Après Bruno Le Maire le 17 mai dernier, c’est au tour de la Cour des comptes de s’improviser spécialiste des questions agricoles et environnementales dans son rapport intitulé « Les soutiens publics aux éleveurs bovins » publié lundi 22 mai. Selon cette dernière, la France devrait réduire drastiquement son cheptel, qui « pollue » et n’est pas compétitif, voire coûte de l’argent public. Les sections Lait et Viande de la Coordination Rurale souhaitent revenir sur quelques extraits de ce rapport.

La Cour des comptes estime que « la baisse du cheptel n’entamerait pas la « souveraineté » de la France en matière de viande rouge à condition que les consommateurs suivent les recommandations des autorités de santé de ne pas en manger plus de 500 grammes par semaine ». En réalité, 82 % des français mangent déjà moins de 500 g de viande (toute viande confondue) en 2019 et les chiffres de consommation de viande sont en baisse. Sachant qu’aujourd’hui 1 steak sur 4 provient de l’étranger, la Cour des comptes légitimerait-elle le fait de signer des accords de libre-échange qui mettraient encore plus à mal la filière élevage, l’ouvrant davantage à la guerre concurrentielle des prix mondiaux ? Vouloir être plus vert sur notre territoire n’implique pas forcément d’aller produire une viande plus polluante à l’autre bout du monde.

Les auteurs du rapport avancent également que « la séquestration de carbone par les prairies où pâturent les bêtes est « loin de compenser les émissions » de l’élevage. Le bilan de l’élevage est principalement plombé par les rejets de méthane : la production de ce gaz au pouvoir très réchauffant […] ». Or, le méthane dégagé par les ruminants provient de la consommation de végétaux ; contrairement aux émissions de type « industrielles », il ne s’agit pas d’émissions fossiles. Pour rappel, le secteur du transport est le premier pollueur en France avec 30 % des émissions, suivi de l’industrie. Grâce aux efforts continus sur les techniques d’élevage, les émissions de GES de l’élevage ont baissé de 11 % en 20 ans en France, alors qu’elles ont augmenté de 5 % pour le transport depuis 1990.

Enfin pour la Cour des comptes, « si les revenus tirés de l’activité d’élevage bovin demeurent faibles, l’importance du capital mobilisé pour la conduire confère aux éleveurs un patrimoine professionnel important, financé, d’une part, par l’activité elle-même, et d’autre part, pour l’essentiel, par les aides publiques perçues ». Pourtant, selon l‘Observatoire de l’endettement et des trésoreries des exploitations bovines, 49 % des exploitations bovines (toutes productions confondues) ont un taux d’endettement élevé (annuités supérieures à 40 % de l’EBE). De plus, les aides publiques et européennes, lorsqu’elles ont été instaurées, s’appelaient « aides compensatoires », et étaient censées palier la différence entre prix de marché et coût de production, et ainsi permettre à la population de consommer des produits sains à des tarifs abordables.

Les éleveurs sont fatigués d’être le bouc émissaire permanent du réchauffement climatique, et voilà maintenant qu’ils seraient responsables de creuser la dette publique ? Que les auteurs de ce rapport se rassurent, l’érosion du cheptel bovin est bien lancée (1 million de vaches en moins depuis 10 ans, 200 000 rien qu’en 2022), tout comme le nombre d’agriculteurs qui s’effondre un peu plus d’années en années (- 100 000 éleveurs depuis 10 ans). À l’heure où le gouvernement s’efforce de réinsuffler un élan vers l’installation afin d’assurer notamment le renouvellement de la population agricole pour garantir la souveraineté alimentaire du pays, la Coordination Rurale doute que ce genre de rapport pousse les jeunes vers les métiers agricoles…

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