Le « Made in France » est un véritable argument de vente et les industriels l’ont bien compris : carte de France, coq ou encore drapeau tricolore, de nombreux symboles fleurissent sur les emballages. Une signalisation parfois trompeuse désormais, un peu mieux, encadrée par la loi EGalim 2.
Plus de la moitié des consommateurs français admettent tenir compte de l’origine dans leur acte d’achat, notamment en ce qui concerne les denrées alimentaires. Selon une enquête de l'IFOP, publiée en 2018, la provenance constitue un levier d'achat pour 21 % d'entre eux et les « trois quarts des Français seraient même prêts à payer plus cher pour un produit "Made in France" ». Ainsi, des macarons nationaux apparaissent un peu partout sur les produits transformés sans que cela soit toujours justifié...
Un marketing de dupes
Attention toutefois ! Une telle signalisation ne signifie pas que le produit a été entièrement fabriqué en France. C’est d’ailleurs rarement le cas, dans une économie mondialisée qui a intégré la géographie des bas coûts. Selon le Code des douanes de l'Union européenne, le pays d'origine est celui où les marchandises « ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle » ou celui « correspondant à un stade de fabrication important ».
Ainsi, un manteau cousu en France mais dont la laine provient du Pérou et les boutons de Chine ou encore un dessert fruité cuisiné dans l’hexagone avec des myrtilles de Hongrie et du fromage espagnol pouvaient être qualifiés de « fabriqué en France ». Une seule exigence pour les produits alimentaires : préciser la liste de leurs principaux ingrédients, entrant pour 50 % ou plus dans leur composition. Dans un tel contexte, difficile pour le consommateur de savoir quelle part de la production a eu lieu réellement en France ni d'où viennent les matières premières.
Loi EGalim 2 : restrictions pour l’utilisation du drapeau français
Cela n’est plus possible désormais. En effet, la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021, dite loi EGAlim 2, interdit « tout symbole représentatif de la France » sur les emballages alimentaires lorsque les ingrédients primaires ne sont pas d’origine française. Selon le règlement européen de 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, un ingrédient primaire désigne l’ingrédient « entrant pour 50 % ou plus dans la composition d’une denrée »(...). Aussi, l’apposition d’un drapeau français, d’une carte de France ou d’un coq sur ce type de produits sera considérée à l’avenir comme une pratique commerciale trompeuse.
Les limites de la loi
La suppression de ces symboles abusifs comporte toutefois quelques dérogations. En effet, aussi absurde que cela puisse paraître, les denrées composées « d’ingrédients primaires dont l'origine française est difficile, voire impossible à garantir, car issus de filières non productrices en France ou dont la production est manifestement insuffisante sur le territoire » pourront continuer d’arborer les couleurs du drapeau français s’ils sont transformés ou conditionnés en France. C’est notamment le cas du café ou du chocolat, mais il est également envisagé de permettre un tel affichage pour le saumon ou encore le porc aux lentilles lorsque ces dernières sont canadiennes ! Un décret doit être pris prochainement afin d’arrêter la liste des produits concernés.
La loi ne s’applique pas non plus au nom « France », comme dans « conçu en France » ou « cuisiné en France » qui pourra toujours être apposé sur les emballages sans symbole associé même si ces intitulés ne disent absolument rien de l'endroit où a été fabriqué le produit ni sur l’origine de ses composants. Aucun cahier des charges spécifique dans ce cas même si le Code des douanes de l'Union ainsi que le Code de la consommation répriment le fait de tromper ou d'induire le consommateur en erreur.
En France, deux organismes contrôlent que ces mentions sont bien justifiées : la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) lors de l'importation, et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) lors de la commercialisation.
Les sanctions encourues dans ce cas-là peuvent aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende (10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, ou 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit).
Les Fraudes
La CR, constatant un mécanisme frauduleux tirant les prix vers le bas, s’est portée partie civile dans une des affaires de francisation de kiwis et demande depuis longtemps plus de contrôles de la part de la DGCCRF car bien d’autres filières sont concernées. Le 31 janvier dernier la DGCCRF a publié un communiqué de presse indiquant que l’agence a maintenu ses contrôles en 2020 et enquêté pour identifier et sanctionner ce type de pratiques. Francisation de divers fruits et légumes, tromperies sur l’origine de champignons, de miels ou de jus de fruits… l’enquête a couvert un large spectre.
Comme le montrent les chiffres de la DGCCRF, le phénomène est malheureusement très répandu. En effet, tous les contrôles menés sur l’ensemble du territoire métropolitain ont montré que près de 30 % des points contrôlés sur des marchés étaient non-conformes et que 25 % des contrôles réalisés au stade de détail présentaient une anomalie !
Les producteurs quant à eux, en plus de subir une concurrence déloyale, subissent une perte financière puisque la francisation entraîne les prix vers le bas.
Pour continuer à débattre :
« Peut-on limiter les importations toxiques ? » - Table ronde Congrès CR 2021
DGCCRF : La francisation des denrées alimentaires : une tentation très tendance