Le 22 juin, l’association France Captages est revenue à Sidiailles (Cher) où elle s’est constituée il y 5 ans. Après l'observation sur le terrain de la nouvelle station d’épuration construite sur le périmètre de protection rapproché du captage d’eau potable, la journée d’information et d’échanges était consacrée aux indemnités et à leur mode de calcul.

Captage de Sidiailles : agriculteurs ostracisés mais passe-droits pour la station d’épuration !

Jean-Pierre Lerude, secrétaire général de France Captages, retrace l’historique du site en précisant que depuis l’arrêté 1972 portant déclaration d’utilité publique de la construction du barrage-réservoir, toute construction est interdite à proximité du lac. Or, la nouvelle station d’épuration achevée en 2016 n’est située qu’à quelques mètres du lac de Sidiailles, périmètre de protection immédiat du captage d’eau potable et classé espace naturel sensible du Cher !

Il s’agit uniquement d’un traitement de l’eau par filtres plantés de roseaux, conçu pour un équivalent de 150 habitants, qui ne suffira pas en période estivale de forte affluence touristique (68 000 touristes accueillis en 2016). Des débordements sont susceptibles de se produire, avec rejet direct dans le lac. De toute façon, la station n’est pas « zéro-rejet » et des particules chimiques aboutiront au lac toute l’année, à proximité de lieux de baignade ! Et c’est le maire de Sidiailles qui est responsable de la qualité des eaux de baignade, alors même que le projet de station lui a été imposé, sans la moindre étude hydrogéologique ! Le scandale prend toute sa dimension quand on pense au sort qui était réservé aux agriculteurs en périmètre de protection rapprochée renforcé (PPRr de 300 hectares) du fait de l’arrêté préfectoral du 12 juillet 2013, annulé par le juge administratif le 27 janvier 2015 (voir l’article détaillé) : interdiction d’épandage de produits phytosanitaires, interdiction d’épandage de fertilisants organiques, plafond d’azote de 50 unités par ha, interdiction de détruire le couvert végétal.

Pourtant, de l’aveu même du président du syndicat d’eau, il n’y a jusqu’ici qu’un seul problème pour la qualité de l’eau : les feuilles mortes des arbres (matière organique) qui tombent dans le lac ! La teneur moyenne en nitrate n’y est que de 10 mg/l.

Hostile au financement d’indemnités versées aux propriétaires et agriculteurs, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne n’a pourtant pas hésité à participer au financement des 400 000 € du coût de cette station : le prix de la honte !

France Captages cherche à être reconnue par le ministère de l’Écologie !

Après avoir rappelé le caractère apolitique et asyndical de l’association, la présidente Clotilde Hareau (Captages 14) est revenue sur la participation de France Captages au groupe national captages, piloté par le ministère de l’Écologie.

L’association cherche à s’y faire entendre, en promouvant l’idée de verser aux agriculteurs et propriétaires des indemnités pérennes en contrepartie de la dévaluation des terres et des servitudes supportées.

Périmètres de protection de captages : toutes les interdictions sont indemnisables !

Maître Emmeline Plets-Duguet, avocate au barreau d’Orléans, est formelle : en vertu de l’article L1321-3 du Code de la santé publique, dès lors qu’un préjudice est dû à l’instauration d’un périmètre de protection, propriétaires et exploitants peuvent prétendre à une indemnisation fixée selon les règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. Ce préjudice doit être direct, matériel et certain.

Il ne faut d’ailleurs pas confondre l’indemnisation relative à l’expropriation et l’indemnisation des servitudes imposées par l’arrêté de déclaration d’utilité publique.

Si certains départements sont dotés d’un protocole d’éviction, d’autres en sont dépourvus, ce qui rend les choses plus floues. L’avocate conseille de conclure des protocoles départementaux mais ceux-ci devront être acceptés et signés par France Captages, précise Jean-Pierre Lerude !

Maître Plets-Duguet conseille également de faire une demande indemnitaire, préalablement ou en parallèle du recours contentieux. En cas de recours, si au principal on cherche à faire annuler l’arrêté, subsidiairement, il faut demander des indemnités à hauteur du préjudice.

A savoir : l’administration fiscale accepte de réduire le nombre d’hectares soumis à la TFNB si certains sont inutilisables (non exploités, non louables). L’avocate a pu obtenir des remboursements des Impôts pour certains clients.

Stop au dogmatisme : le bio n’est pas LA solution sur les périmètres de protection de captages !

De manière simpliste, la Fnab, soutenue par les agences de l’eau, milite pour la conversion en AB de tous les agriculteurs situés sur les périmètres de protection. Mais de nombreux arrêtés de DUP interdisent d’utiliser les déjections de l’exploitation et de sortir les vaches des bâtiments, ce qui rend impossible le respect d’un cahier des charges « agriculture biologique ».

