Je suis représentant en CDOA pour la Coordination Rurale de la Mayenne et je vois passer lors de chaque commission, les dossiers d’installation des jeunes de notre département. Chacun d’entre eux est pour moi un vrai dilemme… En tant que représentant syndical et agriculteur, je suis heureux de voir que ce métier attire une jeunesse ambitieuse et entreprenante, mais aussi très inquiet du contenu des projets présentés et de l’avenir qui est réservé à cette nouvelle génération.

Certains dossiers, soutenus par les banques, ne tiennent pas la route : comment peut-on investir 1 million d’euros avec un prévisionnel de coût de production du lait annoncé à 340 € les 1 000 litres ? Comment annoncer un tel coût de production quand des éleveurs déjà en place et aux investissements en partie amortis ne l’atteignent pas ? Comment engager un jeune sur un prévisionnel prévoyant un coût de production supérieur aux prix d’achats du lait constatés depuis plusieurs mois ? La marge de manœuvre de ces jeunes est faible voire même négative !

Mais pour moi, agriculteur, défenseur du métier, comment dire à un jeune plein d’envie et d’espoir : « non, ne t’installe pas. Au mieux, tu vas travailler comme un acharné sans réussir à dégager un revenu décent. Au pire, tu devras cesser ton activité et tu perdras gros, très gros ! ». Je me bats tous les jours pour permettre à cette belle profession de continuer à exister, je ne peux envisager qu’elle soit condamnée. Pourtant, les temps sont durs…

Quand on les interroge, les représentants des banques sont discrets, voire muets face à cette situation. Aujourd’hui, leur intérêt est de gagner des parts de marché (car c’est bien ce que nous sommes, nous agriculteurs : des parts d’un énorme marché !) face à leurs concurrents et non plus d’accompagner durablement des entrepreneurs dans le développement des exploitations.

Aujourd’hui, la situation est telle que je m’attends à voir d’un jour à l’autre un jeune revenir vers l’administration et porter plainte contre elle pour avoir validé un dossier sans aucune perspective de réussite.

Installation jeunes agriculteurs : l'État doit se porter caution

Pour résoudre ces difficultés, il n’y a selon moi qu’une seule solution : mettre en place le cautionnement par l’État des prêts liés à l’installation, afin que ces jeunes (et leurs familles qui se portent souvent caution et risquent de tout perdre) ne soient plus les seuls responsables des aberrations de la politique agricole d’aujourd’hui.

L’État, caution des installations, serait alors plus regardant sur ces dossiers, mais surtout plus attentif aux politiques mises en place : garantir un revenu décent par une vraie politique de régulation, maintenir des politiques existantes quand elles conditionnent le revenu des exploitations… Cela deviendrait une nécessité pour lui aussi car il serait directement impliqué !

La révision des ZDS est un exemple scandaleux : des jeunes se sont installés dans des zones en tenant compte de leur classement et donc de l’accès aux aides spécifiques. Changer les règles du jeu 1 an, 5 ans ou 10 ans après l’installation et penser qu’une phase de transition de 2 ans permettra aux agriculteurs de se retourner est inacceptable : notre métier et les investissements qu'il implique se font sur du long terme. La fin des aides au maintien Bio suit le même raisonnement : pensez-vous vraiment qu’un agriculteur qui fait le choix d’une conversion ne raisonne que sur trois ans ? Qu’une telle transition est absorbée économiquement et techniquement dès lors que le cahier des charges est respecté et le caractère biologique de la production reconnu ?

Puisque l’État n’est pas en mesure de se responsabiliser de sa propre initiative, il est temps de mettre en place les outils qui le contraindront !

Pascal Aubry – CR 53

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