Les paysages français sont intiment liés à l'élevage, et les Français sont malgré tout attachés à cette production qui a su au fil du temps se moderniser tout en conservant un savoir-faire et une bonne image.

Personne ne pourrait envisager de voir cette production disparaître. Et pourtant, la CR sans vouloir être alarmiste, craint énormément pour l'élevage. Sans une prise de conscience collective de la situation de la production de viande bovine, la réalité pourrait en être ainsi, en particulier dans les zones intermédiaires, dans lesquelles coexistent encore productions végétales et animales.

Alors que la demande mondiale en viande bovine augmente, laisserons-nous péricliter nos savoir-faire et nos outils de production ?  Il est malheureux de rappeler que l'UE est déjà déficitaire (viande de gros bovin). L'écart entre production et consommation pourrait même se creuser si les éleveurs allaitants ne retrouvent pas rapidement un digne revenu. Les demandes de la CR dans ce domaine sont pourtant simples : réguler la production par des organisations de producteurs transversales et indexer les prix de vente sur les coûts de production. Ainsi, la production de viande bovine deviendra rentable et attractive pour les candidats à l'installation, qui sont actuellement face à une équation impossible : forte demande en capital et travail à perte.

Au lieu de cela, les politiques s'obstinent dans des mesures qui n'apportent aucune solution car elles ne s'attaquent pas aux problèmes structurels de la production. Le plan de sauvetage de l'élevage en est une nouvelle illustration. A la veille d'une nouvelle réforme de la PAC, il est nécessaire  de rappeler à quel point la production de viande bovine est importante. Le poids de la France, premier cheptel allaitant dans l'Union Européenne, devrait nous conférer un rôle moteur dans la défense de cette production. Malheureusement les grandes lignes déjà dessinées de la PAC à venir n'ont aucune ambition en matière de régulation, laissant les producteurs dans le jeu mortel de l'offre et de la demande sur le marché mondial.

 

I - Une triste photographie de l'élevage bovin allaitant

 

Les  responsables politiques ne semblent pas prendre la mesure des difficultés des éleveurs de bovins viande. C'est pour cela qu'il nous est primordial de connaître cette filière en profondeur afin de comprendre les erreurs qui ont conduit les producteurs dans une telle impasse. Il existe des conditions qui devraient favoriser cette production et pourtant, le nombre d'éleveurs ne cesse de diminuer, notre potentiel de production s'affaiblit peu à peu, car la production de viande bovine n'est
pas rentable en France. Sans un changement politique radical, cette activité va disparaître au fur et à mesure que les éleveurs partiront à la retraite sans être remplacés.

Consultez ici le RCAI par UTANS (de 1988 à 2012)

1) Le revenu le plus faible du secteur agricole

Le revenu des éleveurs bovins viande  est depuis des années très inférieur à celui de l'ensemble des exploitations françaises (illustration 1). Depuis 2007, il est ainsi de 45 à 55 % inférieur. 2009 fait tristement exception avec un écart moins important qui s'explique non pas par une augmentation du revenu des éleveurs, mais par une baisse de celui de l'ensemble des agriculteurs. Or, les capitaux qui doivent être engagés pour parvenir à une installation en élevage bovin viande sont très importants (bâtiment, cheptel, …) avec un cycle de production très long qui freine l'amortissement des investissements. Dans ces conditions, il est facile de comprendre pourquoi cette activité n'attire plus les candidats à l'installation, pourquoi les moyens de production ne se modernisent plus et pourquoi les exploitations disparaissent.

Illustration 2: Répartition régionale des exploitations bovin viande (source agreste)

Illustration 3: Revenu moyen des exploitations par région


Il existe de fortes corrélations entre la répartition géographique des exploitations bovins viande (illustration 2) et le revenu moyen agricole régional (illustration 3). Cela confirme que la production bovine souffre d'un fort manque de rentabilité comparativement aux autres productions dans leur ensemble. Ce phénomène est très inquiétant pour les régions à dominante élevage qui pourraient voir tout leur secteur agricole fortement décliner. Pour ces territoires, il est primordial de conserver cette activité qui constitue le premier maillon de l'économie. Ils subissent non seulement la disparition des éleveurs, mais également celle des outils de transformation qui se concentrent petit à petit dans le Grand Ouest. Il est important que les régions d'élevage conservent ces outils par l'intermédiaire par exemple de coopération public-privé. Il ne faudrait pas affaiblir encore plus ces territoires et les éleveurs en laissant disparaître les outils de transformateurs, pourvoyeurs d'emploi et de valeur ajoutée.
Dans les régions intermédiaires dans lesquelles cohabitent productions animales et productions végétales, l'élevage risque également de disparaître petit à petit, ce qui pourrait conduire à une dangereuse spécialisation des régions agricoles.

