L'irrigation : La position de la Coordination Rurale

La CR s’oppose à l’idée d’une certification obligatoire des exploitations. Eventuellement intéressante pour quelques niches dans lesquelles elle pourrait être bien valorisée cette philosophie de la certification HVE sans plus-value de prix doit être rejetée.

D’un point de vue environnemental tout d’abord, cette certification des exploitations agricoles n’a aucun sens. Elle ne tient en effet aucunement compte des spécificités propres à chaque exploitation, et ne servira qu’à contenter une société mal informée qui croit que l’on peut tout uniformiser et que cela est souhaitable. C’est en outre faire bien peu de cas des contraintes locales liées à la situation géographique. Elle apportera seulement du négatif aux paysans et accélèrera la disparition des petites exploitations incapables d’amortir les surcoûts qui y sont liés, avec des conséquences très néfastes sur le plan environnemental et en termes d’occupation du territoire.

Cette certification, qui peut de fait devenir obligatoire dans certains cas, pour les adhérents de coopératives notamment, va également aggraver le déséquilibre, déjà important et difficile à assumer, existant dans les relations entre coopératives et adhérents. Ainsi, la possibilité pour des organisations professionnelles agricoles de contrôler/auditer en interne les agriculteurs semble de nature à induire des inégalités de traitement, du fait d’un risque de manque d’objectivité (motivé par des raisons diverses, dont le fait que cela pourrait devenir pour elles une source non négligeable de financement). C’est d’autant plus aberrant dans la mesure où ceux qui auditeront n’auront pas obligatoirement une qualification particulière pour ce type d’activité, avec le risque que cela engendre des coûts inutiles supplémentaires qui seront sûrement répercutés sur les agriculteurs. Enfin, qu’en est-t-il de l’agriculteur qui souhaite demeurer libre donc indépendant… ?

Concernant la mise en œuvre de ce dispositif, la CR tient à faire d’autres remarques :

  • Il convient d’insister sur l’importance d’accréditer COFRAC tous les Organismes Tierce Partie (OTP) intervenant. Sinon, ils n’auront aucune légitimité au sein du dispositif.
  • Pour ce qui est de la durée de validité de l’attestation de conformité délivrée par les OTP précédemment cités, la CR tient à ce que la durée soit la plus importante possible afin d’éviter de réitérer trop souvent les démarches administratives, déjà très lourdes pour les agriculteurs. La durée de 3 ans semble trop faible, nous proposons plutôt 5 ans. Il reste à préciser quelles sont les marges d’évolution possible pour une exploitation qui changerait certaines orientations ou méthodes de productions sans devoir repasser à la certification.
  • L’obligation pour l’agriculteur de justifier d'un abonnement à un service de conseil technique ou de conseils techniques écrits attestant de son adhésion à un service de conseil, nous paraît tout à fait abusive, y compris pour ce qui est de la gestion de l’irrigation. En effet, l’agriculteur peut tout à fait être auto-formé ou disposer des connaissances sans avoir à recourir à des services payants. On peut s’interroger sur les motivations réelles de cette obligation sachant les difficultés économiques très graves que traversent les agriculteurs. De même, l’obligation d’adhérer aux démarches collectives de protection des plantes est abusive, car elles ne préjugent en rien des actions individuelles. Tout cela est source de dépenses (temps, argent) inutiles par rapport au but de juger des pratiques individuelles.
  • Concernant le niveau 3 de cette certification, les indicateurs de l’option 1 - Approche globale (Pourcentage de SAU en infrastructure agro-écologiques (IAE) ; Poids des intrants dans le chiffre d’affaires) sont tout à fait inadaptés à la réalité technique et économique des agriculteurs et la CR s’oppose à leur utilisation. Il paraît absurde de vouloir faire rentrer tout le monde dans un moule sans considérer les contraintes locales et l’évolution du contexte économique.
  • Enfin, il faut signaler que les exploitations qui ont participé à l’expérimentation de la HVE sont pour 84% déjà engagées dans des démarches de qualité et ne sont donc pas du tout représentatives de l’ensemble. Il paraît abusif d’extrapoler les résultats pour toutes les exploitations, et ce d’autant plus que la sélection des exploitations est principalement due, (comme cela a été évoqué dans un document du ministère) aux trop nombreux refus de participer à l’expérimentation. La leçon à tirer de ces refus est claire : cette certification n’est pas adaptée et ne recueille pas l’adhésion des agriculteurs.


En résumé, pour la CR, la certification n'apporte rien en comparaison d'autant de complications et de contraintes si ce n’est de nourrir des officines en mal de clients captifs. L’affaire de la mélamine dans le soja Bio destiné aux éleveurs de Loire Atlantique en est la preuve flagrante. Les épidémies de Listéria ont toujours pour origine des grandes unités certifiées ISO. La position de la CR qui privilégie la conscience professionnelle et la compétence de l'agriculteur dans son travail au quotidien, reste malheureusement sans écoute. Les agriculteurs n'ont pas besoin de certification pour faire correctement leur métier, et ce n'est pas cette démarche avec toutes ses lacunes avérées qui apportera quelque chose de positif aux citoyens. Pour toutes les raisons qui viennent d’être exposées et étant donné que la décision est déjà prise, le renouvellement de cette certification doit donc selon la CR être le moins fréquent possible. Enfin, la CR s’oppose fermement à toute obligation de certification, actuelle ou à venir, et a bien pris note de l’assurance donnée par les pouvoirs publics, qu’elle resterait facultative.

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