La Convention citoyenne pour le climat (CCC), regroupant 150 citoyens tirés au sort chargés de formuler des propositions sur les questions climatiques, a rendu publics les résultats de ses travaux le 21 juin dernier. À travers 149 propositions, ils tentent de réinventer de nouvelles façons de se déplacer, de consommer, de se loger, de produire, de travailler et de se nourrir, afin de réduire de 40 % (par rapport à 1990) nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Sans mettre en discussion l’engagement et le dévouement de ces citoyens ayant participé au débat, la CR s’interroge sur la représentativité qui peut être attribuée à 150 personnes. Et ce d’autant plus que 50 % des premiers tirés au sort ont refusé et qu’ils ont dû être remplacés. Il aurait été nécessaire d’éclaircir la raison de ces refus qui pourrait notamment s’expliquer par le total désintérêt du thème choisi pour la convention. Cet arrangement cache mal une certaine malhonnêteté intellectuelle… Nous comptons un seul agriculteur parmi les citoyens de la convention. Cela est pour le moins inquiétant alors qu’il s’agit de préconisations qui auront un impact sur 100 % des agriculteurs français !
Gilets verts bien plus que Gilets jaunes
Si on dépasse ce premier biais, on se retrouve immédiatement face à un deuxième : la composition à peine orientée des experts ayant accompagné la convention citoyenne. Le rôle de ces personnes étant d’animer les débats en fournissant des éléments d’information, en relançant certains sujets ou en posant des questions, il est clair que le choix de ces personnes n’est pas anodin. Alors que les experts scientifiques de l’énergie et du climat sont pratiquement absents, on retrouve parmi les animateurs de très nombreuses personnalités ayant toutes un passé ou un présent de syndicalistes, de militants d’organisations écologiques, d’affiliés à des partis politiques écologistes ou à gauche de l’échiquier politique (1). Un acte de confiance risqué pour une convention qui a l’ambition de voir ses propositions transposées dans la loi et même dans la Constitution.
Les Français seront appelés à se positionner par referendum sur des questions vouées à influencer la politique énergétique, climatique et environnementale du pays et à impacter les domaines les plus importants (consommation, logement, transport, alimentation), mais malheureusement il est trop peu question de questions sociales !
Des initiatives d’envergure pour l’agriculture
Les personnalités invitées à éclairer l’assemblée des citoyens n’ont que 10 minutes pour s’exprimer et donner leur analyse et faire part de leur expérience. Pour l’agriculture deux représentants de la FNSEA ont été entendus (2)...
Il est tout simplement stupéfiant et révoltant de constater qu’aucune convention n’a été mise en place pour s’attaquer aux problèmes de l’agriculture. Pourtant, un plan social est en cours et depuis désormais des années avec une disparition silencieuse de ses membres. En 2008, la France comptait encore 514 000 agriculteurs, nous sommes aujourd’hui 448 500. Si les tendances perdurent, la France pourrait compter 342 000 exploitations en 2025, soit une baisse d’environ 30 % par rapport à 2010.
Aujourd’hui, l’importance vitale de l’agriculture n’est plus à démontrer, pour la sécurité alimentaire, pour l’équilibre économique et environnemental des territoires, pour les équilibres sociaux ! À l’issue de la crise du COVID-19, il apparaît que la question agricole est bien plus complexe, et mérite un débat transversal, concret et transpartisan, non biaisé par l’idéologie des experts, et les fins électorales d’un président qui tente de verdir son mandat au vu du discours écologique dominant.
Si l’on veut sauver l’agriculture française et soutenir les 5 millions de Français qui sont venus gonfler les files de l’aide alimentaire avec la crise sanitaire, il faut des mesures concrètes et pas seulement des propositions vagues et bienveillantes. Si l’agriculture et l’alimentation sont les clés de la « transition » - comme l’on entend souvent dire - donnons-leur les moyens ! Comme la CR, les agriculteurs attendent un plan de relance spécifique à l’agriculture et à l’alimentation qui aille au-delà des mesures annoncées pour pallier les dégâts engendrés par le COVID-19.
Une consultation de plus ...
Ce nouvel artifice démocratique aura coûté 5 389 126 euros d’argent public pour un exercice qui n’aura pas plus d’impact que les autres du même type (États généraux de l’alimentation, Grand Débat…) mais qui risque de cristalliser encore une fois les mécontents de tous bords.
Les agriculteurs français, qui entre-temps continuent à travailler 70 heures par semaine, à payer leurs cotisations, à rembourser leurs emprunts, à gagner un salaire en dessous du seuil de pauvreté pour la moitié d’entre eux, et avec une crise de plus à l’actif, attendent, aussi impatients qu’inquiets, la fin des consultations recueillies sur la plateforme ImPACtons pour savoir ce que le « grand public » aura décrété comme étant bon pour eux et pour l’environnement !
(1) Dans le Comité de gouvernance l’on retrouve : Présidence : Laurence Tubiana, ancienne militante de la Ligue communiste révolutionnaire, puis conseillère pour l'environnement de Lionel Jospin et signataire de l'appel des économistes en soutien au candidat François Hollande, enfin ambassadrice auprès de Laurent Fabius ; Thierry Pech, conseiller de la CFDT auprès de Nicole Notat, membre fondateur du think tank PS Terra Nova. Rapporteur : Julien Blanchet, ancien président de la Fage, syndicat étudiant de gauche. Experts: Michel Colombier, conseiller principal de Ségolène Royal, ministre de l’Énergie ; Anne-Marie Ducroux, consultante de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) ; Jean Jouzel, candidat sur la liste PS-Place publique, conseiller climat de Benoît Hamon, membre du GIEC ; Loïc Blondiaux, président de Démocratie Ouverte, une association adhérente de l'Open Government Partnership, une ONG née sous l’impulsion de Barack Obama et de Dilma Roussef; Jean Michel Fourniau, dirige le GIS Démocratie et Participation et membre du GSPR de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; Mathilde Omer, coprésidente de Démocratie Ouverte ; Dominique Gillier, secrétaire général de la Fédération Générale des Mines et de la Métallurgie CFDT (FGMM CFDT), membre du Bureau National Confédéral de la CFDT, membre du Comité Directeur de Industriall European Trade Union (Fédération syndicale européenne de l’industrie) ; Jean Grosset, directeur de l'Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès, secrétaire général adjoint de l'Unsa, puis conseiller social du premier secrétaire du PS, Jean Christophe Cambadélis.
(2) Olivier Dauger, élu de la FNSEA en charge des dossiers climat et énergie et Hervé Lapie, co-président de la commission environnement du même syndicat.