2) De moins en moins d'exploitations et des éleveurs vieillissants

Illustration 4: Evolution comparative du nombre d'exploitation bovin viande et du nombre d'exploitation entre  2000 et 2010 (source agreste)

Le tiers des élevages bovins viande français a disparu entre 2000 et 2010, une diminution plus rapide que celle de l'ensemble des exploitations agricoles (voir illustration n° 4). La France compte aujourd'hui 128 000 éleveurs de bovins viande, avec une très grande diversité de profils.  Environ 60 000 exploitants ont des troupeaux de plus de 20 vaches et regroupent 80 % du cheptel. Ce noyau a été relativement stable entre les années 90 et  le milieu des années 2000. Leur nombre tend ensuite à régresser, mais de manière moins rapide que l'ensemble des élevages.

Depuis 2010, date du dernier recensement agricole, l’hécatombe s'aggrave. Les cessations laitières et les reconversions « lait-viande » atténuent quelque peu cette évolution structurelle, mais la pyramide des âges des éleveurs est aussi particulièrement inquiétante. Ainsi, la chute du nombre d'installations conduit à un vieillissement de la population des éleveurs. Ce phénomène a des impacts importants sur le potentiel de production de l'élevage français : les restructurations sont minimes et les outils de production vieillissent.

3) La baisse du cheptel allaitant tend néanmoins à se réduire

Le nombre de vaches allaitantes, estimé en 2012 à 4,2 millions de têtes, est en recul de 2,5 % par rapport à 2011 (illustration 5) . Cette décapitalisation, importante en 2012  devrait  ralentir en 2013, pour diverses raisons. En effet, de nombreux phénomènes peuvent avoir un impact fort sur le cheptel, même si, à première vue, ils ne sont pas directement liés à l'élevage allaitant. Il faudra cependant attendre plusieurs années avant de retrouver une stabilisation du cheptel et même davantage pour atteindre  un potentiel de production équivalent à celui de la fin des années 2000 soit environ 4,35 millions de têtes.

Illustration 5: Evolution du nombre de vaches allaitantes et de vaches laitières entre 2008 et 2011

Les prix à la production ont connu une tendance haussière ces dernières années, ce qui constitue un signe encourageant qui pourrait stimuler l'augmentation du cheptel. Cependant, cette hausse n'est pas en mesure de compenser celle des coûts de production, et le revenu actuel des éleveurs ne permet pas une capitalisation rapide. La fragilité économique des élevages les laisse plus que jamais sensibles à la moindre variation de leur environnement (économique, climatique, sanitaire, social, environnemental…). Il est donc probable que la reprise de la capitalisation, ou du moins la baisse de la décapitalisation du cheptel allaitant, se fasse non pas en conservant plus de génisses de renouvellement, mais bien en conservant des vaches en fin de carrière. Ainsi, l'âge moyen de réforme devrait augmenter légèrement, ce qui induirait une baisse des disponibilités sur le marché des femelles adultes.

- La situation actuelle des producteurs de lait et la fin proche des quotas laitiers laissent planer beaucoup d'incertitude sur l'évolution du cheptel allaitant pour les années futures. Dans les zones où le terrain ne se prête pas bien aux cultures, les éleveurs laitiers en difficulté mettent souvent en place un atelier d'engraissement dans leurs bâtiments existants pour compléter leur revenu, voire se reconvertissent complètement en allaitants, ce qui fait varier les volumes produits de façon non négligeables. Lors de la fin des quotas, il est possible que certains éleveurs laitiers arrêtent des ateliers secondaires d'engraissement de jeunes bovins pour ré-augmenter leur production laitière, ce qui influera sur le commerce de broutards et d'animaux finis.

4) Une production de viande presque revenue à son niveau de 2010

Après une année 2011 marquée par la sécheresse qui a conduit à une forte décapitalisation du cheptel faute de nourriture (nombre de vaches abattues : + 7,7 % entre 2010 et 2011), le nombre d'animaux abattus en France s'est rétabli  à son niveau de 2010. Il faut cependant noter une disparité d'évolution  selon les catégories (voir illustration 6).