Un participant évoque son cas personnel : converti en bio début 2015, il ne peut plus mettre de compost sur ses parcelles. « Mon mode de production bio n’est pas compatible avec l’arrêté de DUP » regrette-t-il.

Des chambres d’agriculture asservies !

En déficit chronique, de nombreuses chambres équilibrent leurs comptes par la vente de services. Dans leurs missions de service public, les chambres sont aujourd’hui financées par les agences de l’eau.

Au niveau de l’APCA, instruction a été donnée aux chambres d’agriculture de répondre aux demandes des préfets de réaliser des études. Cela explique que certaines d’entre elles (Yonne par exemple) se placent du coté du préfet et non des agriculteurs qu’elles sont censées représenter !

Comment les indemnisations sont-elles calculées ?

L’indemnité d’éviction varie en fonction du pourcentage d’emprise. En Saône-et-Loire par exemple (voir le protocole), cette indemnité s’élève à 3 012 €/ha pour une emprise inférieure ou égale à 5 % de la surface de l’exploitation en périmètre de protection immédiat (PPI). Dans ce cas, le foncier est racheté, à un prix négocié avec le propriétaire, sur la base des valeurs fournies par France Domaine. Le propriétaire (agriculteur ou non) ne peut d’ailleurs être exproprié qu’en PPI mais cela n’est pas une obligation pour la collectivité.

Denis Grapton, expert foncier, présente les modalités de calcul.

Pour l’indemnité du préjudice de l’agriculteur, la formule est la suivante :

indemnité d’éviction x coefficient de préjudice culture x coefficient d’emprise.

En cas d’obligation de conversion en prairie, le coefficient de préjudice vaut 0,4 auquel il faut ajouter 0,1 pour l’interdiction de tous produits phytosanitaires ou 0,3 pour l’interdiction d’épandre de l’engrais (en cas de limitation, les coefficients sont plus petits).

En cas de culture autorisée mais avec contraintes, les coefficients valent 0,2 pour l’obligation de couverture hivernale du sol, 0,4 pour l’interdiction de tous produits phytosanitaires, 0,3 pour l’interdiction de tous engrais minéraux...

Le coefficient d’emprise varie en fonction du taux d’emprise : 1 pour une emprise de 0 à moins de 5 % et légère augmentation par pallier jusqu’à moins de 20 % d’emprise (coefficient de 1,15). Au-delà de 20 % d’emprise, le déséquilibre est jugé « grave » au sens de l’article L23.1 du Code de l’expropriation. Le coefficient doit alors être défini à l’amiable entre la collectivité distributrice d’eau et l’exploitant agricole, à l’aide d’une expertise le cas échéant.

Tous ces coefficients ne valent que pour la Saône-et-Loire et d’autres coefficients y sont applicables en cas de préjudice sur prairie (voir le protocole).

Au final, l’indemnité à l’hectare reste assez maigre et ne peut, par exemple, excéder en Saône-et-Loire, 130 % de l’indemnité d’éviction.

En outre, elle n’est pas cumulable avec les MAE et elle n’est versée qu’une seule fois. France Captages entend bien le faire évoluer. Dans le Calvados, Captages 14 a obtenu une indemnisation sur 10 années, reconductibles, ainsi qu’une prise en compte individualisée, au cas par cas, dès le 1er hectare impacté.

A savoir : les indemnités sont taxées sur le régime des plus-values (revenu exceptionnel) mais elles sont exonérées si le chiffre d’affaires de l’entreprise ne dépasse pas 230 000 €. Elles entrent aussi intégralement dans l’assiette MSA, avec une possibilité de versement sur trois ans.

Sont aussi indemnisables à l’amiable d’autres préjudices, comme la perte de points d’eau d’abreuvage, d’un réseau d’irrigation, de clôture, les aménagements nouveaux de bâtiments, les déplacements de chemins… A défaut d’accord amiable, une étude est réalisée par la collectivité, financée par l’Agence de l’eau et le Conseil départemental.

Enfin, l’indemnisation du préjudice du propriétaire est possible et peut se cumuler avec celle d’agriculteur :

Valeur vénale (évaluée par France Domaine) x coefficient de dépréciation des valeurs vénale et locative

Le volume total des indemnisations peut constituer un argument de pression sur le préfet pour l’inciter à réduire la surface des périmètres.

Contacts France Captages : Clotilde HAREAU C.A.P.T.A.G.E.S. 14 Tel : 06 15 15 48 53 association.captages14@orange.fr gaeclabourdonniere@orange.fr Jean-pierre et Florence LERUDE CYDEALIA Tel: 02 48 56 71 21 jpflam@orange.fr

Dans la même catégorie

Environnement
Alimentation
Économie
Élevage