Monsanto a été condamné, le 10 août, à 289 millions de dollars de dommages et intérêts, dans un procès l’opposant à Dewayne Johnson, un jardinier californien ayant manipulé du glyphosate entre 2012 et 2014, avant d’être diagnostiqué en 2014 comme atteint d’un d'un cancer du système lymphatique. Alors que notre ministre de la Transition écologique voit dans ce verdict le début d’une « guerre contre les pesticides », la Coordination Rurale estime pour sa part qu’une telle décision doit être replacée dans son contexte judiciaire, scientifique et économique.

Un jury populaire ne vaut pas un comité d’experts scientifiques !

Aux États-Unis, la procédure civile a abondamment recours au jury populaire (un droit constitutionnellement garanti), soit habituellement 12 jurés tirés au sort. Lors de ce procès, ils ont dû se prononcer sur le lien cancer-glyphosate alors qu’aucun d’eux n’avait de formation médicale ou scientifique.

De plus, la procédure américaine est accusatoire : c’est aux parties (en pratique, à leurs avocats) d’apporter les éléments de preuve aux jurés qui prennent ensuite leur décision, selon leur intime conviction, sans que le juge n’intervienne, sauf pour faire respecter la procédure. Il ne faut donc pas oublier que les jurés sont plus soumis à l'émotion et à la compassion que des juges professionnels.

En matière civile, la règle est celle de "balance of probabilities" : pour que le juré soit convaincu, il suffit juste d'apporter un tout petit peu plus de preuves que son adversaire. Le procès est gagné s’il est établi une conviction qui dépasse les 50 %.

Enfin, le jury accorde, outre les dommages et intérêts compensatoires (en l’espèce 39 millions de dollars), des dommages et intérêts "punitifs" parfois exorbitants, en l’espèce 250 millions de dollars ! Ce chiffre n’est cependant pas une première aux USA puisqu’un fabriquant de talc a été condamné en août 2017 par un jury de Los Angeles à payer 417 millions de dollars à une plaignante et que le même a été condamné à payer par un tribunal du Missouri 4,69 milliards de dollars à 22 plaignantes ou leurs ayant-droits le 12 juillet dernier.

Glyphosate et cancer : ne pas inverser le consensus !

Le classement du glyphosate comme probablement cancérigène par le CIRC a été utilisé comme argument par l’avocat du plaignant. Or, ce classement est suspecté de fraude, comme le suggère une contre-enquête publiée par Reuters, et aucune autre agence, nationale ou internationale, ne considère le glyphosate comme probablement cancérigène : ni l’Anses, ni l’EFSA, ni l’ECHA, ni même encore l’OMS, organe de tutelle du CIRC. La Suisse estime quant à elle que les résidus de glyphosate dans les denrées alimentaires analysées ne présentent pas de risque de cancer, aucune mesure ne s'imposant sous l'angle sanitaire.

Le plaignant s’appuie en outre sur les « Monsanto Papers », série d’e-mails ayant fuité et censé démontrer le double-jeu de la multinationale. Mais prouver que la firme a essayé d'influencer les scientifiques ne revient pas à prouver qu'elle a réussi à le faire. Quoiqu’il en soit, si certaines études incriminent le glyphosate, d’autres, tout aussi sérieuses le disculpent.

Pas de résidus de glyphosate dans les produits français !

En l’état actuel des connaissances scientifiques, le glyphosate doit être maintenu tant cet herbicide est efficace, pratique et économique. Seules les utilisations en végétation sur des cultures développées (variétés génétiquement modifiées résistantes à l’herbicide et dessication de la culture en fin de cycle pour en faciliter la récolte) doivent être interdites, afin d’éviter la présence de résidus sur les grains récoltés.

Dans l’hypothèse où le glyphosate serait véritablement dangereux pour les consommateurs, outre son interdiction, il serait alors urgent de stopper toute importation de produits agricoles traités avec cette substance active (OGM, plantes dessiquées…), ce que nos responsables politiques français et européens refusent d’envisager, au nom du dogme du libre-échange… Ce refus est révélateur d’une autre guerre : celle faite aux consommateurs et aux agriculteurs !

Références :

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https://www.reuters.com/investigates/special-report/who-iarc-glyphosate/

https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-70705.html

L’OPG de la CR l’a démontré avec des analyses effectuées en novembre 2017 - analyses sur les tourteaux importés - synthèse des résultats.

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