Illustration 6: Evolution du nombre d'abattage par catégorie d'animaux entre 2008 et 2012 (source institut de l'Elevage)

 

Entre 2010 et 2012, les abattages de vaches ont légèrement augmenté, alors que ceux de jeunes bovins et de bœufs ont respectivement baissé de 7,4 et 18,5 %. En 2012, la production de jeunes bovins a pâti du manque de disponibilité de broutards de 2011, à cause d'une augmentation des exportations d'animaux maigres. Cette évolution devrait se poursuivre en 2013. La production de bœufs continue de baisser, comme depuis 40 ans. Elle ne représente aujourd'hui qu'environ 7 % de la viande produite en France.

En ce qui concerne les animaux maigres, il manque en décembre 2012 comparativement à fin 2011 environ 16 000 mâles de 10 mois et 17 000 femelles du même âge. Le manque en femelles pourrait devenir plus important puisque qu'une partie d'entre elles pourrait participer à la recapitalisation du cheptel souche. Pour la filière mâle, les conditions économiques devraient également entraîner une baisse de la demande, avec notamment la réduction du niveau de production de nos principaux clients en Italie.


Illustration 7: Production, commerce extérieur et consommation de viande bovine en France en 2011 et 2012 (source Institut de l'Elevage)


Quant au commerce extérieur, (illustration 7), les exportations de viandes (animaux vivants, viandes fraîches, congelées ou transformées) ont globalement augmenté depuis 2008, avec une régression tout de même entre 2011 et 2012. En 2012, sur le secteur de la viande de gros bovin, la France est déficitaire d'environ 50 000 tonnes équivalent-carcasse (tec) alors que la consommation a diminué l'an dernier de 1,5 %. Notre production n'est donc plus en mesure de fournir la demande intérieure, elle l'est encore moins de nourrir la planète comme certains l'imaginent ! Au cours des dernières années, l'exportation, en particulier celle d'animaux vivants destinés à l'abattage, a permis de réduire la mainmise de l'oligopole de l'abattage sur le marché français. L'élevage bovin viande français possède certes des atouts pour intéresser les marchés extérieurs mais pour combien de temps encore ?

CONCLUSION

Dans ce contexte, les années 2015 à 2020 constitueront un virage important pour l'élevage allaitant. Si aucune mesure n'est mise en place pour favoriser l'installation et si le revenu des éleveurs n'augmente pas, ce qui pousse, dans des zones intermédiaires, à abandonner cette activité, la production de viande bovine pourrait connaître le sort de la production ovine. L’Institut de l’Élevage envisage l'évolution démographique des éleveurs sous 3 scénarii :

  • maintien de l'activité au-delà de 65 ans, faute de repreneur, par un recours à la main d’œuvre salariée. Cependant, il faut pour cela que l'élevage devienne rentable  pour dégager de quoi payer un salaire,
  • restructuration accélérée par la reprise de grandes exploitations par d'autres grandes exploitations, ce qui conduirait à avoir des troupeaux moyens d'environ 120 vaches mères (contre environ 60 actuellement pour les exploitations spécialisées). Ce type d'exploitations existant déjà, cette option serait la plus vraisemblable selon l'Institut de l'Elevage
  • rebond démographique qui ne pourrait avoir lieu que dans des conditions économiques favorables. Pour la CR ces conditions ne pourraient être permises qu'à condition de mettre en place une véritable réforme de la PAC.


L'avenir de l'élevage bovin viande est inquiétant. Les pouvoirs publics français et européens ne semblent pas en prendre la mesure. Sans doute espèrent-ils que dans certaines zones, les cheptels se maintiendront, non pas à travers une rentabilité économique retrouvée, mais parce que le potentiel agronomique local ne permet pas d'autres productions. Pour la CR, il est impossible d'attendre et de voir s'affaiblir encore cette production essentielle sur le plan économique, démographique, environnemental, …

Toutes les évolutions de réglementation, toutes les réformes successives de la PAC ont conduit les producteurs de viande bovine dans une situation très complexe qui nécessite aujourd'hui un changement radical. La baisse du potentiel de production et la diminution du nombre d'éleveurs ne pourront être inversées qu'à partir d'une volonté politique qui devra remettre les producteurs  au centre de toute la filière. La France affiche désormais, malgré le plus important cheptel allaitant d'Europe, un déficit de production. Ce point est particulièrement inquiétant. Ce déficit rappelle le triste scénario qu'a subi la filière ovine. Il est impératif d'agir rapidement, et d'agir vraiment pour que l'élevage bovin viande conserve un avenir en France.     


