nitrates

Suite aux critiques de Bruxelles sur notre système de protection des eaux contre les pollutions par les nitrates, les ministères de l’Agriculture et de l'Ecologie ont proposé une refonte du dispositif français.

Ils ont soumis ce projet à une consultation publique par Internet, à laquelle la CR a répondu en espérant que sa contribution permettra de redonner du bon sens à cette réglementation. Ainsi, les mesures que nous allons présenter n'ont pas encore été validées officiellement, mais nous tenons à ce stade à apporter des précisions sur les projets en cours.
Ces mesures, qui relèvent d'une vision très administrative et pas du tout agronomique, concernent principalement 4 points.

 

1°/ Périodes d'interdiction d'épandage des fertilisants

Contrairement à tout bon sens agronomique, des règles applicables à toutes les zones vulnérables au niveau national sont proposées, sans tenir aucun compte de la qualité du sol concerné (taux de MO, ph, etc.) et du climat local. Or, les délais parfois très courts entre récolte du précédent et date limite de semis, associés aux conditions climatiques, peuvent de fait rendre l’épandage impossible. Comment gérer cette situation et enrichir le sol en vue de la récolte suivante ? Enfin, les références manquent en termes d'azote efficace pour les CIPAN, ce qui n'empêche pas l'administration de fixer des limites aux quantités d'azote apportées aux CIPAN !

2°/ Définition des règles de calcul des volumes des ouvrages de stockage des effluents d'élevage.

Il est possible que cette nouvelle réglementation conduise à refaire tous les DEXEL, avec un coût qui sera loin d'être anodin pour les éleveurs, surtout eu égard à la crise actuelle. Alors que les mises aux normes obligatoires et très coûteuses pour les élevages s’achèvent, il serait inadmissible que cette proposition de l'administration conduise à devoir augmenter encore les capacités de stockage.
Pour les fientes de volailles, dont on peut douter de l'ampleur réelle du risque de lessivage vu leur taux de matière sèche de 65%, il est prévu une bâche imperméable à l'eau et perméable aux gaz. Sera-t-elle à un prix abordable pour les éleveurs ?

3°/ Equilibre de la fertilisation azotée.

Le projet d'arrêté renforce le cadre juridique, en définissant les différentes catégories d'apports et de pertes (dont celles par voie gazeuse et par « organisation microbienne » - dont on aimerait bien connaître l'impact réel !) à prendre en compte dans le calcul de la dose de fertilisant à apporter par îlot cultural. Il faudra justifier tout écart entre le plan d’épandage et le cahier d’épandage.
La détermination pratique des différents éléments de l'équilibre se fera conformément à un guide national établi par le COMIFER, très complexe, et à un paramétrage des référentiels au niveau régional (en quoi le fait d'être dans une région ou une autre devrait-il influer sur le mode de calcul ?), ceci pour toutes les cultures et prairies, alors que jusqu’à présent cela se faisait au niveau départemental et ne portait que sur les principales cultures.
Les outils de pilotage ne sont pas forcément disponibles, ni fiables. En outre, il est agronomiquement inepte de se fixer sur une dose totale limitée alors que le processus naturel de la minéralisation varie en fonction du sol, du climat, etc. Tout comme pour l'ajustement en cours de campagne qui est évoqué dans le texte, aucun outil de pilotage ne sera plus performant que l'expérience de l'agriculteur et sa bonne connaissance des conditions dans lesquelles il produit (sol, climat notamment).

Le dispositif prévoit que :
-  le rendement de référence à retenir est défini par la moyenne des rendements des 5 années antérieures, les deux extrêmes exclus. Cela fige toute exploitation sur cet historique et ne lui permet pas d'évoluer et termes de productivité, sans compter que cela va à l'encontre de l'agronomie de base qui procède par expérimentations et observations de terrain.
- chaque exploitant en zone vulnérable devra réaliser une analyse annuelle de sol (mesure du reliquat d’azote minéral présent dans le sol en sortie d’hiver) soi-disant afin d’alimenter un réseau régional d'observation, mais dont le résultat doit être conforme au calcul de l'équilibre azoté et être tenues à disposition en cas de contrôle. Cette analyse systématique risque d'être un outil moins efficace (et plus coûteux) que le bon sens et l'expérience du praticien.
- l'agriculteur devra réaliser des analyses sans doute coûteuses pour mettre à disposition des contrôleurs des données sur l'azote éventuellement apporté par l'eau d'irrigation, sachant qu'il est peu probable que cela ait un impact significatif sur le total des apports...
- le nombre d’éléments demandés pour le plan prévisionnel de fumure et le cahier d’épandage soit augmenté, sachant que le cahier d’épandage devrait être « actualisé après chaque épandage de fertilisant ». Alors qu'on prône la simplification, on fait tout pour que l’agriculteur délègue la gestion de ses documents d’enregistrement à un organisme agricole ou un bureau d’études.

4°/ Respect du plafond d'épandage d'azote contenu dans les effluents d’élevage.

Ce plafond est fixé par la directive nitrates à 170 kg/ha/an.
Les références employées pour évaluer la production forfaitaire annuelle d'azote organique des vaches laitières, sont relevées et modulées en fonction du niveau de production laitière et du temps de pâture. Cela est inacceptable, d'autant plus que cela jouera sur les capacités de stockage à détenir, alors que les mises aux normes sont faites. Cela montre bien à quel point on est loin de la réalité de l'éleveur. Alors que la pâture est considérée comme "plus naturelle" et les prairies comme bénéfiques en termes de piège à carbone, on pénalise les systèmes sur herbe. C'est à n'y rien comprendre, sauf à croire qu'on veut que tous les élevages laitiers se mettent à l'alimentation hors sol !

Conclusion : il faut produire pour assurer la demande alimentaire, mais à côté de cela on limite volontairement la production agricole. Cette consultation "publique" n'était que de façade : comment un citoyen moyen pourrait-il se prononcer sur des textes aussi techniques et sur lesquels des personnes plus averties elles-mêmes ont des doutes quant à la portée ? La CR espère que les textes seront revus de manière à favoriser le bon sens plutôt que l'arbitraire.

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