Prise en compte des véritables coûts de production

 

Septembre 2009, les éleveurs français s’engagent dans une grève générale du lait : les vaches sont traites mais les tanks vidés dans le caniveau, épandus dans les champs ou distribués gratuitement.

L'absence de gestion des volumes laitiers à l’échelle européenne a mené les éleveurs vers des situations financières intenables : les prix pratiqués en 2008 dans certains pays européens frisent les 200€/1000L, situation que connaîtra la France l’année suivante. La faillite de l’élevage laitier français est engagée. Dix ans plus tard, faisons un bilan des actions et des solutions mises en place pour essayer de sauver les éleveurs laitiers et leurs revenus.

Évaluation des coûts de production : c’est 45 cts/L en France

L’idée de coûts de production pour les producteurs n’était pas établie en 2009, difficile dans ces conditions de réclamer un prix pouvant être considéré comme rémunérateur ! En 2013 l’EMB missionne le BAL, bureau d’étude et de sociologie agricole localisé en Allemagne, pour réaliser une étude sur les coûts de production dans plusieurs pays européens : pour la France, le prix de 450€/1000L apparaît comme le minimum pour permettre aux éleveurs de couvrir leurs coûts, investir et se rémunérer décemment, bien loin des prix pratiqués en 2009... Ce travail publié par l’EMB a donc permis à l’ensemble des acteurs de la filière de considérer cette notion jusque là réservée aux transformateurs.

Mise en place d’outils à l’échelle européenne

Dans un contexte de fin de quotas laitiers prévue pour avril 2015, la Commission européenne se dote d’un observatoire permettant de renforcer la capacité de la Commission à suivre le marché du lait et des produits laitiers, le Milk Market Observatory (MMO). Sous l’influence de Dacian Ciolos, alors Commissaire européen à l’Agriculture, la mise en place de cet outil en 2014 a permis de fournir de nombreuses données et informations officielles sur l’état du marché.

La Coordination Rurale regrette cependant que le MMO ne soit doté que d’un rôle d’analyse et souhaiterait voir l’observatoire intervenir sur les marchés et prendre le rôle d’une agence de régulation, chargée de faire appliquer le PRM de l’EMB dans chacun des États membres : les volumes ne seraient donc plus gérés par les industriels mais par un organisme européen indépendant.

EGA : Le Cniel adopte un coût de production de 422€/1000L

Dans le cadre du projet de loi des États généraux de l’alimentation (EGA), le plan de filière lait, signé le 12 décembre 2017 par le conseil d’administration de l’interprofession laitière, arborait un volet « économie de filière » et « compétitivité ». Dans ce cadre, il revenait à l’interprofession l’élaboration d’un indicateur technico-économique de l’atelier lait, qui serait ensuite pris comme référence dans les négociations commerciales. Ainsi, sur la base de la méthode Couprod, l’Institut de l’élevage, a déterminé un prix de revient de 396€/1000L pour l’année 2016, adoptée par le Cniel en octobre 2018. Ce coût de production donne en moyenne sur cinq ans 422€/1000L, soit à quelques euros des revendications de la Coordination Rurale !

Malgré les solutions proposées et les actions de l’OPL de la CR, de l’EMB et de l’APLI, les éleveurs laitiers n’arrivent pas à couvrir leurs coûts de production avec les prix actuels : plus de 80 % de leur revenu était composé d’aides de la PAC entre 2006 et 2015, et le nombre d’éleveurs laitiers sur le territoire national a chuté de 35 % entre 2007 et 2017.

Propositions de la Coordination Rurale

Afin de tarir la chute du nombre d’éleveurs laitiers et participer au renouvellement des générations, la Coordination Rurale prône un prix du lait à 450€/1000L permettant de couvrir les coûts de production, se dégager un revenu et capitaliser. Cela passe par l’adhésion à des OP plus fortes et indépendantes telles que France Milk Board, qui peuvent négocier les mains libres avec les industriels. Pour une meilleure représentation de la profession, les OP doivent également pouvoir être représentées au sein de l’interprofession laitière (Cniel) via la création d’un nouveau collège. Cela passe également par la mise en place d’une TVA sociale sur tous les produits alimentaires, y compris ceux importés qui permettrait de baisser le coût du travail dans les entreprises, de redonner de la compétitivité à nos produits et donc de relocaliser notre économie. Cela passe aussi par la transformation du rôle de l’observatoire laitier européen (MMO) en agence de régulation, qui ne serait plus essentiellement chargée d’analyser le marché du lait, mais bien de faire appliquer le PRM de l’EMB dans chacun des États Membres. Enfin, pour ne pas importer des produits agricoles élaborés sous des standards différents des nôtres dans le cadre d’accords de libre-échange se multipliant, il y a urgence à mettre en place l’exception agriculturelle.

 

Cliquez ici pour retrouver le flyer réalisé en commémoration de la grève du lait

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