ENCART COUT DE PRODUCTION :
« Les éleveurs vendent depuis des années leurs productions, maigres ou grasses, à perte. »

Afin d'illustrer nos propos, nous vous présentons ci-dessous le calcul d'un coût de production pour un taurillon charolais qui aurait été engraissé entre février et décembre 2012. Les calculs présentés ne prennent pas en compte le revenu de l'éleveur ni celui du capital engagé dans la production, et déjà les prix de vente sont inférieurs de 100 € aux prix de revient de l'animal. Dans une telle situation, est-il possible d'envisager sereinement de produire des taurillons en France ? De plus, les cours des matières premières agricoles entrant dans l'alimentation des animaux n'étaient pas, au début de la période d'engraissement, encore très élevés. Aujourd'hui, si un éleveur choisit d'engraisser des animaux, il doit acheter du tourteau du soja à plus de 450 €/T (source ITP) sans compter les frais de transport et de stockage.

Depuis 2005, les coûts de production en viande bovine ont connu des fluctuations importantes, mais la tendance générale est à l'augmentation. L'augmentation du prix des matières premières agricoles en 2012, et en particulier celui des céréales et des protéines a conduit les éleveurs à résoudre une équation impossible ! Les évolutions rapides et importantes des coûts de production sont incompatibles avec des productions à cycles longs comme la viande bovine. La moindre fluctuation des marchés fragilise considérablement les exploitations bovines.

Consulter ici le tableau d'estimation des coûts de production d'un taurillon

II ) Malgré la situation, pas d'actes politiques forts


Il est indéniable que la situation des éleveurs s'aggrave, dans l'attente d'une nouvelle sécheresse, d'une nouvelle épidémie, …. qui pourrait être fatale à beaucoup d'entre eux. La CR le réclame depuis des années, il est nécessaire de mettre en place des mesures spécifiques pour cette production extrêmement fragile. Il y a un peu plus d'un an, M. Le Maire, le précédent Ministre de l’agriculture, avait proposé un plan d'aide de 8 millions d'euros pour la production de jeunes bovins. Pour être éligible à cette aide, les producteurs devaient signer un contrat de production engageant au moins 50 taurillons ou génisses. La CR s'était, à l'époque, opposée, pour plusieurs raisons, non pas à l'aide mais à ses modalités d'attribution et à son enveloppe plutôt légère. Cette aide n'est plus d'actualité car S. Le Foll a tout simplement décidé de l'annuler en oubliant ainsi tous les producteurs qui avaient signé des contrats de production… sans prix. Après plusieurs annonces partielles qui ont ponctué chaque sortie du Ministre, il a fallu attendre le printemps 2013 pour connaître les modalités du Plan de soutien à l'élevage bovin et à la filière viande en particulier. Après une si longue période de réflexion, nous étions en droit de nous attendre à un véritable « choc » de soutien.

1)    20 millions d'euros injectés dans la production de viande bovine ?

Il faut reconnaître au Ministre de l'agriculture un certain talent en communication. Avec au final une mesure qui aura un impact minime sur les producteurs spécialisés de viande bovine, il a su occuper la scène médiatique à de nombreuses occasions. Le Plan de soutien pour l'élevage en France est au final doté d'une enveloppe de 44 millions d'euros, dont 20 millions pour la production de viande bovine. Il s'agit en réalité, non pas d'un nouveau budget dédié à l'agriculture, mais d'un redéploiement d'une partie des aides du premier pilier de la PAC.
Concernant les éleveurs allaitants, 20 millions d'euros sont répartis sur deux aides (les demandes d'aides doivent être déposées avant le 15 mai - télécharger les formulaires ci-dessous) :

https://www3.telepac.agriculture.gouv.fr/telepac/pdf/taa/2013/Nouvelles-aides-elevage-2013_formulaire-notice.pdf

- Aide à l'engraissement de jeunes bovins pour 8 millions d'euros

- Aide à l'élevage de vaches allaitantes pour 12 millions d'euros.

La section viande de la CR n'espère rien de ce plan, qui n'aura aucun effet sur le revenu des producteurs. Il s'agit, malgré un budget de 20 millions d'euros, d'un nouveau coup d'épée dans l'eau. La situation est tellement catastrophique qu'il aurait peut-être été préférable d'utiliser cette enveloppe pour une aide à la cessation d'activité.

