Le confinement généralisé de la population pour lutter contre la pandémie de Covid-19 impacte de manière notable la filière bovine. La restauration hors domicile (RHD), quasiment à l’arrêt depuis le début de la crise sanitaire, a orienté les consommateurs vers la grande distribution (GMS) et les drive, ce qui a considérablement modifié les débouchés. Les morceaux de viande nobles habituellement consommés en RHD se retrouvent délaissés au profit de la viande hachée, plus rapide à préparer mais aussi plus abordable pour les ménages. Malgré ce dynamisme dans les achats de viande en GMS, le prix payé aux éleveurs a quant à lui baissé dans la plupart des catégories d’animaux, ce qui a eu pour conséquences la retenue d’animaux dans les fermes, motivée par certains syndicats. L’explication de la baisse de prix constatée est liée à un déséquilibre de la valorisation de la carcasse.

Une part de viande hachée qui s’accroît dans le panier des ménages

Les ventes de steak haché ont connues de très fortes demandes en début de confinement, principalement en surgelé : de nombreux ménages français ont cru bon de réaliser des stocks de denrées peu périssables tels que les pâtes, les conserves ou la viande surgelée. Ainsi, les ventes de haché surgelé ont progressé de 66 % sur les semaines 12 à 16 par rapport à 2019. Les achats de viande hachée réfrigérée ont de leur côté augmentées de +34 %/2019. La part de la valorisation carcasse était de 57 % en hachée 43 % en muscles en 2017 (d’après le rapport Où va le bœuf de l’IDELE). Ce ratio a été modifié à l'avantage du haché à cause des changements de consommation pendant la période de confinement, avec des morceaux qui habituellement étaient valorisés en muscles à des prix plus importants, et qui se sont retrouvés transformés en haché. Dans un communiqué du 4 mai, le ministère de l'agriculture évalue la part de haché à 70% dans la valorisation carcasse. Cela a donc perturbé l’équilibre de la valorisation de la carcasse, et induit une baisse des cotations aux éleveurs.

Cependant, l’augmentation de la consommation de viande hachée par les ménages français ne s’inscrit pas essentiellement pendant la période de confinement liée à la pandémie de Covid-19. Certes la viande hachée a été très plébiscitée par les consommateurs pendant les dernières semaines mais l’accroissement de la consommation de viande bovine sous forme de haché ne cesse de s’accroître chaque année. D’après des données issues du panel Kantar, la consommation de haché frais en 2019 était en moyenne de l’ordre de 7 500 t/mois, en hausse de 7,14 % par rapport à 2014. Le déséquilibre carcasse s’accentue donc dans le même temps que la part de haché consommé par les ménages s’accroît.

Des cotations qui chutent

En semaine 18, la cotation de la vache R gagne 1 cts pour s’établir à 3,72€/kg, à 3 % inférieur à son niveau de 2019. La cotation de la vache O s’établit quant à elle a 2,98 €/kg, soit 8 % inférieur par rapport à l’an dernier. Concernant les jeunes bovins (JB), les types U restent stables à 3,84€/kg quand les types R perdent 2 cts par rapport à la semaine précédente pour s’établir à 3,65€/kg, inférieurs de 3,6 %/2019.

Cependant, cette chute de prix reste d’après nous injustifiée au regard de la consommation très dynamique en grandes et moyennes surfaces. D’après le panel IRI, les ventes de viande brute en GMS progressent de 11 % en semaine 17 par rapport à 2019, et de 10 % sur toutes les semaines de confinement (12 à 17). Pour le haché, le chiffre d’affaire accuse une augmentation de + 26 % pour le frais et +43 % pour le surgelé ! Les prix des avants (destinés à la fabrication de haché) devraient être mieux valorisés et répercutés sur les cotations payés aux éleveurs, au regard de cette demande importante, et non pénaliser ces derniers avec des prix en recul.

Une revalorisation indispensable

Les évolutions opérées par les consommateurs n’ont pas été adaptées sur l’élaboration du prix de l’animal, et la carcasse n’est plus valorisable comme par le passé au niveau du point de vente. Les équilibres de muscles cachent des équilibres de prix. La logique opérée est que le prix des arrières est fixé en fonction du prix de l’avant (pour la viande hachée).

Il est nécessaire et urgent que l’aval de la filière trouve des solutions pour mieux valoriser la viande hachée fraîche et congelée sur tous les circuits de distribution, en vue d’une répercussion sur le prix de la carcasse et sur la rémunération de l’éleveur.

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