que ces projets n’apportent aucune garantie de rémunération aux producteurs.

Présentés par le Ministre comme allant « sécuriser le revenu des producteurs », ces contrats n’y feront rien. D’ailleurs, il n’est pas prévu qu’ils mentionnent le prix auquel les producteurs pourront vendre leur marchandise. 

Loin de laisser entrevoir une telle sécurité, ces projets accroissent le déséquilibre  des relations entre les producteurs d’une part et les coopératives et l’industrie d’autre part, ce d’autant plus que nous ignorons  toujours quel sera le contenu exact des décrets portant sur les organisations de producteurs et sur la mise en place d’un médiateur.

Selon le Ministre, le producteur est libre de le refuser (seule la proposition de contrat par l’acheteur est obligatoire).  Pour la CR, cette liberté est bien illusoire car il ne fait aucun doute qu’un producteur isolé n’aura d’autre choix que d’accepter les conditions contractuelles que son acheteur lui proposera, sans avoir son mot à dire, s’il veut garantir ses débouchés. De tels contrats ne devraient être présentés à la signature des producteurs sans que ne leur ait été proposée l’alternative de s’associer en organisations de producteurs chargées de négocier collectivement en leur nom des contrats avec des transformateurs.

Ainsi, loin d’être « sécurisants », ces projets laissent entrevoir un alourdissement des contraintes sur les producteurs, sans contrepartie pour eux.

S’agissant du lait :

Les producteurs devraient s’engager pour 5 ans (la loi de modernisation de l’agriculture permettait de fixer une durée minimale de un à cinq ans) à livrer un volume de lait annuel (le cas échéant défini mensuellement ce qui aurait pour effet de renforcer les contraintes pesant sur eux). Le projet, loin de prémunir les producteurs d’une possibilité de contrat comportant un double volume-double prix, permet une telle dérive. Nul doute en effet que les acheteurs de lait  se précipiteront dans la brèche leur permettant d’acheter un volume correspondant à une fraction du quota de livraison des producteurs.
D’ailleurs, un industriel n’a pas attendu et, par le biais d’un accord avec des représentants d’un groupement de producteurs, impose à ses producteurs un mécanisme de double prix, double volume. Il est clair que la seule manière pour les producteurs d’équilibrer le rapport de force avec leurs acheteurs passe bien par des organisations de producteurs transversales chargées de négocier collectivement les contrats avec plusieurs laiteries.

S’agissant des fruits et légumes destinés à la revente pour la consommation à l’état frais :

Le projet de décret envisage une durée minimale d’engagement de 3 ans, ce qui est totalement inadapté aux grossistes qui représentent pourtant près d’un quart des débouchés de la filière.
Pour la CR, les MIN et autres marchés de gros sont clairement menacés. L’essentiel de leurs relations commerciales sont ponctuelles et ne leur permettent pas d’avoir une visibilité suffisante pour proposer à un producteur un engagement contractuel sur 3 ans. Pourtant, ces marchés sont indispensables aux producteurs.
Par ailleurs, la fixation d’un volume, fut il « ajustable », ne prend pas en compte le caractère naturellement aléatoire de la production de fruits et légumes. Le projet de décret laisse en suspens le cas des quantités excédentaires produites. Les producteurs doivent pouvoir vendre ponctuellement – c'est-à-dire sans engagement pour une quelconque durée - leur « excédent » à un acheteur de leur choix.

Pour la CR, ces contrats cadre ne permettront pas de régler les problèmes auxquels sont confrontés les producteurs, mais pourront au contraire les aggraver, notamment parce que les acheteurs pourraient être tentés d’acheter plus hors de France pour ne pas subir l’obligation de proposer des contrats. Aucune amélioration des conditions de rémunération des producteurs n’est donc à en attendre car il ne suffit pas aux distributeurs de déterminer, par voie contractuelle, leurs besoins pour réguler la production et le marché. En effet, seule une organisation commune de production et de marché peut aboutir à une telle régulation.