  • Un ciblage inadapté


Le Plan de soutien cible directement les nouveaux installés (activité débutée entre le 16 mai 2008 et le 15 mai 2013) et les récents investisseurs (PPE ou PMBE réalisés entre 1 janvier 2007 et le 31 décembre 2012).
Comme nous l'avons dit par ailleurs, les installations en élevage bovin viande sont délicates car elles demandent des capitaux importants alors que les premières ventes sont bien souvent longues à venir. Pour la CR, il est donc important d'aider les jeunes installés dans ce secteur, bien que les difficultés ne s'arrêtent pas au bout de 5 ans d'installation en période « normale ».... alors que dire en période de « crise » ! Il est difficile d'estimer le nombre d'éleveurs qui s'installent en production bovine, mais il serait d'environ 2000 par an, soit sur la période d'éligibilité, environ 12 000 producteurs concernés. Cette condition semble alors écarter de nombreux producteurs sur les 128 000 producteurs en France, ce qui pour la CR est inacceptable. De plus, même s'il semble que les nouveaux installés hors aides à l'installation sont théoriquement éligibles les conditions d'attributions sont proches de celles des aides à l’installation (Plan de professionnalisation Personnalisé, Plan de développement d'exploitation, …)  Ainsi, le nombre de bénéficiaires potentiels se réduit encore, ce qui induira un impact très faible sur la filière.
La circulaire de présentation de ces aides précise également que les récents investisseurs pourront en bénéficier. Pour la CR, il est scandaleux d'exclure de cette aide des exploitants qui faute de moyens financiers ont préféré retarder des investissements pour ne pas fragiliser leur exploitation. Chaque année, environ 7000 exploitants réalisent un PMBE. Il est difficile de connaître la proportion d'éleveurs bovins viande parmi eux, mais en tout état de cause, cette condition élimine de nouveau de nombreux exploitants.
La production de viande ne permet pas d'obtenir un revenu suffisant, il paraît donc primordial pour la CR, de se baser sur des conditions d'éligibilité privilégiant les producteurs spécialisés.

 

  • Le retour de l'aide à l'engraissement


La première mouture de l'aide à l'engraissement, version « Barnier » avait fait couler beaucoup d'encre au sein de la profession agricole. La CR avait émis de vives critiques tant sur ses modalités d'attribution (contractualisation, seuil de 50 JB, …) que sur son annulation. Nos propositions à l'époque n'avaient pas été retenues, et elle ne semblent pas avoir trouvé un meilleur écho cette fois.  Le Plan de soutien propose une nouvelle aide à l'engraissement doté d'un budget de 8 millions d'euros qui rappelle étrangement celui de la première version. S'il existe une raison de se réjouir de cette aide, c'est l'abandon de la contractualisation. Cependant, il faut préciser que pour être éligible, les jeunes bovins devront être abattus en France. Il s'agit, pour la CR, d'une nouvelle façon de subventionner les outils d'abattage alors que le ministre, il y a quelques mois, vantait les mérites de l'exportation. Ainsi, la volonté d'exporter porte bien plus sur la viande que sur les animaux vifs prêts à être abattus, laissant ainsi tout le loisir aux groupes d'abattage de gérer le marché, ce qu'ils font très bien à leur avantage.

En fixant un seuil de 21 jeunes bovins, cette aide ne privilégie pas les producteurs spécialisés comme la CR l'avait proposé en 2012. Ainsi les conditions d'accès (nouveaux installés et récents investisseurs) sont restrictives d'un côté, et par contre très larges au niveau des seuils de production. Ainsi, il est très difficile de voir dans quelle mesure l'aide unitaire de 60 € sera utile aux bénéficiaires, mais son impact sera très faible au regard de la production. De plus, les producteurs ont besoin de mesures d'urgence, alors que ces financements ne leur parviendront qu'en 2014 puisqu'il s'agit des animaux abattus jusqu'au 31 décembre 2013. Par ce biais, cette aide est une nouvelle fois reportée...

  • Une aide complémentaire à la PMTVA


Sur les mêmes critères d'éligibilité, le Plan de soutien prévoit, pour un budget global de 12 millions d'euros, une prime supplémentaire à la vache allaitante avec un plafond de 40 primes par exploitation. Le montant unitaire sera fixé en fin de campagne en fonction du nombre de demandes. Le cheptel allaitant français est détenu à 68 % (chiffre 2011 – Institut de l’Élevage) par des exploitants ayant plus de 40 vaches. Une nouvelle fois, cette aide va échapper aux producteurs spécialisés. Une partie non négligeable du cheptel, sans compter les conditions d'accès, ne pourra  pas en  bénéficier.

