En cette période de crise inédite que connaît le pays à cause du Covid-19, quelle est la situation producteurs bio ? Des chiffres font état d’une croissance sans précédent de la consommation de produits bio. Les plateformes de distribution de produits locaux déjà en place sont prises d’assaut. Cette embellie ne peut toutefois cacher les difficultés et les incertitudes qui touchent les producteurs habitués à vendre à la restauration hors foyer et aux collectivités.

Une croissance sans précédent de la consommation des produits bio

Les chiffres le prouvent, une étude publiée le 7 avril par le cabinet Nielsen montre une augmentation de la consommation des produits bio dans les circuits de distribution par rapport au conventionnel “d’environ 14 points début février”. Les magasins bio de proximité ont enregistré une hausse des ventes de 73%, alors que dans les supérettes conventionnelles la hausse est de 43%. Selon le cabinet, cette dynamique s’explique également par un regain d’intérêt des consommateurs pour des produits considérés comme plus sains ou naturels.

Les difficultés de certains producteurs fournissant les collectivités et la restaurations sont préoccupantes

En dépit de cette croissance impressionnante pour le bio ce contexte de pandémie perturbe la distribution de produits alimentaires depuis plus de 3 semaines. En effet une partie de la restauration collective est à l’arrêt, en début de confinement les rayons des supermarchés ont été dévalisés et les consommateurs ont constitué des réserves importantes par peur de manquer. Les marchés de plein air sont très perturbés et, même ouverts, ces derniers ne connaissent plus la même affluence. Les ventes à la ferme ou en points relais sont préférés car les commandes peuvent être passées par internet. Des régions (Centre-Val de Loire, Nouvelle Aquitaine, Occitanie) ont d’ailleurs eu l’excellente initiative de développer des plateformes de distribution en ligne pour aider les producteurs qui souhaiteraient écouler des produits prévus habituellement pour les restaurateurs ou les collectivités.

Toutefois pour ces producteurs habitués à vendre à la restauration et aux collectivités, adapter sa production à la vente aux particuliers ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut par exemple pouvoir amener sa viande fraîche aux marchés ou aux endroits de retrait mais pour cela encore faut-il être équipé en remorques ou camions réfrigérés. “Si on veut en louer, c’est impossible car tout est fermé, témoigne Karine Loubet qui tient une auberge à la ferme spécialisée en viande de porc bio en Côtes d’Or (21). Nous produisons aussi des semences de légumes mais il n’y a plus moyen d’honorer nos commandes car les livraisons sont très limitées et marchent au ralenti”. Pour Karine la demande ne manque pas mais l’adaptation à ces nouveaux circuits n’est pas évidente pour tous les producteurs qu’ils soient bio ou conventionnels. Pour s’adapter en achetant du matériel neuf les producteurs ne peuvent pas joindre leur fournisseurs habituels ou les magasins sont fermés. Les commandes de nouvelles semences n’arrivent pas du fait du ralentissement de l’activité de la Poste. De plus les producteurs habitués à travailler avec la restauration ou les collectivités ne se payent plus et n’ont pas d’argent d’avance pour acheter le matériel nécessaire à leur nouvelle orientation du fait de la pandémie. Ils doivent se tourner vers leur banque pour contracter un prêt.

Des questions en suspens : déplacement des consommateurs, grande distribution ...

Des questions demeurent : « Nous avons des consommateurs qui veulent venir nous prendre des caissettes de viande, qui une fois congelées pourraient durer plusieurs semaines, mais ils sont éloignés (1h de route aller-retour) Ont-il le droit de se déplacer ? » Par peur des contrôles les consommateurs des grandes villes ou villes moyennes vont au plus près, certains producteurs bien localisés en profiteront mais ce sera surtout en faveur des GMS. Vendre à la grande distribution en dernier recours ? Pour Karine : «le risque est de vendre à très bas prix une production de qualité, et perdre en revenus de manière irrémédiable, on ne nous fera pas de cadeau ». Il serait à cet égard intéressant de surveiller les prix de rachat de la grande distribution aux producteurs devant écouler leur marchandise pour bien vérifier que ces dernières jouent le jeu et ne profitent pas de la situation.

Des situations très contrastées

Ailleurs d’autres producteurs bio du réseau CR témoignent d’une situation très positive. « Ceux qui fournissaient la restauration collective ont pu réaffecter leur production à une vente aux particuliers assez rapidement, le chiffre d’affaire de magasins de groupement de producteur a pu être multiplié par cinq... » explique une producteur maraîcher des Bouches-du-Rhône. « La demande est importante car les consommateurs prennent conscience de la portée politique de leur acte d’achat et de l’importance d’acheter local, en bio ou non. C'est une belle évolution et il faut s'en réjouir !»

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