Du flou autour de l’installation

En confiant aux Chambres d’agriculture l’information sur les questions d’installation, la tenue du répertoire à l’installation et la participation à l’instruction des dossiers de demandes d’aides à l’installation, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a souhaité mettre un terme aux ADASEA.
Du flou autour de l’installationLe rapporteur à l’Assemblée nationale de ladite loi, le député Michel Raison, avait alors affirmé que « Sur le plan financier, cela ne rien. ». Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, le Ministre de l’Agriculture a indiqué qu’ainsi, cela ferait « baisser, raisonnablement, les subventions de l’État, qui passeront de 14,7 millions d’euros en 2010, à 8 millions en 2011, et à 3 millions en 2012, soit près de 12 millions d’économies. »

Il n’en demeure pas moins que pour compenser cette diminution, le gouvernement envisage d’augmenter la taxe « chambres d’agriculture »  en fixant un taux pivot de 1,5 % et un plafond de 3 % au niveau départemental.
Le dispositif fixe une augmentation maximale. Il est donc toujours possible pour une chambre d’agriculture de retenir une augmentation de produit plus faible que celle prévue par la loi, voire de diminuer son produit par rapport à l’année précédente.
A titre de comparaison, en 2009, l’augmentation avait été plafonnée par la loi à 1,5% (mais pouvait, à titre exceptionnel, être portée à 4,5%). En 2010, les parlementaires avaient rejeté la proposition d’augmentation plafonnée à 1,5%.

L’amendement du gouvernement a été adopté par les députés. Reste donc à voir quel sera le vote définitif des parlementaires cette fois-ci, étant précisé qu’une telle augmentation (décidée ensuite par les Chambres elles-mêmes) est au final supportée par le propriétaire et, le cas échéant, à 50% par le fermier.

Si l’Etat se refuse à parler d’un désengagement, pour la CR, c’en est un. Ce d’autant plus que la loi de modernisation de l’agriculture a par ailleurs créé une nouvelle taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles pour financer l’installation. Celle-ci devrait rapporter 120 M€ et là encore, c’est le monde rural qui paie.
La CR redoute en effet que, faute de moyens, les Chambres d’agriculture saisissent dès lors le prétexte de ces restrictions budgétaires pour développer les prestations payantes au détriment des prestations de service public qu’elles ont pourtant vocation à réaliser.

Crédit d’impôt remplacement maintenu

Les doutes à l’égard de la prolongation du dispositif semblent levés.
Après des annonces « réservées » laissant entendre que la prorogation de ce dispositif était possible, mais qu’elle dépendrait des résultats des travaux d’une mission d’évaluation de ce dispositif, le Ministre de l’Agriculture a annoncé que celui-ci « sera prolongé trois années, mais il devra respecter le plafond communautaire de minimis. »

Jusqu’au 31 décembre 2010, les exploitants justifiant d’une astreinte quotidienne, peuvent bénéficier d’une prise en charge par l’Etat de 50% du coût occasionné par leur remplacement pour congés pendant 14 jours par exploitation, dans la limite d’un plafond annuel de 973 € (= 50% de 1946 €).
Les modalités précises de la prorogation du dispositif au-delà de cette date ne sont pas encore connues, néanmoins, seuls les exploitants n’ayant pas atteint le plafond des aides de minimis sur une période de trois exercices fiscaux - celui en cours et les deux précédents-, (7 500 € par exploitation étant précisé que ce plafond peut être multiplié par le nombre d’associés s’agissant des GAEC, dans une limite de 3), toutes aides de minimis confondues, pourront bénéficier d’un tel crédit d’impôt.

Farines animales dans l’alimentation des animaux

Dans une réponse publiée au bulletin officiel du Sénat le 3 novembre dernier, le gouvernement a indiqué que la révision de l’interdiction totale de l’usage des farines animales dans l’alimentation des animaux non ruminants, tels que les porcins, les volailles ou les poissons par la Commission européenne « n’irait pas jusqu’à remettre en cause le principe fondamental de non-recyclage des protéines au sein de la même espèce (…), ni celui selon lequel est interdit l’emploi de protéines animales transformées issues de mammifères dans l’alimentation des ruminants. »

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