2)    Une réforme d'un budget plutôt qu'une réforme de la PAC.

Comme à chaque nouvelle renégociation de la PAC, les premières discussions portent sur le budget. L’Union Européenne cherche ensuite à faire des compromis pour que les mesures s'adaptent au budget. Pour l'avenir de l'Agriculture en Europe, le bon sens voudrait pourtant qu'on se fixe un cap et qu'on adapte le budget ensuite. La manière employée ne permet aucune évolution favorable.
Les discours des hommes politiques tendent vers une réorientation en faveur de l'élevage, mais  c'était déjà le cas lors du « bilan de santé »  dont les conséquences  ne sont guère encourageantes.

Les positions des différentes strates de l'Union Européenne divergent encore sur de nombreux points. La Commission et le Parlement ne cessent de se renvoyer la balle, sans compter les Ministres de l'agriculture qui veulent imposer leur point de vue.
Cette réforme affiche clairement sa volonté de faire disparaître les références historiques ayant servi de base pour le calcul des DPU actuels. Petit à petit, il va falloir tendre vers un Droit à Paiement de Base (DPB) unique en Europe. La première étape de ce processus semble devoir se dérouler au niveau régional. Cette évolution, couplée à l'éligibilité de nouvelles surfaces et à un budget global en baisse, risque de d'amputer le volume d'aide des éleveurs de manière importante. Ces  aides, à cause du système actuel, représentent pourtant, pour beaucoup d'éleveurs, plus que leur revenu. D'autres mesures pourraient également faire diminuer le montant des aides perçues par les agriculteurs en général et par les éleveurs en particulier. Par exemple, l'Europe prévoit de réserver une partie du budget de la PAC à des dispositifs de développement rural pilotés par les régions. En fonction des modes d'utilisation de ces financements, il pourrait se créer des disparités importantes entre les régions.

Verdissement des aides :
L'Union Européenne est très prolifique en réglementation et souhaite, à l'occasion de cette nouvelle réforme de la PAC, renforcer le concept de la conditionnalité à travers le verdissement des aides. Le principe est une nouvelle fois de contraindre les demandeurs à diverses obligations environnementales. Il sera nécessaire, si les propositions restent en l'état, pour ne pas être privé de 30 % des paiements directs de :
1)    pour les exploitations de plus de 30 ha, ne pas avoir une culture principale recouvrant plus de 70 % de son assolement ou deux cultures représentant plus de 95 % (hors prairies permanentes). Les exploitations de moins de 30 ha peuvent n'avoir que deux cultures.
2)    maintenir les prairies permanente à leur niveau de 2014. Il ne sera possible de convertir que 5 % des prairies,
3)    consacrer 5 % de la SAU hors SFP à des cultures d'intérêt agro-écologique.

Au moment où les éleveurs doivent faire face à une hausse de leur coût de production et en particulier des coûts alimentaires, Bruxelles va leur porter un coût très dur. Ils  ne pourront plus faire évoluer leur exploitation ni leur système alimentaire. Ainsi, ils ne pourront pas s'adapter à la modification de l'environnement économique, comme une hausse des prix des céréales ou des protéines, ni même à des conditions particulières. Cette réforme en vue est loin d'être un cadeau fait aux éleveurs !

Augmentation de la dotation aux premiers hectares :
Le Ministre français de l'agriculture milite pour une mettre en place une surprime pour les 50 premiers hectares alors que depuis des années de nombreuses mesures visant à encourager l'extensification sont mises en place et qu'en élevage, le revenu par hectare est déjà très faible.

La réforme de la PAC a pris du retard mais ce n'est pas pour s'améliorer. Il n'y aura pas de réelle volonté de prendre un virage décisif en faveur de l'agriculture. La CR regrette ce manque d'ambition qui pourrait être fatal à l'élevage malgré ce qu’en disent les hommes politiques, qui tentent, tels des VRP, de nous vendre cette réforme difforme. L'Union Européenne continue d’appliquer un principe de subvention qui, compte tenu de la situation des producteurs de viande bovine, ne fonctionne pas. La CR et sa section viande envisagent une PAC protégée aux frontières de l’UE qui encadre les productions et les marchés pour garantir des prix assurant un digne revenu aux agriculteurs. La création d'organisations de producteurs  transversales est indispensable pour redonner un espoir à cette activité, qui n'aura pas le temps d'attendre une nouvelle réforme.


CONCLUSION :
Malgré quelques signes encourageants, tels que des cours haussiers ou une diminution de la décapitalisation du cheptel, la filière bovins viande traverse une période très délicate. L'ensemble des indicateurs économiques des exploitations est dans le rouge. Beaucoup d'entre elles ont cessé d'investir pour préserver un semblant de trésorerie. Dans les conditions actuelles, cette activité n'est tout simplement plus rentable et, par conséquent, elle n'est pas attractive pour les candidats à l'installation. Face à des éleveurs vieillissants, trop peu de jeunes agriculteurs se lancent dans cette production. L'immobilisme des pouvoirs publics et des représentants agricoles a peut-être trop duré pour espérer une amélioration de la démographie des éleveurs dans les années proches. Des procédures d'installation spécifiques à cette production doivent être rapidement mises en place en prenant en compte les besoins importants en capital et le long cycle de production.

Les représentants de la section viande de la CR en sont convaincus, ce n'est pas par des primes que les éleveurs retrouveront un revenu. Le Plan de soutien de Le Foll, qui se veut être une mesure d'urgence, ne sera perçu par les éleveurs qu'en 2014... pour ceux qui pourront en bénéficier ! En 2013, ils n'auront toujours rien, si ce n'est le plus faible revenu du secteur agricole. Il ne faut donc rien espérer du gouvernement qui n'a pas pris la mesure de la situation. L'Union Européenne non plus à en juger par le projet de réforme de la PAC ! La prochaine PAC sera à l'image de la précédente : incapable d'assurer un revenu aux producteurs. Les marchés ne seront toujours pas encadrés, les éleveurs continueront à vendre en dessous des coûts de production,... jusqu'à quand ? Il y aura tout de même une modification : les soutiens de l'Europe seront moins importants (baisse du budget, augmentation des surfaces éligibles, …) alors qu'à travers le verdissement, les contraintes seront plus importantes. Cette nouvelle réforme est encore une occasion manquée de faire remplir ses missions stratégiques à l’agriculture européenne, ce que l’UE risque de payer très cher à l’avenir.


ENCART CVO Céréaliers ELEVEURS

X. Beulin : l'agent tous risques de l'élevage !
Face à la situation des éleveurs (hausse des coûts alimentaires, manque de rentabilité, …), le président de la FNSEA a endossé son habit de super héros et a proposé une solution imparable : les céréaliers gagnent de l'argent, demandons leur d'en donner un peu aux éleveurs ! Pour la CR, c'est une solution très simple mais surtout très simpliste.
Lorsque le président de la FNSEA a daigné quitter les hautes sphères du pouvoir pour regarder un peu les producteurs, il a bien été forcé de constater la situation de l'élevage en France. Il a donc agi en faisant mine de force et conviction et proposé un fonds de solidarité céréaliers-éleveurs sur la base du volontariat. Cela sous-entend forcément que les céréaliers gagnent trop d'argent et que les éleveurs doivent aller mendier. La base du volontariat n'ayant connu qu'un très faible écho, il  est désormais question de créer une CVO pour alimenter ce fonds visant à aider les investissements dans les énergies renouvelables.
Il est difficile d'en vouloir à une personne qui cherche des solutions, mais peut-être faut-il lui conseiller de rechercher en profondeur les raisons des difficultés de l'élevage. Il aurait probablement trouvé une succession de mauvaises orientations induites par la co-gestion.
Pour la CR et sa section viande, il est totalement stupide de dire que les céréaliers réalisent trop de bénéfices quand ils gagnent correctement et momentanément leur vie. C'est pour cela que la CR propose, entre autre, d'autoriser la vente directe des céréales entre producteurs et éleveurs et d'indexer les prix de vente des produits animaux sur les coûts de production et donc sur celui des céréales. Cela permettrait de résoudre le problème du coût alimentaire qui est bien celui qui préoccupe les éleveurs.


ENCART Méthanisation

L'élevage français aurait-il loupé la révolution des énergies vertes ?
La France se réveille tardivement et le Ministre de l'agriculture ambitionne 1000 méthaniseurs à l'horizon 2020, alors que l'Allemagne en compte environ 8000. Le constat est douloureux et il faudra mettre en place des mesures volontaristes pour combler ce retard.
A l'heure où tout le monde parle de verdissement dans le cadre de la réforme de la PAC, il semble que l'élevage français ait manqué le virage des énergies renouvelables. Pourtant des pays européens, comme l'Allemagne ont compris depuis longtemps l'intérêt d'associer la méthanisation aux productions animales. Alors que les PMBE (Plan de Modernisation des Bâtiments d’Élevage) finançaient en France des fumières couvertes, les systèmes équivalents allemands encourageaient déjà la méthanisation. Ainsi, les élevages allemands disposent aujourd'hui d'installations amorties apportant un revenu complémentaire à l'exploitation.
 Pour la CR, la méthanisation est un moyen d'apporter une nouvelle source de revenu dans les exploitations... ce qui n'est pas un luxe à l'heure actuelle, même si cela ne résout pas le problème de fond des prix inférieurs aux coûts de production. Il est nécessaire pour cela que la méthanisation s'adapte aux élevages et en particulier à leur taille. Actuellement, il faut des grosses structures pour supporter des méthaniseurs qui doivent avoir une puissance d'environ 130 à 150 kw pour être rentables. Ce type d'installation demande des investissements lourds, de l'ordre de 1,2 million d'euros. Dans de très nombreux cas, ils doivent être portés par des structures collectives souvent initiées par des industriels. La CR porte un œil critique sur les structures qui voient le jour actuellement et craint que les éleveurs ne soient considérés au final comme des simples fournisseurs de matières premières et de surface d'épandage, sans jamais en retirer un bénéfice financier. Il est primordial pour la CR, que les agriculteurs soient majoritaires dans ces structures pour éviter toute dérive.
La CR considère que la méthanisation individuelle est possible à condition que la recherche technologique soit orientée dans ce sens. Afin de permettre un développement rapide de la méthanisation, il est préférable d'encourager les installations de méthaniseurs d'une puissance d'environ 80kW qui s'adaptent bien aux exploitations de 120 vaches. Cela permettra d'apporter un revenu complémentaire au sein même des élevages.

Encart Coopération

Il est urgent de reprendre en main le secteur coopératif.
Depuis plusieurs années, la CR émet des avis très critiques sur le fonctionnement des coopératives agricoles. La récente affaire de la viande de cheval, dans laquelle est impliquée une filiale d'une coopérative, apporte une nouvelle fois l'exemple d'un fonctionnement déviant. Il est nécessaire d'organiser des États Généraux de la Coopération afin de remettre les producteurs au centre de ces structures.

Les exemples de dysfonctionnement du système coopératif ne manquent pas depuis plusieurs années.
- 2013 : Escroquerie à la viande chevaline : Une filiale d'une coopérative semble être à l'origine d'un scandale européen, dans lequel la viande est considérée comme un simple bien permettant de faire du profit.
- 2013 : Huit coopératives porcines sont condamnées pour entente illicite visant à faire baisser les prix du porc payé aux producteurs.
- 2013 : Le tribunal de Toulouse juge critiquable les opérations d'adhésions syndicales forcées organisées par des coopératives.
- 2012 : Deux coopératives créent un géant du blé dur afin de créer un quasi-monopole pour étouffer la concurrence et imposer ses prix aux producteurs.
- 2012 : Des coopératives céréalières sont condamnées pour entente illicite sur le prix de la farine.
- 2012 : Invivo a été condamnée à 500 000 euros d’amende par la justice belge pour avoir corrompu un fonctionnaire de la Commission européenne en échange d’informations confidentielles sur les prix des marchés de céréales.

La CR n'est en aucun cas opposée aux coopératives. Elle demande simplement que celles-ci remplissent leur rôle : regrouper l'offre et travailler sur des débouchés rémunérateurs pour assurer un revenu aux producteurs. Au lieu de cela, elles se comportent, pour certaines, comme des entreprises privées multinationales en recherchant toujours un maximum de profit sans que les adhérents n'en bénéficient. Leur seul objectif est de toujours grossir en créant ou en rachetant des outils de transformation avec l'argent des adhérents. Pour en finir avec ce système,  la Coordination Rurale demande que :
 - les coopératives redeviennent un outil au service des producteurs et que ces derniers ne soient plus considérés comme des apporteurs enchaînés de matière première.
 - l’État exerce un véritable rôle de contrôle sur l'activité et les comptes des coopératives à travers un organisme totalement indépendant ce qui n'est pas le cas du Haut Conseil à la Coopération étant donné qu'il n'est pas ouvert au pluralisme syndical.
 - les coopératives retrouvent des tailles humaines contrairement à ce que prône Coop de France qui encourage les coopératives a toujours plus s'agrandir et même à s’internationaliser. Alors que les fondements du système coopératif est de défendre les coopérateurs sur le modèle du mutualisme, Coop de France l'intègre totalement à la mondialisation : toujours plus de profit en trouvant des matières premières toujours moins chères.







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